Opération guirlandes, sapin et chocolat chaud Tome 1

4 :Quand le destin s'en mêle ...

Dimanche 18 décembre, 12 heures

Tout en faisant les cent pas devant le Cinquième Avenue , Samuel se réjouissait de son idée. La veille, en quittant Angela qui devait impérativement se rendre à son rendez-vous au SPA, il n'avait pas imaginé un seul instant revenir au même endroit, vingt‑quatre heures plus tard, pour attendre une autre femme.

Il sourit avec malice. Il était content de lui. Si David savait qu'il s'apprêtait à donner les clés de son appartement à une quasi-inconnue, il serait furieux.

Ce n'était pas la première fois qu'il s'amusait aux dépens de son aîné. Il se remémora brièvement quelques-uns de ses coups pendables, comme le faire accuser à tort d'avoir cassé le vase de leur grand-mère, ou corriger un bulletin de notes par une moyenne tellement basse que leur père l'avait consigné sur-le-champ.

Aujourd'hui, proposer son appartement à une employée du Cinquième Avenue qu'il connaissait à peine était une plaisanterie parmi d'autres, et ça l'amusait. Cependant, il savait qu'il limitait les risques avec Emma. Il l'avait observée au cours des mois passés : toujours souriante, patiente et d'humeur égale, respectueuse et honnête. Elle tenait la caisse, gage de confiance, et il l'avait déjà vue rendre à son propriétaire un portefeuille tombé d'un manteau. Certes, ce n'était pas une preuve infaillible de sa droiture, mais son instinct ne le trompait jamais.

Et, voyant la jolie blonde se diriger vers lui d'un pas léger, un sourire radieux éclairant son visage délicat, il sut qu'il avait pris la bonne décision.

Le temps de se saluer, et ils remontèrent chacun dans leur voiture restée en double file pour se rendre dans le 3e arrondissement où vivait David. Devant l'immeuble de standing, Samuel ouvrit la porte du garage souterrain et indiqua à Emma la place de parking réservée qu'elle pourrait utiliser durant la semaine. Galamment, il prit sa valise et, ensemble, ils empruntèrent l'ascenseur qui les mena au dernier étage.

Sur le palier recouvert d'une épaisse moquette immaculée, il sentit la nervosité de la jeune femme. Avait‑elle des remords de dernière minute ? À moins qu'elle ne soit impressionnée par le luxe ambiant ?

Ouvrant la porte de l'appartement, il la laissa pénétrer la première. Emma resta sur le seuil, intimidée.

— Vous êtes vraiment sûr de vous, Samuel ? demanda-t‑elle. Je comprendrais que vous ayez changé d'avis.

— Pas le moins du monde, ma chère. Voici les clés, le biper du parking souterrain et mon numéro de téléphone en cas de problème. Installez-vous. Considérez que vous êtes chez vous durant la semaine à venir.

Ils firent rapidement le tour des lieux : deux grandes chambres, deux salles de bains attenantes, un dressing, un bureau. De retour dans la pièce principale, qui comprenait une partie salon, une salle à manger et une cuisine américaine, Samuel ajouta :

— Ça va aller ?

— Comment ça ne pourrait pas aller ? Vous ne savez pas à quel point je vous suis reconnaissante. Je vous promets que vous ne le regretterez pas. Je vais me faire tellement petite que votre frère n'y verra que du feu, à son retour. Merci encore, mille fois !

Elle avait l'air sur un petit nuage. Samuel se sentait gonflé de fierté pour sa BA. Et imaginer David au-dessus de l'océan, inconscient du fait qu'une inconnue envahissait son intimité, le faisait jubiler intérieurement. Mais ce qui le mettait le plus en joie, c'était d'imaginer la tête de David, le jour où il lui révélerait le pot aux roses. D'ici quelques mois, bien évidemment.

— Eh bien, Emma, je vous souhaite une bonne semaine et un joyeux Noël. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à m'appeler.

Puis il la laissa au milieu du séjour et referma la porte derrière lui en sortant. Elle saurait bien trouver ses repères toute seule. Il était confiant. Il pressa le pas en direction de la sortie. Angela devait l'attendre, certainement nue dans son lit, comme il l'avait quittée un peu plus tôt. Il avait hâte de la rejoindre.