Chapitre 3

8.5K 613 190
                                    

Nous étions en plein mois de novembre ; les températures avaient chuté à vue d'œil. J'étais pourtant prêt à traîner dehors. Je n'étais pas plus que ça pressé de rentrer et de retrouver Keith. On cohabitait plutôt bien, sans dépasser les limites de l'un et l'autre, mais me plier en quatre pour nettoyer après lui était une routine depuis trois mois et, ce soir, je saturais. La seule corvée qu'il connaissait était remplir le lave-vaisselle, mais pour le reste, je devais soit passer derrière lui, soit le faire moi-même. J'ignorais encore quelle vie Keith avait mené jusqu'ici cependant il était clair qu'il était incapable de vivre seul. C'était un putain de boulet ! Il n'était même pas capable de se nourrir seul puisque son argent ne lui suffisait pas !

Ce soir, juste ce soir, je voulais respirer ! Mais où irais-je ? Je voulais autant être loin de lui, l'ignorer, que je voulais me jeter sur mon lit. Mais comment pourrais-je m'enfermer tranquillement dans ma chambre si je savais que Keith finirait tôt ou tard par venir gratter à ma porte parce qu'il avait l'estomac vide...

J'étais pourtant prêt à me résigner et à rentrer quand mon portable vibra dans ma poche. C'était un numéro inconnu ; les seuls que j'avais d'enregistrés étaient ceux de mes amis, celui de Helen, de mon job et du salon de tatouage. Ainsi que Keith, depuis peu. Pour le reste, je n'en voyais pas l'utilité. Entre ceux qui se procuraient mon numéro je ne savais où et les plans cul dont je ne parvenais pas à me souvenir du prénom, enregistrer tous ces gens aurait vite fait de saturer mon portable d'informations inutiles.

— Chris, tu es occupé ?

Au ton mielleux que j'entendis à l'autre bout, je sus instantanément que ce coup de fil ne pouvait m'être que bénéfique.

— Alors... Ça te dit de passer ?

Je ris, tentant de me rappeler si j'avais déjà refusé une invitation de ce genre.

Il eut un temps où je mettais le sexe au premier plan. J'étais un adolescent, comme beaucoup, travaillé par ses hormones ; coincé entre branlette et porno. Puis j'avais grandi. Et je voyais, aujourd'hui, dans le sexe, un moyen de combler un manque, de me défaire d'un ennui, d'oublier certaines choses. Je ne saisissais toujours pas la partie affective de la chose, et sans doute n'y parviendrais-je jamais, mais je continuais à me jeter à corps perdu dans les plaisirs de la chair. Parce que c'était excitant, incontrôlé – des sensations salvatrices, presque nécessaires. Parce que nous étions tous deux mis à nus, et je me sentais moins seul dans cette vulnérabilité. Le sexe était presque thérapeutique ; une thérapie que je ne pouvais, malheureusement, pas faire seul. Alors je choisissais une fille, un peu au hasard. Une prête ouvrir ses jambes sans attendre plus, à m'accueillir dans sa chaleur sans jamais me parler de sentiments. Une qui voulait passer du bon temps, éphémère mais bon.

Je lui répondis que 'oui' puis raccrochai.

Je m'installai derrière mon volant mais ne pus me souvenir de qui il s'agissait au moment de quitter le parking. Sa voix m'était familière mais je ne réussis pas à visualiser clairement qui elle était, encore moins mettre un nom sur son visage déjà flou ! Las, je laissai tomber et décidai finalement de rentrer.

• • •

Je passai enfin la porte d'entrée ; l'appart était éclairé à la simple lumière des rayons du crépuscule. Je n'avais qu'une envie : m'effondrer sur mon lit.

Je traînai des pieds jusqu'à ma chambre avant d'être interrompu par les bruits qui provenaient de la chambre de Keith – des souffles courts, haletants, des gémissements mal étouffés. Il n'y avait pas beaucoup d'options qui expliqueraient ce que j'entendais. Je me sentis aussitôt d'humeur taquine et ouvris sa porte à la volée.

Be Careful [Réécriture ET Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant