Chapitre Septième

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Marc me fait signe de le suivre. Il m'amène dans un petit entrepôt. Dans une grande caisse, à l'entrée, il attrape un pantalon. Il continue son chemin, passe devant une autre caisse, et attrape un T-shirt. Plus loin, il prend une veste en cuir. Il avance, fait le tour de chaque caisse et prend des vêtements dans chacune d'entre elles. Il revient vers moi, et essaye d'estimer ma taille ce qu'il a pris. Il retourne changer le pantalon, et me conduit à une cabine d'essayage rudimentaire. Il y pose les habits, et me fait dit de me changer. Je pose donc mes béquilles dans un coin, et enlève les épaves qui composent ma tenue. Tout ce que m'a donné Marc est luxueux. Je n'ai jamais porté quoi que ce soit de marque jusqu'à aujourd'hui. Je sors de la cabine, dans des vêtements flambants neufs, et rejoint Marc qui me fait faire un tour du campement du gang, et m'explique son fonctionnement.

Vers vingt heures, nous nous dirigeons vers la Cafétéria, et mangeons le repas du soir. Puis nous allons dans le Dortoir aménagé. Marc me trouve un lit entre le sien, et celui d'un jeune assez colérique appelé Pierre. Il m'explique que le couvre-feu a lieu tous les soirs à neuf heures et quart, pour pouvoir être sur pied dès six heures si besoin. Je me couche donc dans un lit, un vrai, le premier depuis que je suis parti de chez moi. J'étends ma jambe, en prenant bien soin de ne pas toucher les points de suture, et essaye de me détendre. Alors que je commence à m'endormir, Marc me tend mon sachet de pilules. J'en ai encore une à prendre. En voyant la gélule, mon sang ne fait qu'un tour. Comme s'il n'attendait que ça, mon cerveau me force à l'avaler, et à me dire que je me sens mieux. Je m'endors donc, bourré de drogue. Une nouvelle vie de défoncé m'attend.

Quelques jours passent. Je me familiarise peu à peu avec le camp, et je ne vois presque pas Logan. Tant mieux, je pense. J'ai beau ne pas être d'un naturel violent, je lui serais tombé dessus à coups de poings si je l'avais croisé juste après avoir pris ma dose. Ce salopard nous tient par la peau des couilles, comme dirait mon père s'il était encore là. J'apprends beaucoup pendant ces quelques jours. Maintenant, je sais qu'il ne faut pas fréquenter Pierre, le jeune à coté de qui je dors, après qu'il ait ne serait-ce que reniflé une pilule, car il est extrêmement brutal. Le stock de came de Logan est acheminé par des souterrains, certains disent qu'il se sert même des Catacombes. Tous les jours à huit heures du matin, un des chefs du camp distribue leur dose aux rats que nous sommes. Il paraitrait aussi que Logan lui-même jouerait les agents infiltrés dans une des bases de l'armée. Plus les jours passent, et plus ma jambe va mieux. Tous les deux jours, je passe voir le médecin du camp, Émile, le grand aux lunettes que j'avais vaguement aperçu une des premières fois que je m'étais réveillé. Il surveille l'évolution de ma blessure. Apparemment, je suis impressionnant, et mes tissus se reforment bien plus vite que la normale. J'espère que ça veut dire que je pourrais me débarrasser de ces fichues béquilles qui m'encombrent. A par les moments où je suis en contact avec la drogue, ou avec Logan, la vie dans le camp est plutôt agréable. En tous cas, elle l'était jusqu'à ce matin.

