25. A terre

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Je n'ai tout simplement pas eu le courage de découvrir la suite du spectacle. Complètement désarmée, il fallait que je sorte de cet amphithéâtre au plus vite . La chaleur oppressante, le son des gorges déployées et des applaudissements n'étaient devenus qu'un bourdonnement insoutenable. Ma tête s'est brusquement mise à tourner, et je fus prise de puissants vertiges lorsque j'ai compris que le piège s'était refermé sur moi. Prisonnière, il fallait que je m'extirpe de cette prison magique et de ces douces illusions, il fallait que je respire, c'était vital, j'étouffais. Alors, à bout de souffle j'ai pris mes jambes à mon cou. En un dernier effort, mes mains se sont écrasées contre la grande porte en bois de l'amphithéâtre et je me suis précipitée à l'extérieur.  Délivrée de cet endroit, mes jambes se sont mises à flancher, cédant sous le poids de cette terrible vérité. 

Je me retrouve maintenant à genoux, essayant désespérément de faire entrer l'air dans mes poumons. En un sifflement criard j'essaie d'inspirer, cherchant douloureusement à déployer mes alvéoles pulmonaires.

Inspiration, expiration, inspiration, expiration. Heureusement pour moi, la petite rue qui juxtapose le bâtiment semble déserte. Cela me laisse tout le temps nécessaire pour reprendre petit à petit le contrôle de mes poumons. Et qui plus est, dans cette position.

J'essuie d'une main mon front trempé de sueur et assimile peu à peu l'air encore fiévreux de cette chaude soirée d'été. Bon dieu, que vient-il de se passer ?

Basculant en arrière je m'assieds lentement , prenant appui sur le mur de la bâtisse tout en cherchant à comprendre la série d'évènements qui s'est déroulée ce soir. Une goutte de sueur perle lentement le long de ma nuque , s'aventurant entre mes omoplates. 

Un spectacle d'illusion, des objets qui disparaissent, ce masque qui fait son apparition dans ma poche, l'absence de Matt, la probable présence de son frère. Tout cela n'a aucun sens

Qui ai-je vu ce soir assis sur ce siège ? Ethan était-il réellement là ? Ou est-ce mon cerveau qui me jouait des tours après la représentation de Clément ? 

Quoi qu'il en soit , je suis certaine qu'Ethan a orchestré méticuleusement ce piège . Semant des indices à travers ce spectacle d'illusion. Et je soupçonne également Matt, complice de ce scénario rocambolesque. Cette conversation que nous avons partagée et ses aveux ne rimaient donc à rien. Cette gentillesse et cette empathie que Matt a toujours eu à mon égard ne suffisaient donc pas. Ethan et ses défis seront toujours plus importants que leurs foutus impacts. Et ce soir, Matt n'a pas eu le courage de m'affronter, il est parti, s'est tout simplement volatilisé , à croire que c'est une habitude dans cette famille .

Tout en soupirant , je plonge ma tête entre mes bras appuyés sur mes genoux , essayant avec la force qu'il me reste de ne pas subir une nouvelle fois. C'est alors que le petit tissu satiné glisse dangereusement de ma poche et finit par se poser au sol, devant mes yeux. Sans relever la tête je le fixe, cherchant à en comprendre les secrets . il fut la hache qui s'est abattue sur ma nuque quelques minutes plus tôt. Un objet qui a eu pour but de me transporter la première fois mais, qui aujourd'hui, m'a terrassée, froidement. Comment a-t-il pu se retrouver là ? Je me remémore alors les paroles de l'illusionniste. 

Seulement dix pour cent des images captées par nos yeux sont perçues par notre cerveau. Ce n'est pas parce que l'action se produit qu'on la voit". Quelle ironie ! 

J'ai l'impression de louper depuis le départ, une multitude d'indices.

Je jette un furtif regard en direction de l'entrée où le public s'échappe enfin, rassasié , de fabuleux souvenirs encrés dans leurs mémoires . A la recherche de mes bourreaux, j'espère encore naïvement apercevoir un visage familier. Un Matt avenant et gentil qui m'annoncerait que tout cela n'était qu'un jeu innocent et sans malveillance. Mais ce n'est pas ce qui se produit. Ma posture me vaut de nombreux regards interrogateurs, certains me reconnaissent probablement. Il y a quelques instants je rayonnais de joie sur cette scène, maintenant me voilà à terre. Perdue, fragile , déboussolée. Les minutes passent mais je ne bouge pas, attendant la dernière seconde, la dernière personne franchissant cette fichue porte qui me forcera à me rendre à l'évidence. Je suis seule. C'est un fait inébranlable. Je suis réellement seule.

BreatheWhere stories live. Discover now