Chapitre Cinquième

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Le temps passe, lentement. Je m'appuie sur Marc depuis plus d'une heure. Il a toujours un peu peur de moi, ce que je conçois tout à fait. J'ai tué quelqu'un devant lui. Je n'en reviens pas moi-même. J'ai du sang sur les mains. Sur les mains, et sur la jambe. Mon pantalon est troué à la mi-cuisse, le sang a arrêté de couler. Tout autour de la blessure, il n'a pas encore séché et la tâche est froide. Bouger me déchire de douleur. Si je me souviens bien, l'humain a une grosse veine dans la cuisse. J'espère qu'elle n'a pas été touchée. Marc me dit que nous avons encore une dizaine de minutes de marche. Le souffle court, le front et la jambe trempés, je prie intérieurement pour arriver le plus vite possible. Il me répète souvent que je suis pâle, cela ne m'étonne pas. Je dois avoir perdu beaucoup de sang. Pour penser à autre chose que ma situation, je demande à Marc de me parler de lui. Il me raconte donc comment il a rencontré il y a quelques semaines une jeune fille agonisante sur la porte de sa maison, jeune fille qu'il a ramenée dans son « clan », comme il appelle ça. Le chef du clan l'ayant trouvé assez courageux, lui a proposé de les rejoindre. Comme il ne voulait pas rester seul, il a accepté la proposition, et a rejoint le groupe. Le chef, me dit-il, est un sacré bonhomme. Personne ne sait rien de lui, à part qu'il vient d'un quartier riche de Paris, et qu'il a pris contrôle du seizième arrondissement. Logan, car c'est son nom, dirige le gang et essaye d'agrandir son influence sur tout Paris. Pour ça, il envoie des petites patrouilles comme celle que j'ai croisée. Elles sont supposées repérer le terrain, chercher des survivants, et les éliminer s'ils ne coopèrent pas. Il me dit aussi que celui avec qui il patrouillait, que j'ai éliminé, était à deux doigts de le flinguer quand je suis arrivé. Il s'était drogué juste avant de partir de leur camp, et le stupéfiant venait de faire effet. Ils avaient eu un différent, une engueulade banale, qui avait tourné au vinaigre à cause de l'agressivité de l'autre. Je me demande bien quel accueil on me réservera, étant donné que j'ai tué un de leurs membres. Alors que Marc continue à me parler, je glisse lentement de son épaule, et tombe au sol. Je n'arrive plus à garder les yeux ouverts. J'entends Marc appeler de l'aide. Après quelques secondes, je sens plusieurs paires de main me soulever. Puis je m'évanouis.

Je me réveille plusieurs fois, avant de replonger quasi-immédiatement dans des rêves glauques et sombres. Le peu d'images qui me restent des moments où je suis revenu à moi sont floues. Je suis allongé sur un support raide et dur. Une poche de faux sang est reliée à mon bras intact. Une fois, pourtant, je me réveille pleinement. Je vois un jeune homme en blouse blanche, masque, lunettes, un scalpel a la main, près de ma jambe blessée. Il se retourne vers moi, et me regarde droit dans les yeux. Son regard est aussi tranchant que son instrument. Il dit d'une voix grave :

- Redonnez-lui en une dose, il s'est réveillé.

Alors je sens des mains, froides, fermes, me prendre le bras, me le serrer, puis viser une veine, et m'y enfoncer une longue seringue. L'aiguille y rentre toute entière, et la main fait rentrer le liquide dans mon corps. Les minutes passent et, petit à petit, je sens tous mes muscles se détendre. Je plonge dans une sorte de béatitude. Je me sens mou. Mou, mais heureux. Je sens un sourire se dessiner sur mes lèvres, et je m'endors doucement. J'entends simplement celui aux lunettes murmurer :

- Mais c'est qu'il aime ça en plus... Je pense qu'il ferait une très bonne recrue. T'en pense quoi Logan ?

Je m'endors une fois de plus.


U4 - MartyrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant