Vue sur la mer

23 1 0
                                    

Je me ressaisis. Il a toujours été un héros dans ma tête, cette image idyllique se brise à présent. Pour lui, je ne verserais plus aucune larme. J'ai grandi maintenant. Essuyant mes joues, une voix spirituelle me répète inlassablement : pleurer c'est être faible. Ironique situation.

Je rejoint Sana sur la terrasse. Les pieds croisés sur la table, elle sirote une limonade à l'air marin. En m'entendant arriver, elle remonte ses lunettes de soleil et se contorsionne pour me voir.

"- Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur.
- T'inquiètes pas, elle pose sa revue et se tourne complètement. Tu voulais quelque chose ?
- Juste savoir quand mon Père comptait arriver.
- Il dînera avec toi ce soir, mais il n'arrivera pas avant vingt heure.
Craignant ma déception, elle me propose :
- Qu'est-ce que tu veux faire pour ta première journée ? Si tu n'es pas fatiguée par le voyage bien sûre.
- Je ne sais pas, c'est comme si c'était la première fois que je venais ici.
- Déjà, enlève ce pull et passe une des chemises que je t'ai apporté. Je ne sais pas comment tu fais pour résister à la chaleur, dit-elle en soufflant théâtralement.
En effet, son minuscule short en tissu et son débardeur échancré ne lui permettent pas d'étouffer.
- J'aimerais bien voir la mer d'un peu plus près si c'est possible.
- Ça te dit un petit tour de bateau ? "

Rayonnante, je me précipite dans la chambre. Je déplie sans délicatesse la pile de vêtements et saisi un chemiser. En quête d'une once de froideur, je secoue le col de mon pull. Je dégoulinais de chaleur sans m'en rendre compte depuis l'atterrissage. La crise de larmes de tout à l'heure m'a fait oublié la température. Je sors dans le couloir et ouvre un peu toutes les portes que je rencontre. Trouvant enfin la salle de bain, je fais glisser mes vêtements au sol et me passe rapidement sous l'eau froide. En sortant, je fouille en vitesse les tiroirs et dégote une serviette que j'enroule négligemment autour de mon corps. Elle tombe dès que je passe le pas de ma porte. J'enfile le chemiser et cours chercher mes lunettes de soleil dans mon sac resté sur le lit.

Sana vient me chercher au moment où je boutonne les derniers boutons de la chemise qu'elle m'a prêté. Je lui emboîte le pas et nous sortons sous le soleil brûlant. Elle dépose une casquette verte sur mes cheveux. Je dois avoir une dégaine de touriste avec toutes les couleurs criardes que j'ai sur le dos. Je ris en silence.
"- On va simplement aller à la plage d' à côté, tu as un maillot de bain ?
- Non, je n'y ai pas pensé en partant.
- Dans ce cas on va t'en prendre un, les petites boutiques ce n'est pas ce qui manque en bord de mer !"
Nous ne marchons pas plus de dix minutes avant d'arriver dans le magasin. Je choisis un maillot au hasard ainsi qu'une paire de tongs et on passe à la caisse. Sana rajoute un paquet de bonbons colorés à la commande. Une fois payée, je retourne en cabine pour mettre le deux pièces et mon accompagnatrice m'emmène au stand des bateaux.
Le sable fin caresse nos pieds, et plus nous avançons vers le stand plus l'air salé commence à me chatouiller les narines.

L'eau gicle sur mon visage alors que le catamaran accélère subitement. Sana se lève et s'accroche au mat. Les yeux plissés, elle hurle pour se faire entendre derrière le bruit des vagues : "C'est pas génial ?!".
Je n'ai pas le temps de répondre que le bateau réaccélère et me propulse sur la toile. Je m'y agrippe fortement et parvient à me rassoir. Je suis trempée, mais c'est bien le seul truc cool que je fais depuis mon arrivée. Le spectacle changeant régale mes yeux. Je crie à mon tour. Les gouttes qui me pleuvent sur le visage se transforment peu à peu en gouttelettes. La jungle verte vue de la mer se change progressivement en palmiers et le chant des oiseaux redevient audible. Le vaisseau se range sur la berge.

Revenues à la maison, je finis le cornet de la glace que Sana m'a offerte sur le chemin.
C'est tout de même étrange qu'une employée fasse autant de choses pour moi. Elle a ce côté maternelle qu'ont parfois les femmes envers les plus jeunes. C'est étonnant car on a que quelques années d'écart et je n'ai rien d'attendrissant. Surtout dans ces circonstances, je dois lui renvoyer une affreuse image d'enfant capricieuse. Je la dévisage. Ses yeux verts se plongent dans les miens, je détourne le regard, gênée. Elle détache ses cheveux dorés et d'épaisses boucles se forment sur sa nuque. Sifflement. Sana sort son téléphone. Elle paraît préoccupée. "Désolée... Ton Père ne rentrera que demain". J'attend la suite de sa phrase mais pas de il s'excuse ni de il t'embrasse et encore moins de questions sur mon arrivée. La seule réponse que je lui donne en retour lui témoigne tout l'intérêt que j'ai pour lui dorénavant : "Où sont les gels douche ? Le sel et la transpiration ne font pas bon ménage".

RealsummerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant