En quête de vérité

5 (en entier cette fois)

Mon cœur s'arrêta. Mes doigts se crispèrent. Toutes les parties de mon corps semblaient gelées. A la vue de l'ouverture ensanglantée partant du nombril jusqu'au cou mon sang ne fit qu'un tour. Mes lèvres s'entrouvrirent et un cri aigu s'en échappa. Je tremblai si fort que je faillis tomber par terre, sur le sol souillé par ce crime. Une main se posa sur mon épaule. Un nouveau cri s'enfuit de ma trachée. Puis le monde tourna autour de moi, et le noir m'envahit.

  Mais qu'avais-je fait ?

  Quelques heures avant, pourtant, j'allai parfaitement bien, sur le plan  physique, du moins. J'avais découvert que l'autre qui était victime de cela s'appelait Matt. Le manoir n'attendait que nous. Matt avait tout prévu, alors que j'étais venue les mains vides. J'avais vraiment honte. Dans son sac se situait une lampe torche, une lampe frontale, de l'eau, des barres de céréales, un petit couteau pour le lierre, et un mini marteau, au cas où. Je ne lui posai la question de l'endroit où il avait trouvé ça, et comment ces objets étaient entrés en sa possession. Il avait tout pris et moi rien, je n'allais pas faire de commentaires. C'aurait été mal venu. Sur le chemin, une colline broussailleuse, pleine de verdure, la conversation était extrêmement meublée :

  << ... Hum... voilà...
  - Oui... hein...
  - Voilà... voilà... >>

  Ca faisait pitié. Alors, je lui demandai, mal à l'aise à l'évocation de cela.

  << Toi, c'est quand que tu as commencé à voir, ces trucs là... tu sais ?
  - Oh, juste une heure à peine avant d'aller au lycée. Je lisais un bouquin, et j'ai vu le mot retour et voilà, j'ai cru à une hallucination passagère. Et puis ç'a recommencé, et tu m'en as parlé donc, je me suis dit que c'était pas possible. Et c'est comme ça que c'est arrivé. Et puis maintenant on grimpe une colline nauséabonde pour visiter un manoir hanté digne de Disneyland.
  - Je ne sais pas si t'as déjà fait la maison hantée là-bas, mais ça ne fait pas peur. Contrairement à maintenant. >>

  Il se tut et le silence revint. Je suis vraiment douée pour mettre les gens mal à l'aise et de tout gâcher. Il reprit finalement la parole :

  << Et toi ?
  - J'étais avec Jjia et je suis allée voir au rez-de-chaussée de ma maison parce que j'entendais des bruits. Et je suis allée dans la salle de bain, et j'ai vu le mot retour écrit de sang sur le sol. Et voilà. C'est pas incroyable, mais ça fait bien flipper. Pourtant je ne suis pas une froussarde. Et... >>

 Je m'arrêtai brusquement. La manoir venait de nous faire face. Il était immense et recouvert aux trois-quarts de lierre. Matt approcha de ce qui semblait être l'entrée. Avec son couteau, il enleva le lierre et actionna la poignée, qui, contre toute attente, se baissa et laissa la porte s'ouvrir pour nous. Mon regard croisa celui  de Matt. Oh oui, on pensait la même chose. Cette porte n'aurait pas dû s'ouvrir. Et pas aussi facilement. Tant pis. Après tout, nous étions déjà stressés.
  Matt sortit la lampe frontale et la positionna sur son front. Il me tendit ensuite la lampe torche. Je m'empressai de l'allumer et je remarquai qu'il faisait de même. Il me laissa entrer en première en murmurant "les femmes d'abord". Super, je suis ravie d'être une femme. La sueur coulant lentement sur mon front et dans mon dos, je rentrai lentement dans cette maison de l'horreur. Il rentra juste derrière moi. Le faisceau lumineux n'éclairait pas tout le couloir, rendant l'ambiance lourde, et peu rassurante. Je déglutis. Des frissons me parcouraient de tout part. Un contact soudain sur mon épaule me fit hurler. Mais en fait, c'était Matt.

  << Arrête de frissonner,  ça me stresse.

