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Je savais, quelque part en moi, que cette solution n'était pas la bonne. Je ne pouvais pas simplement cesser de parler à Charlie. Premièrement parce que je devrais lui donner une explication, deuxièmement parce que je continuerais à la voir chaque jour à la fac puisqu'on partageait plusieurs cours ensemble. Bien que la plupart se déroulent en amphi, la croiser restait tout de même assez probable et je n'avais pas envie de passer mon temps à recevoir des coups de couteau dans le cœur. Autant me le déchirer une fois pour de bon.

Le week-end approchait enfin, et qui disait week-end disait fêtes alcoolisées. J'allais enfin pouvoir me sortir Charlie de la tête le temps de me faire draguer par une infinité de mecs bourrés. Qui sait, peut-être que ça me remettrait les idées en place ?

― Emma !

Un sac s'écrasa sur mon bureau, m'arrachant un sursaut. J'étais pourtant accoutumée à ce que ma camarade se conduise de la sorte, mais j'étais toujours déstabilisée lorsque j'entendais le son de sa voix.

― Charlie.

Elle fronça les sourcils devant mon ton sec, mais ne parut pas s'en soucier plus que ça. Elle s'assit brusquement à côté de moi, me faisant face. Mon estomac se retourna devant son visage délicat et la joie apparente dans ses yeux noisette. J'espérais qu'elle n'allait pas m'annoncer qu'elle s'était fiancée ou qu'elle était enceinte, ni toute autre connerie du genre. Auquel cas je pense que je me serais évanouie. Par chance, cela n'avait rien à voir avec son mec.

― Il y a une fête ce soir, tu viens ?

― Charlie, des fêtes y'en a partout dans Aix... J'ai besoin de plus de détails.

― Ben... Tu me donnes ton adresse et on y va ensemble ?

Je haussai les épaules pour lui signifier que c'était ok, même si je doutais que ce soit une bonne idée. C'était comme si un combat avait rage en moi : d'une part je faisais tout pour m'éloigner d'elle, mais d'une autre je faisais tout pour m'en rapprocher.

Vers vingt-deux heures, nous arrivâmes à la fête. Je regrettais que Rachel n'ait pas pu venir, mais d'un côté ça me permettait de passer du temps avec Charlie. On se dirigea vers le salon, et Charlie me présenta à une petite bande – Marc, Quentin, Lucie et Mary. Quentin était déjà assez amoché et proposa de faire un jeu : Truth or drink. Ce jeu consistait à poser une question, et la personne devait choisir entre répondre ou prendre un shot. On monta dans une chambre pour être plus tranquilles, même si la musique nous parvenait toujours en pulsations sourdes. Assis en cercle, Marc demanda à faciliter le jeu : les questions viseraient tous les participants, qui répondraient ou boiraient dans le sens des aiguilles d'une montre. On approuva de la tête et Quentin frictionna ses mains l'une contre l'autre en jouant des sourcils. Charlie, à ma droite, esquissa un sourire qui m'aurait fait perdre tous mes moyens si j'avais été en train de parler. Ses cheveux bruns ondulés tombaient sur ses épaules, son profil parfait aurait rendu n'importe quelle fille verte de jalousie. J'observai les personnes autour de moi : je sentais que Marc et Quentin devaient faire des ravages, de par leur sourire craquant et leur style soigné, mais je ne ressentais strictement rien en les regardant. Les autres filles n'éveillaient pas grand-chose non plus ; seule Charlie me retournait le crâne. Je soupirai pour moi-même alors que le jeu débutait, une fois nos verres remplis d'alcool quelconque.

― Bon, je commence, s'enquit Marc. Imaginons que vous êtes tous en couple à ce moment présent. Vous préféreriez que votre conjoint vous trompe dans le cadre d'un jeu, ou que vous le « trompiez » dans ce jeu ?

― Je préfère qu'elle me trompe, répondit Quentin. On sait tous comment ce genre de jeu se passe, et généralement les filles doivent s'embrasser entre elles. Et c'est tellement hot !

Ils rigolèrent tandis que je rougissais, m'imaginant soudainement embrasser Charlie. Il ne fallait pas que j'y pense, c'était une torture, mon cœur s'était mis à accélérer comme si la scène était réellement en train de se produire.

