Chapitre 20

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Ils travaillèrent jusqu'à tard dans la nuit, ne s'arrêtant que pour grignoter un sandwich et du café. Chelsea avait téléphoné auprès de la banque pour vérifier si April avait acheté une maison. Il lui fallut beaucoup de temps pour convaincre le banquier qui rechignait à lui donner cette information mais il finit par capituler et vérifier ce qu'elle lui demandait.

- J'ai effectivement un acte de propriété au nom de mademoiselle April Russell. Lui répondit le banquier. Elle a acquis une maison il y a trois semaines en Louisiane, à quelques kilomètres de la Nouvelle Orléans. Une très belle bâtisse, à ce que j'ai entendu dire.

- Je vous remercie pour cette information.

- Vous êtes de sa famille proche ?

- Oui, sa sœur.

- Votre père vit toujours ?

- Oui...Avait-elle répondu tout en se demandant pourquoi il lui posait une telle question.

- Il faudrait donc qu'il vienne récupérer l'acte d'achat et signer les papiers nécessaires pour que la maison soit à son nom. Votre sœur n'aillant pas fait de testament, cette maison revient donc à ses plus proches parents.

- Je vois. Murmura-t-elle. Je lui transmettrais votre demande.

- Je vous remercie, mademoiselle.

Quand elle raccrocha, elle se tourna vers l'inspecteur qui était toujours aux prises avec les bijoutiers.

- April a bien acheté une maison en Louisiane il y a trois semaines.

- Intéressant. Avait-il marmonné sans lever les yeux de ses papiers. Nous allons donc pouvoir retourner interroger monsieur Rosay. Il était sûrement au courant de ce détail.

Chelsea avait donc entouré le nom de Rex Rosay sur le tableau avec la craie.

Ils n'allèrent pas l'interroger aujourd'hui. Ils avaient eu beaucoup à faire et quand Chelsea regarda sa montre, elle constata qu'il était plus de huit heures du soir. A cette heure, le département de police avait été déserté de ses occupants.

L'inspecteur se redressa de ses papiers et bailla longuement.

- Il se fait tard. Commenta-t-il. Vous avez faim ?

- Oui. Dit Chelsea en sentant son ventre gargouiller.

- Alors venez. Je vous invite.

Elle s'immobilisa dans sa chaise, perplexe.

- Vous m'invitez ? Répéta-t-elle.

- Ça vous dérange ?

- Et bien...Balbutia-t-elle, les joues rosies. C'est un peu étrange et...en fait, je suis fiancée et...

- Mademoiselle Russell. Coupa-t-il sèchement, je n'ai pas l'intention de vous demander en mariage ! Ce n'est pas un dîner galant que je vous propose ! J'ai faim, vous avez faim, on va manger quelque chose dans un bistrot encore ouvert à cette heure. Point.

- Bon...alors...avec plaisir. Marmonna-t-elle, se sentant parfaitement ridicule.

Ils s'habillèrent et se rendirent jusqu'à la voiture. Un vent glacial s'était levé et la neige s'était mise à tomber. L'inspecteur s'installa derrière le volant et démarra.

- Vous êtes quand même un drôle de numéro ! Commenta-t-il en levant les yeux au ciel. Vous n'avez jamais été invitée par un homme en toute amitié ?

- Ah bon ? Nous sommes amis ? Rétorqua-t-elle, narquoise.

- Je parlais dans un sens général. Je n'ai jamais dit que nous étions amis.

- Mais vous m'invitez de façon amicale.

- Pour ne pas dire professionnel car vous n'êtes pas une de mes collègues. Vous ne savez pas menez des enquêtes.

- Je vous remercie du compliment. Renchérit-elle.

Il lui lança un regard ironique.

- Votre fiancé doit en voir de toutes les couleurs avec vous.

- Je suis beaucoup plus gentille avec mon fiancé qu'avec vous.

- J'en suis très honoré.

