HOMELESS (Tome 1)

Chapitre 19

Effectivement, comme me l'avait prédit Nate samedi soir, aujourd'hui, de retour au lycée, les conversations sont rivées sur lui. Les gens ne se dérangent pas pour parler de lui sans pudeur, étonnés, surpris qu'il se soit rendu à une fête. C'est comme si, d'un seul coup, tous les paparazzis s'intéressaient à lui. Les ragots circulent de bon train le long des couloirs de l'établissement, sans même être chuchotés.

C'est à croire que tout le monde n'a que ce nom à la bouche : Nate Mackel, comme s'il s'agissait d'un dieu vivant ou quelque chose du même genre. Partout autour de moi, depuis que j'ai franchi les portes, on ne parle plus que de ce potin : « Nate Mackel a été à la soirée de Gemma », « Nate est enfin sorti de sa caverne, on l'a vu avec des gens. » Cela me dépasse. N'ont-ils rien de mieux à faire que de s'occuper de connaître sa vie, ses déplacements ? Sortir n'est pas quelque chose d'exceptionnel, pour les adolescents, pourtant.

Je n'ai toujours pas pu croiser celui qui se trouve aux cœur de ces discussions, mais je suppose qu'il ne doit pas se sentir bien, actuellement. J'imagine sans peine qu'il doit être à deux doigts de laisser exploser sa rage, en entendant tout le monde murmurer son nom partout, sans cesse.

On se croirait presque dans Gossip Girl, à présent. Je soupire en me frayant un chemin parmi un groupe de filles qui en parlent, elles aussi, et m'apprête à m'éloigner à pas vifs lorsque l'une d'elles parle d'une voix forte qui m'interpelle.

-Apparemment, Nate aurait pété un câble contre un type, là-bas. C'est ce que Vilhem a dit à ses amis, tout à l'heure. Il l'a frappé, alors que l'autre n'avait rien fait ! s'exclame-t-elle.

Je m'arrête net, au beau milieu du corridor, alors qu'une personne me rentre dedans et me grogne de faire attention où je marche. Je n'y fais même pas gaffe, trop perturbée par ce que je viens d'entendre.

D'où cette inconnue tient-elle ces propos ? C'est totalement faux : j'étais avec Nate toute la soirée, je l'aurais su, s'il avait frappé quelqu'un. Je pivote sur mes talons, fixant sans discrétion la fille qui continue son discours.

-Ce mec est un taré, je vous le dis. Il doit prendre de la drogue, ou alors il a une maladie mentale. Il n'y a que ça qui puisse justifier son comportement, d'après moi. Le pauvre gars s'est retrouvé avec le nez en sang, et il était impossible d'arrêter Nate.

-Tu étais là-bas, toi ? demande une de ses amies.

-Bien-sûr ! Tout le monde y était, Bronja. C'était à ne pas manquer. Mais si j'avais su que ce malade y serait, je n'y aurais pas été. Il me fait flipper, je n'aimerais pas traîner avec lui.

Sidérée par leurs propos, je reste les fixer sans ciller, incapable de me mouvoir. Il faut que je rejoigne ma salle de cours, mais c'est comme si mes membres m'en empêchaient. La rage m'envahit, face aux idioties que ces filles profèrent. Elles ont faux, je le sais. Elles ont tout faux. Nate n'a frappé personne, samedi. A moins que...

Non. Je secoue la tête afin de chasser cette idée. S'il avait frappé le garçon qui l'a entraîné, au début de la soirée, à aller boire un vers avec lui, il me l'aurait dit. N'est-ce pas ?

-Tu sais qu'il reste avec Gemma, en ce moment ? reprend une troisième fille. Et avec la rousse qui cherche à faire sa rebelle, également. Je ne sais pas qui est le plus à plaindre.

Je ne tique pas face à l'insulte à peine déguisée de celle qui a parlé. Cela ne m'atteint même pas. La seule chose qui me fait sortir de mes gonds, à présent, est la rumeur qui semble courir autour de Nate. A-t-il réellement frappé ce type ? Il faut que je le trouve, que je lui parle.

Vivement, je me dirige vers ma salle de classe, espérant qu'il soit déjà là. Nous avons ce cours en commun, et habituellement, le garçon châtain occupe la place à ma gauche. Mais aujourd'hui, elle reste désespérément vide. L'heure a beau défiler – lentement – il n'arrive toujours pas. Après une demi-heure, je me risque à lui envoyer un message. Il reste sans réponse.