3.7 : Loup

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La nuit venait de tomber, et Eleanor avançait toujours dans la forêt. Sa petite escapade derrière une ombre lui avait valu de se perdre pour de bon.

Elle soupira et s'arrêta un instant pour regarder autour d'elle. C'était une nuit d'encre, elle n'y voyait rien du tout. Même la pleine lune était cachée derrière les lourds nuages gris.

Elle n'avait pas vraiment peur. Il ne pouvait rien lui arriver de grave, à part sans doute, une hypothermie. Elle frotta les bras de sa veste kaki pour essayer de se réchauffer. L'averse qu'elle avait prise plus tôt, dans la journée, n'aidait pas son corps à se réchauffer.

Elle continua d'avancer jusqu'à entendre le doux clapotis d'un ruisseau.

Avec précaution, elle escalada la berge rocheuse pour se glisser dans le lit de la petite rivière qui coulait lentement vers le sud.

Ses grosses chaussures éclaboussèrent le bas de son pantalon quand elle traversa le filet d'eau, évitant les pierres glissantes, et les trous d'eau où elle aurait facilement pu s'enfoncer jusqu'au genou.

Le lit de la rivière était assez dégagé pour qu'elle puisse voir sur plusieurs dizaines de mètres de chaque côté. Elle hésita sur la piste à prendre et sortit une boussole pour être sûre de la direction. Elle patienta quelques instants, rangea la boussole et finit par remonter le ruisseau.

Arrivée sur l'autre berge, elle s'immobilisa à la vue d'une masse volumineuse en contrebas. Elle regarda tout autour d'elle, méfiante, puis s'approcha lentement. Elle se retrouva alors devant une carcasse d'ours. L'animal portait de nombreuses traces de blessures. Il avait été à moitié dévoré.

Un sentiment d'intense frayeur s'insinua le long de sa colonne vertébrale. Quelque soit le prédateur qui avait fait cela, ce devait un animal immense, et extrêmement agressif.

Et voilà qu'elle, elle se retrouvait sur son territoire, en pleine nuit, perdue et grelottante de froid.

Elle refoula la peur qui l'incitait à prendre ses jambes à son cou, pour essayer de garder un minimum de sang-froid. Courir à toute vitesse, en pleine nuit, dans une forêt inconnue n'était pas la meilleure chose à faire. Elle pouvait se casser une jambe, ou même pire, se jeter dans la gueule du loup. Littéralement.

Prudemment, elle reprit son chemin vers le sud, et espéra se retrouver bientôt en terrain connu.

La lune était déjà haute quand la forêt commença à s'éclaircir. Au loin, Eleanor entendit un gémissement plaintif. Elle tendit l'oreille et se dirigea vers le bruit, à pas mesuré. Il ne lui fallut que quelques minutes pour trouver l'origine des lamentations.

Elle vit d'abord une fourrure couleur de feuilles mortes. L'animal bougea et elle perçut le cliquètement d'une chaîne. La plainte s'intensifia et elle courut vers la bête. Mais lorsque celle-ci se rendit compte de sa présence, ses poils se hérissèrent et un grognement menaçant sortit de sa gueule.

La jeune femme stoppa net et croisa le regard de l'animal, qui la fixait d'un air attentif. Il avait des yeux noirs, aussi profonds que la nuit.

Elle fit un pas, et posa lentement le pied sur le sol humide. La bête montra les crocs, et de la bave dégoulina sur le coin de bouche.

Eleanor leva doucement une main.

— Chut... N'aie pas peur.

Un grondement sourd se fit de nouveau entendre. La jeune femme se baissa lentement, la main toujours tendue, pour ne pas effrayer l'animal.

Elle se rendit alors compte de sa grosseur. Elle avait bien remarqué que c'était un loup, mais celui-là était d'une taille démesurée, beaucoup plus gros qu'un loup normal.

Elle hésita quelque peu, se demandant s'il s'agissait d'une nouvelle race de loup. L'animal la sortit de ses pensées en bondissant sur ses pattes. Eleanor poussa un cri de frayeur et tomba en arrière, sur les fesses. Alors qu'elle pensait sa dernière heure arrivée, le loup fut retenu par une chaîne qui semblait être attachée à l'une de ses pattes arrière. Il poussa un hurlement de douleur et se laissa retomber au sol.

Lentement, la jeune femme se releva, épousseta la terre et les feuilles de son pantalon et de ses mains, et avança de nouveau, avec précaution.

Cette fois-ci, la bête ne bougea pas, et se contenta de la fixer intensément.

Les Arcanes de la Terre [EN PAUSE]Where stories live. Discover now