Ils sourirent en silence, chacun de son côté, et le trajet se déroula en silence.

L'inspecteur l'emmena dîner dans un petit bistrot de quartier. Ils mangèrent avec appétit en échangeant quelque unes de leurs découvertes de la journée, qui n'étaient pas très nombreuses.

April avait mené sa vie en secret.

Quand vint le dessert, Chelsea demanda :

- Et vous ?

- Quoi moi ? Rétorqua-t-il en buvant une gorgée de café.

- Etes-vous marié ? Vous avez des enfants ?

- C'est un interrogatoire ? Demanda-t-il en arquant un sourcil.

- Je commence à être douée pour cet exercice, non ? Répliqua-t-elle d'un ton joyeux.

Les lèvres de l'inspecteur frémirent, hésitant entre le sourire ou la moue désapprobatrice. Elle reprit bien vite son sérieux :

- Vous savez beaucoup de choses sur moi et ma famille, alors je cherche à en savoir un peu plus sur vous. Expliqua-t-elle. Votre travail doit vous prendre beaucoup de temps. Pour votre famille, cela doit être frustrant par moment, non ?

- Je suis veuf. Lâcha-t-il.

- Oh ! S'exclama-t-elle, gênée. Je suis profondément navrée...je ne savais pas.

- Comment auriez-vous pu le savoir ? Répliqua-t-il. Ce n'est pas écrit sur mon front que j'ai perdu ma femme. A moins que vous aillez mené l'enquête sur moi ?

Malgré son ton ironique, il souriait.

- Je n'ai pas osé mener une enquête sur vous. Répliqua-t-elle.

- Je ne vous crois pas. Vous fourrez votre nez partout où vous le pouvez !

- Votre vie n'est pas assez passionnante pour que je m'y intéresse.

- Parce que la vôtre l'est, peut-être ?

- Et comment !

- Vous êtes de mauvaise foi. Même vous, vous ne pensez pas ce que vous dites.

Leur dispute se poursuivit jusqu'à ce que le patron du bistrot ne les informe qu'il allait fermer. Ils payèrent l'addition et sortirent du bistrot en retournant lentement vers la voiture. La neige avait cessé de tomber, recouvrant l'asphalte d'un fin tapis blanc. Mais le froid était mordant et Chelsea remonta son écharpe sur son visage pour se couvrir. A cette heure tardive, la rue était déserte. Il n'y avait pas le moindre passant qui marchait dans la rue, plus de circulation hormis une voiture solitaire qui roulait lentement sur la chaussée, avec prudence, probablement pour éviter de perdre le contrôle à cause de la neige qui rendait la route plus glissante qu'à l'accoutumée.

Chelsea frissonna :

- Quand je rentre, je me coule un bain brûlant et me prépare une grande tasse de chocolat chaud. Déclara-t-elle en claquant des dents.

- Ce n'est pas une mauvaise idée. Approuva l'inspecteur. D'ailleurs, si vous voulez boire le meilleur chocolat chaud et manger les meilleurs croissants de Chicago, vous trouverez un petit café à l'angle...

Il s'interrompit brusquement au milieu de sa phrase, comme soudain absorbé par un autre sujet plus intéressant que le chocolat chaud. Il empoigna brutalement Chelsea par les épaules et la jeta à terre. Elle poussa un cri de surprise qui se changea en un hurlement de terreur lorsqu'elle le sentit se coucher sur elle. Hurlement qui fut noyé sous la rafale des balles d'une mitraillette. Elle cessa aussitôt de crier, tétanisée par la peur. Les balles percutèrent le mur du bâtiment qu'ils étaient en train de longer en projetant des éclats de ciment un peu partout. Il y eu un crissement de pneu strident, un bruit sourd, puis le silence.

Ce fut comme si le temps s'était arrêté, figeant la ville et ses habitants.


Deux SoeursOnde histórias criam vida. Descubra agora