Chapitre 6

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Cassandra

Cassandra regardait défiler New York à travers la fenêtre. Le rythme cubain à la radio n'arrivait pas à la dérider, ni la voix de fausset de Diego. Elle qui avait toujours adoré son travail, elle n'avait aucune envie d'y mettre les pieds. D'un air absent, elle écoutait les plaintes de Diego sur le traffic new-yorkais et sur l'impolitesse des conducteurs. Un bref espace à sa droite et il coupa trois files pour récupérer une rue adjacente. Le jeune femme se retint de lui faire remarquer l'ironie de son geste. Elle reporta son attention sur le ciel grisonnant. Elle n'avait aucune envie de plaisanter. 

Elle se sentait inutile, insignifiante? Les sms de Dylan, au lieu de la réconforter, accentuaient son sentiment d'échec. Son job c'est tout ce qu'elle savait faire, tout ce qu'elle était. Elle serra les doigts autour de son téléphone, rien qu'à imaginer la mine déçue de Luther, elle en avait la nausée. Que pourrait-elle lui dire? Qu'elle était nulle! Ses collègues allaient se fair une joie de la démonter, elle qui était l'une des favorites, la voila remisée plus bas que terre. Le babillage du conducteur lui donnait la migraine. Elle prit sur elle pour ne pas l'insulter. Diego était devenu au fil de ses courses son confident et elle ne voulait pas lui faire de la peine inutilement. Encore une des choses qui avait changé depuis qu'elle vivait avec Meryl. Elle ne se reconnaissait plus. 

-...., lança Diego.

Cassie acquiesça sans écouter. Le bâtiment du CSA se dessinait devant elle. Le véhicule s'arrêta. Elle savait qu'elle devait descendre, elle sentait le regard interrogateur que Diego posait sur elle. Elle sortit du véhicule et attendit que celui-ci disparaissent dans la circulation New Yorkaise pour faire face à l'immeuble.

Elle ne se souvenait pas qu'il émanait une atmosphère aussi froide, ni que l'immeuble était aussi impressionnant. Il semblait tailler dans un granit indestructible. Ses baies vitrées ressemblaient à des yeux scrutateurs, malveillants. Elle secoua énergiquement la tête, éloignant ses pensées excentriques.

Elle se redressa de toute sa hauteur, leva le menton bien haut et se dirigea vers le hall. Même à l'intérieur, elle avait l'impression de ne pas être à sa place. Cela devait venir du fait qu'il y passait beaucoup moins de temps qu'avant. En son for intérieur, elle savait que ce n'était pas la seule explication.

Affichant un air hautain, elle se présenta à l'accueil. Son calme apparent n'était rien en vue du volcan qui s'activait en elle. Peu de personnes étaient présentes, mais elle sentait les regards haineux de ses collègues. Elle se concentra sur la jeune secrétaire. Celle-ci la regardait comme un chiot, à moitié apeuré et à moitié excitée.

-Premiers jours ? demanda Cassie en s'intimant d'être gentille. Les grands yeux verts s'écarquillèrent lui faisant encore plus penser au regard de biche de Meryl.

-Oui. Co...Comment vous le savez ? demanda-t-elle timidement en souriant.

La vache ! A sourire autant, elle devait avoir atrocement mal.

-L'instinct, répondit Cassie. Je viens voir Luther.

-Vous avez rendez-vous ? demanda-t-elle innocemment.

Cassie veilla à ce que son sourire ne se fane pas. Elle faisait son job c'est tout.

-Oui. Cassie.

-Cassie comment ?

-Juste Cassie, commença-t-elle à s'impatienter.

La standardiste ouvrit son logiciel et vérifia ses dires.

-Oh oui, vous avez raison ! Allez-y, je vous annonce !

Cassie s'éloigna et l'entendit crier derrière elle.

-Et bonne journée ! s'écria l'hôtesse d'accueil en herbe.