― Emma ? C'est à toi.

― Euh... Je préfère tromper. Je crois.

― C'est dingue, toutes les filles ont répondu ça, dit Marc. Moi je préfère aussi que ma copine me trompe. Je veux pas la perdre, et on connait votre taux de rancune les meufs...

Pour le coup, il n'avait pas totalement tort. Mais j'étais célibataire, alors je n'avais pas vraiment réfléchi à la question. Mais cela voulait dire que Charlie aussi préférait tromper son copain...

― Bon, à moi, reprit Quentin. Si vous deviez embrasser quelqu'un dans cette pièce, qui est-ce que cela serait ?

Il sourit en agrandissant ses yeux pour renforcer l'effet de malice qu'il tentait de se donner. Bon, ça ne fonctionnait pas réellement, mais on avait pigé son intention. Lucie haussa les épaules.

― Je sais pas.

― Non ça marche pas ça, si tu ne réponds pas tu bois ! s'exclama Quentin.

Elle soupira en portant son verre à ses lèvres.  

― Marc, répondit Mary.

Quentin fit une moue déçue tandis que son ami lui frappait sur l'épaule dans un geste amical. Charlie descendit son verre avec une grimace et le reposa au sol. Je la regardai faire, me rendant compte toutefois que mon attitude était forcément suspecte, puisque je reproduisis son geste à mon tour.

― Oh, y'a anguille sous roche mon Quentin ! s'écria Marc en nous montrant du doigt.

Charlie joua le jeu en jouant de ses sourcils avec un sourire en coin, et Marc prit à son tour un shot de vodka.

― Vous êtes nuls, dit Quentin. Moi je me taperais bien Charlie.

Elle lui adressa un clin d'œil et j'eus une brûlure dans l'estomac. La jalousie. J'aurais aimé dévisser le crâne de Quentin pour le balancer aux ordures, mais je me contentai de resservir nos verres en tâchant de ne pas en renverser partout.

― Bon. Si vous pouviez sortir avec n'importe quelle star, ce serait laquelle ? demanda Lucie.

― Patrick Dempsey, sans hésiter.

― Je sais pas trop, répondit Charlie. Leonardo DiCaprio. Mais la version jeune.

― Ashley Benson, répondis-je sur un coup de tête.

Marc m'offrit un grand sourire tandis que je fermais lentement mes paupières en réalisant mon erreur. Lorsque je les rouvris, il me fit un clin d'œil et s'enfila son verre en plissant ses yeux.

― Je rejoins Emma sur ce point ! s'exclama Quentin en levant son pouce.

― Idem, enchaîna Lucie. Queen Benzo est vraiment superbe.

Je soupirai de soulagement : ce que Mary eût l'air de remarquer puisqu'elle eût la fabuleuse idée d'enchaîner :

― Vous pourriez sortir avec une personne du même sexe ?

Je manquai de m'étouffer avec ma salive mais restai le plus calme possible. Charlie baissa ses yeux après avoir croisé mon regard et avala le contenu de son verre.

― Ben... Je viens de dire que je n'serais pas contre me taper Benson alors j'imagine que ouais, avouai-je.

Marc me fit un clin d'œil tout en buvant son verre. Quentin répondit par la négative, Lucie dit la même chose que moi et Mary secoua la tête. Alors que Charlie réfléchissait difficilement à la question qu'elle devait poser, Marc exprima une fulgurante envie de danser, et il entraîna Quentin dans les escaliers pour qu'ils rejoignent tous deux leurs petites-amies. Le jeu prit donc fin, on finit nos verres et on se leva pour les suivre. Mary discutait avec Charlie mais je sentais son regard pesant alors que j'étais moi-même en train de parler avec Lucie. Lorsque celle-ci m'invita à danser, la belle brune se jeta sur Loïc qui venait d'arriver pour l'embrasser avec une telle force que même lui parut surpris. Puis elle lui prit la main et ils montèrent à l'étage. Lucie, qui avait elle aussi suivi Charlie du regard, se pencha vers moi :

― Marc a raison. Y'a anguille sousroche.    

I can love you better than he canOù les histoires vivent. Découvrez maintenant