Ce matin, Logan est arrivé au centre de la « cour », l'espace vide entre tous les bâtiments qui composent le camp. Il nous a demandé de nous réunir autour de lui, et nous a dit :

- Bon, nouveaux ou pas, défoncés ou pas, va falloir qu'on y aille. D'ici cet après-midi, je veux que vous soyez prêts. Vous avez surement entendu parler, ou croisé cet abruti d'Indien pendant vos patrouilles ? Ouais ? Non ? Bon ceux qui savent de quoi je parle expliqueront aux autres. Et bah ce dingue est venu me voir il y a deux heures pour me donner la position d'un camp à prendre. C'est une bande d'une vingtaine, pas plus, qui se sont réfugiés dans des immeubles. Je sais pas à quoi ressemblent les bâtiments mais je connais la localisation exacte. On va aller les défoncer, ces merdes. Ils commencent à avoir un bon nombre d'armes, donc je me dis que ça peut être intéressant de leur montrer qui est le chef ici. Malik, Daniel, prévenez les autres sergents que je veux toutes les armes et toutes les munitions sorties et entreposées ici même dans la cour, avec cinq personnes autour pour les surveiller. Les autres, vous allez un à un prendre un flingue, le recharger, et vous entrainer avec. J'ai réussi à taxer des caisses de balles, donc vous aurez de quoi vous entrainer. Je veux que vous soyez prêts dans trois heures, ceux qui le sont pas pourront crever c'est pas mon problème. Est-ce que vous m'avez bien compris ?!

Un rugissement s'est fait entendre, venant de tous les côtés. Je me sentais mal. Il nous demandait explicitement de nous tuer pour lui, et ils l'acclamaient. J'ai suivi ceux qui m'entouraient, et on a bougé des caisses et des caisses d'armes en tout genre. Pistolets, fusils d'assaut, grenades et grenades flash, balles de différents diamètres et de différentes tailles... Puis on s'est servi. Des cibles ont été mises en place devant un bâtiment vide, et on s'est entrainé. On s'entraine toujours, d'ailleurs. Marc s'amuse comme un fou. Ses tics sont encore plus forts que d'habitude. Je pense qu'il a pris deux doses au lieu d'une pour faire passer la peur montante. Je vise une fois de plus avec l'arme que j'ai prise, en face de moi, au milieu des rafales et des coups de tonnerre. Mon doigt appuie sur la gâchette, le coup part. Raté, encore une fois. Ca fait déjà une heure que je tire sans arrêt, je commence à avoir le bras qui fatigue. Alors je retourne poser mon pistolet brulant dans le tas d'arme, et me dirige vers le bureau d'Émile. Je pousse la porte, et vais m'asseoir dans la chaise en face de sa table. Il n'est pas dans son fauteuil, donc je l'attends. Au bout de quelques minutes, j'entends la chasse d'eau couler, un robinet qui coule, puis qui se referme, une porte qui s'ouvre, et enfin Émile qui arrive.

- Tiens, te voilà toi ! Comment va ta jambe ?

- Bah... C'est un peu pour ça que je viens te voir Émile.

- Bon, allonge toi on va voir ça.

- C'est surtout... À cause de l'annonce de Logan de ce matin... Si tout à l'heure on doit aller jouer les petits soldats, j'aimerais m'assurer que ma jambe peut me supporter sans mes béquilles... Sinon je sens que j'ai aucune chance d'en sortir...

- Je comprends. Laisse-moi regarder, je te dirais ce que j'en pense.

Émile observe la blessure, sous toutes ses coutures.

- A mon avis, c'est pas très prudent d'y aller sans béquilles. Les points de sutures risquent de lâcher, et toi de te vider de ton sang comme un porc qu'on égorge, mais tu peux essayer. Si tu tiens absolument à le faire sans béquille, au moins promets-moi que tu les gardes jusqu'à ce que tu partes, et demande à quelqu'un de t'aider à marcher pour aller là-bas. Il est quoi, onze heures ? Retourne au Dortoir et repose-toi. Si jamais qui que ce soit te dit quoi que ce soit, dis-lui de venir me voir. C'est drôle, mais j'ai l'impression de regarder mon propre gamin s'envoler du nid... Allez, file, et vas te détendre !

Je le remercie, et pars en direction du Dortoir. Arrivé devant mon lit, j'attrape ma bouteille, et prend le comprimé de méthadone qu'il me restait.

U4 - MartyrWhere stories live. Discover now