La jeune femme sourit. Elle n'était pas encore au point mais elle prenait son travail à cœur. Elle hocha la tête et pris l'ascenseur sous le regard étonné de sa pire ennemie. Becky. Quel nom de garce ! Cette dernière devait se demander pourquoi Cassandra avait été aussi aimable.

*****

La sonnerie de l'ascenseur indiqua qu'elle était arrivée. L'ambiance feutrée du couloir lui irritait la peau, elle avait l'impression de ne plus pouvoir respirer. Ca y est, elle devenait cinglée ! Après tout, c'était dans ses gènes, se dit-elle en grimaçant. Elle n'eut pas le temps de frapper que la porte s'ouvrit.

-Je t'attendais, la salua Luther en lissant sa veste de costume.

Sa peau ébène volait la vedette au bleu nuit de sa tenue. Il s'effaça pour la laisser passer et comme à chacun de ses mouvements, elle eut l'impression qu'une montagne s'était déplacée. D'un pas souple et tranquille, il se glissa derrière son bureau devenu minuscule par rapport à sa carrure. La jeune femme était toujours étonnée par la douceur qui émanait de Luther. Il avait la force de dix hommes et la grâce d'une ballerine. 

- Alors? Où en es-tu? demanda-t-il en se carrant dans son fauteuil. 


Cassandra se redressa imperceptiblement et prépara sa tirade. Elle devait sauver sa peau et elle refusait de décevoir Luther. D'une manière étrange, il était ce qui ressemblait le plus à un père pour elle.

-Meryl semble digérer sa rupture, mentit-elle. Elle va de l'avant. Je pense que bientôt elle pourra recommencer à sortir.

- Et Dylan ? s'informa Luther.

La jeune femme tressaillit. Ne pas montrer sa gêne.

-Il...Il n'a pas l'air très intéressé. J'ai l'impression qu'il a fait une croix sur sa relation avec Meryl.

L'avertissement de Mickaël lui revint à l'esprit.

-Je me demande, reprit-elle, s'ils sont vraiment faits l'un pour l'autre.

Elle ferma les yeux et se maudit. Ce n'est pas du tout ce qu'elle avait prévu de dire. Elle qui voulait faire croire que son plan fonctionnait à merveille. Elle n'avait même plus de plan ! Pourquoi est-il impossible de mentir à Luther ?!

- Tu remets en doute notre organisation? demanda-t-il d'une voix douce. 

-Non! s'indigna-t-elle. Jamais! C'est juste que... je ne sais pas, ça n'a jamais été mon rôle de jouer les entremetteuse. J'y connais rien en amour! Je ne suis pas une romantique! C'est pas un travail pour moi ça! La mini stagiaire serait plus douée! s'emporta-t-elle. 

Une lueur amusée éclaira les prunelles de Luther. 

- La mini stagiaire? 

-Oui, à l'accueil!

- Cassandra, reprit-il sérieusement, ce n'est pas parce que tu brises des couples que tu ne travailles pas pour "l'Amour". Tu leur permets de trouver l'âme sœur. Tu es une romantique, c'est juste que tu ne l'assumes pas. 

- Pfft! croisa-t-elle les bras sur sa poitrine en signe de négation. 

- Très mature! 

- Quoi? J'y peux rien, s'ils ne se courent pas après!

-Tu es la meilleure pour faire courir les hommes! Tu es sure qu'il n'y a pas une autre raison? 

Elle repensa à sa conversation avec son meilleur ami. Et si ce n'était pas de sa faute, si la véritable raison était que Cupidon se trompait? Elle ne pouvait tout de même pas faire par de ses doutes à son référent. 

- Comme quoi? demanda-t-elle prudemment. 

- Es-tu sure que tu le considères comme un simple client? 

Une sonnette d'alarme se déclencha dans son cerveau. 

- Bien sur! Pour qui tu me prends?! Une amatrice?! Je peux avoir tous les hommes que je veux, pourquoi en choisir un!


La mission secrète de Cupidon - Tome 2Where stories live. Discover now