Chapitre 29

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Ils s'envolèrent juste après leur dernier concert en Australie et, au lieu de rester à Londres comme ils avaient l'habitude de le faire, partirent directement chez leurs parents afin d'y séjourner deux semaines. La séparation avait été beaucoup trop longue et ils avaient besoin de leurs proches pour les aider à reprendre pied rapidement dans la réalité, et surtout à ne pas perdre le peu de tête qui leur restait.

Les familles des garçons furent affolées en les revoyant, la vie semblait avoir quitté le corps de leurs bébés. Ils avaient perdu du poids, et sans maquillage pour dissimuler les traces d'épuisement, leurs visages faisaient peur à voir. Ils n'arrivaient même plus à sourire, et il leur était difficile de raconter comment le tour s'était déroulé. Leur voix tremblait tandis qu'ils parlaient, comme si les souvenirs étaient trop douloureux ou honteux à se remémorer, et leurs parents comprirent que des événements graves s'étaient produits. Ils pleurèrent de frustration, ne supportant pas de voir leurs enfants malheureux, et ils se reprochèrent de ne pas s'être assez occupés d'eux.

Les garçons s'en voulaient d'être la cause de leur tristesse, même si aucun d'entre eux n'avait avoué à sa famille avoir pris de la drogue. Ils ne regrettaient pas cette décision : sans la cocaïne, jamais ils n'auraient pu finir la tournée. Mais maintenant que celle-ci était terminée, ils n'avaient plus de raison de se tourner vers la poudre blanche, et ils ne voulaient de toute façon plus jamais décevoir leurs parents.

Gabriel passa la majeure partie de ses quinze jours de vacances enfermé dans sa chambre. Rien n'y avait changé depuis qu'il l'avait quittée trois ans plus tôt pour son audition à 'Rising Star', et il ne le désirait pas. C'était une sorte de sanctuaire, rempli de vestiges de son enfance. Il avait caressé l'idée un moment d'acheter une demeure plus grande pour surprendre sa mère mais avait changé d'avis, refusant de perdre cette maison où il avait grandi et qui regorgeait de souvenirs formidables. À la place, il acheta de nouveaux meubles et paya un grand nombre de rénovations : nouvelle cuisine, nouvelle peinture sur les murs et nouvelles décorations. Sa chambre était la seule pièce épargnée par tous ces changements.

Assis sur son lit un matin, il fixait avec des yeux vides les posters des Who et des Rolling Stones accrochés au mur, et se rappelait avec nostalgie le moment où il les avait achetés avec son père. Il soupira de tristesse. Cette époque lui manquait cruellement, tout semblait si simple alors. Il souhaita pendant une seconde revenir en arrière pour éprouver une nouvelle fois le sentiment d'être insouciant, libre, anonyme, et de ne pas avoir sa vie complètement sens dessus dessous. Oui, il était riche, couronné de succès, en bonne santé et adulé par des millions de fans, mais il n'était pas heureux. Même s'il savait que beaucoup l'enviaient, il aurait pu à cet instant sans hésiter échanger sa vie avec la leur.

Il repensa au projet de Charles visant à faire d'Oliver le nouveau leader du groupe pour libérer Gabriel de ce poids. Il avait peur également depuis le désastre avec la chanteuse que Gabriel ne soit pas fiable sur le long terme. Charles avait presque signé un accord pour qu'Oliver 'sorte' avec une autre chanteuse américaine célèbre, mais la jeune fille avait refusé à la dernière minute. Pour le public de toute façon, Gabriel était et serait toujours le visage de 'Young up spirit'. Il l'adorait et se faisait aussi un malin plaisir de le détester en même temps. Grâce à ce mélange contradictoire, sa popularité continuait à croître. Gabriel avait placé tous ses espoirs dans le plan de Charles et son échec l'attrista. Les choses se seraient mieux passées s'il n'avait pas été le leader.

Mais dans tous les cas, son statut de Pop star serait accompagné d'un sentiment de solitude et d'isolement, ce qui ne manquait pas d'ironie vu qu'il était constamment entouré. Dès qu'il sortait de sa maison, c'était la célébrité que les gens voulaient voir, et non le véritable Gabriel Spencer. Il devait agir en se conformant à l'image que l'on vendait de lui, ce qui provoquait chez les gens un besoin de l'idolâtrer ou de l'utiliser. Ces rencontres étaient complètement factices et Gabriel se demandait souvent qui il était vraiment.

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