Opération guirlandes, sapin et chocolat chaud Tome 1

3 :Henry

Henry

Dimanche 18 décembre, 11 heures

La tête entre les mains, Henry n'arrivait pas à se concentrer sur la correction de ses copies. Il s'agissait pourtant du devoir de mathématiques de l'un de ses plus brillants élèves. Mais impossible de s'enlever Delphine de l'esprit ! Sa présence hantait chaque recoin de leur appartement.

Assis à sa table de travail, il se repassait sans cesse leur dernière conversation téléphonique.

— Pourquoi as-tu changé d'avis, Henry ? On était d'accord pour que tu me rejoignes pendant les vacances de Noël.

— Je sais, je sais. Mais comprends les choses, un peu. Tu es à des milliers de kilomètres. Le voyage coûte très cher et, avec mon salaire de prof, j'arrive à peine à m'en sortir, entre l'appartement et les factures. En plus, j'ai des tonnes de copies à corriger pour la rentrée de janvier. Et puis, mes parents seraient déçus que je ne passe pas les fêtes avec eux. Tu sais comment ils sont.

Soupir résigné au bout du fil.

— Oui, je les connais. Et on sait très bien tous les deux qu'ils comprendraient que tu viennes ici pour Noël. Ils savent que cet éloignement nous est pénible. Tu m'as dit, il y a quelques semaines, que tu devais leur en parler. Tu ne l'as pas fait, c'est ça ? Qu'est‑ce qui se passe ? Tu t'éloignes de moi, on dirait. Je ne te manque plus ? Tu ne veux plus être avec moi ?

— Bien sûr que si, ma chérie. Tu me manques. À un point que tu ne peux pas imaginer. Mais c'est toi qui as choisi de partir. Je ne peux tout de même pas mettre ma vie entre parenthèses durant un an, parce que tu l'as décidé ainsi.

— Parce que je l'ai décidé ? Comment peux-tu dire une chose pareille ? Souviens-toi que nous en avons parlé pendant des semaines, avant que j'accepte ce boulot. Tu oublies un peu vite que c'est toi qui m'as encouragée. Tu m'as dit que c'était une opportunité à saisir, après tous ces mois de galère. Et que, pour que j'obtienne un poste près de chez nous, on pouvait supporter ce sacrifice pendant douze mois. Tu as lu les termes du contrat comme moi. Et maintenant tu me reproches d'être partie. C'est un comble ! C'est sûr qu'avec mon diplôme dans le tourisme je ne peux pas prétendre à un truc aussi stable qu'un boulot de fonctionnaire.

La dispute avait tourné court, et ils avaient raccroché, frustrés et malheureux. Il s'en voulait tellement ! Bien sûr qu'il avait été fier d'elle, quand elle avait décroché le poste. Depuis qu'elle avait obtenu son diplôme, Delphine avait pris contact avec tous les offices de tourisme et agences de voyage des environs. Toujours la même réponse : elle manquait d'expérience. Jusqu'au jour où l'agence Traveleverywhere lui avait proposé de partir un an à Dubaï, avant de revenir faire la promotion de leurs produits touristiques dans la succursale près de chez eux. Un emploi en or pour une débutante. Il lui avait vivement conseillé d'accepter. Il avait confiance en leur amour, en elle. L'emmener à l'aéroport lui avait déchiré le cœur, mais il était persuadé qu'ils seraient assez forts pour supporter la distance.

Ils se connaissaient depuis l'adolescence, avaient été longtemps amis avant d'être amants. L'amitié puis la passion avaient laissé place à l'amour, bien tranquillement. Tout était simple, aux côtés de Delphine. Les liens de toujours s'étaient approfondis, naturellement, lui semblant indestructibles.

Quel idiot ! Il n'avait pas imaginé à quel point l'absence pouvait être cruelle. Le manque qui vous paralysait au quotidien et rendait la vie terne et sans saveur.

Depuis quelques semaines, les coups de téléphone quotidiens ne lui suffisaient plus. Et il avait découvert un sentiment nouveau et horrible : la jalousie. Sentiment qui avait grandi encore et encore, jusqu'à écraser tout le reste. En quête d'un quelconque indice de trahison, il analysait, décryptait chaque appel. Il commençait à douter de Delphine, et cela lui brisait le cœur. Il avait tant besoin d'elle. Cela le rendait fou. Ils ne s'étaient pas vus depuis trop longtemps.