  - Pardon, murmurai-je. >>

  Il sourit, mais je sens bien que c'est pour me rassurer. La couloir se divisa soudain en trois autres couloirs. Je me raidis. Lequel prendre ? Au fond, je savais un peu lequel prendre. Celui d'en face. Celui comme chez moi, qui avait mené vers les lettres de sang. Je me redressai de toute ma (petite) hauteur et avançai vers l'avant, lampe au bout de mon faible bras tendu. Je ne voulais absolument pas que quelque chose arrive. J'aimerais tellement que nous traversions le manoir sans embûche et qu'à la sortie, on soit juste content de l'avoir fait. Mais c'est impossible. Nous allons être terrifiés, je le sens. Je le sais. Ce que je voulais, en revanche, c'était ne pas flancher, ne jamais flancher et encore moins devant un garçon. Je n'ai rien contre les garçons, mais montrer que les filles sont tout aussi capable de ne pas avoir peur, ce n'est pas déplaisant. Mon cœur battait si vite que j'avais l'impression qu'il allait exploser, que le sang allait s'éjecter de mes veines. Ses battements me faisaient penser au tambours dans les fanfares. Puis une autre pensée s'inséra en moi. Les tambours de guerre. Je déglutis. Il fallait toujours que j'en fasse des tonnes. tout en essayant de calmer les battements anarchiques de mon cœur, je pensais à ce qui pourrait arriver. Une attaque ? Non, trop banal. Cela ne pouvait agir comme ça. Il fallait du spectacle. Il fallait de la peur. Oui. C'est ça. La peur. La peur est incroyablement complexe.

  En effet, la peur est une des réactions les plus complexes dans notre corps. La peur peut se déclencher de différentes façons, et pour différentes raisons. De plus, la peur marche selon ce que l'on a vécu. par exemple, si, étant petit, vous êtes tombé d'un escalier et que vous vous êtes fait mal, ça va rester. En fait, votre conscient ne s'en souviendra probablement pas, car les traumatismes sont des restes de l'enfance, et je pense que personne ne se souvient de beaucoup de choses de sa petite enfance. Enfin bref, votre conscient ne s'en souviendra pas, mais votre inconscient si. Disons, que votre cerveau aura gardé la sensation, mais pas le souvenir exact. Donc, maintenant, quand vous descendrez un escalier, vous aurez peur inconsciemment de tomber. Réfléchissez-y quand vous verrez quelqu'un descendre lentement les escaliers. Peut-être est-ce un reste de son enfance.

  Beaucoup de phobies viennent de là.  Mais il y a aussi le fait que, si votre mère, votre père, ou votre aîné dans la famille, vous répète sans cesse :
  << Les araignées, c'est dangereux, il faut faire attention, c'est dangereux, hein, il faut pas toucher les araignées, tu t'en souviendras ? >>
  Eh bien, ça va rester. Parce que cette personne de votre famille qui est plus vieille que vous est votre modèle, et que votre inconscient va noter ça dans votre mémoire. Eh là, bim, vingt ans après, vous avez une peur phobie des araignées. C'est pour ça que beaucoup de gens pensent que les peurs sont héréditaires. C'est faux, mais ça se transmet.

  Après il y a les peurs de type screamers. Un bruit violent, une image apparaissant d'un coup sur l'écran sur lequel vous êtes en train de glander depuis deux heures, et là, votre cerveau va réagir. Il va se protéger, en sursautant, pour se reculer.

  Penser de manière scientifique à la peur me permettait de me détendre. Je regardai autour de moi le décor morbide. Un vrai manoir de vampire.  Un petit boîtier attira mon regard. Je l'attrapai, et l'ouvris. Un cri suraigu sortit de mes lèvres.

  Un œil. Avec les paupières et tout. Qui me fixait. Puis mon cœur se retourna. L'œil venait de ciller. Je craquai. C'était plus que ce que je pouvais supporter. Tout en moi explosa, et je ne contrôlai plus rien. Je hurlai, des larmes coulèrent sur mes joues, et je courus comme une damnée dans les couloirs. La lumière disparut, me laissant dans le noir, mais je ne pensai pas à ça. Je ne voyais que cet œil qui m'observait sans relâche. Mon cœur battait sans cesse plus fort. Et contre toute attente, je trouvai la sortie. La lumière brûla mes yeux, mais je n'y prêtai pas attention. Je ne faisais que courir, comme si, en m'épuisant, j'allais pouvoir effacer ce que j'avais vu. J'entrai dans une forêt sans me soucier de si j'allai retrouver mon chemin. De si il y avait des animaux dangereux ici. De si un tueur m'attendais. Je ne voulais plus jamais avoir affaire à ces choses bizarre, à cet œil, à ce sang qui représentait le mot retour. Puis je m'arrêtai brusquement. Mon cœur rata un battement.