Chapitre 6

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Viktor regardait son verre d'un air sombre. Il était dans son grand manoir d'Ecosse depuis deux longs mois, et il se repassait les enseignements qu'il avait acquis durant l'année passée. Quelque chose le rendait presque nostalgique, comme s'il devait à nouveau quitter sa vie pour un avenir incertain.

Cependant, ce n'était plus totalement la même situation que deux siècles plus tôt. Dambrey savait ce qu'il lui restait à faire. Bransac lui avait donné cette espèce de château, et suffisamment d'argent pour qu'il puisse s'en sortir. Il était même plutôt réputé grâce à son soit-disant oncle. Il l'avait aidé à gérer ses ateliers depuis un an, après tout.

Et personne n'avait besoin de savoir qu'il avait triché.

Les affaires étaient un jeu d'enfant pour lui. Il pouvait deviner qui lui mentait, qui lui dissimulait un sombre secret ou même manipuler légèrement les décisions qu'on prenait devant lui. Il était capable de tordre l'esprit des gens, et de les faire sien pour une journée entière. Il n'avait qu'à voir la façon dont il s'était joué de ce Dufermont pour comprendre que les affaires étaient faites pour lui.

Comme souvent, il se demanda pourquoi il avait hérité de ce don. Il ne comprenait pas pourquoi les vampires, de simples bêtes dépendantes des hommes, pouvaient avoir de tels cadeaux.

Pourquoi fallait-il être maudit pour recevoir un don? Était-ce un drôle d'équilibre dont il ignorait tout auparavant?

Son esprit dérivait dangereusement, et Viktor se rappela un bref instant de la mise en garde de son mentor: l'inertie apportait l'ennuie et l'ennuie, la folie. Il ne pouvait pas rester ici, à se morfondre. Il finirait par redevenir l'être qu'il était avant de rencontrer Bransac, et il était certain que le pirate n'aurait pas apprécié de perdre son précieux poulain.

Parce que c'était cela. Bransac avait misé sur lui comme certains misent sur un cheval de course. Et il attendait désormais de voir si ce paris en valait la peine. Viktor lui avait prouvé qu'il était doué pour dominer les mortels et se faire une place dans le monde des affaires.

Désormais, il devait prouver qu'il savait gagner du pouvoir, aussi.

Pour cela, il devait gagner l'Angleterre et se tailler une place de choix auprès de la royauté.

***

Il n'était pas difficile de gagner sa place au château royal. Dambrey était beau, jeune et riche. Il était influent avec son oncle dans le domaine du textile, et il avait conquis plus de cœurs que l'ensemble des britanniques réunis. Il lui fallait simplement de la patience et un esprit manipulateur.

Aussi fut-il inviter à une soirée mondaine dans un café de Londres sans même avoir de peine. Il se contenta de souffler quelques bons mots aux oreilles de personnes influentes. Il savait qu'à cette soirée serait présent le partie conservateur, et il envisageait bien de s'y faire une petite place. Il userait de sa gueule d'ange, comme dirait Bransac.

Et alors, ensuite, il pousserait ses ambitions plus loin. Il savait simplement que cette soirée serait le premier pas vers le si grandiose château de la reine.

Il étudia la semaine qui précéda la soirée, parce que Viktor ne s'était jamais soucié de politique auparavant. Il savait que sa vie ne tournerait qu'autour de cela désormais. A croire que, lorsqu'on y met un pied, on y glisse tout entier. Il finit par contacter Bransac la veille, et celui-ci fit le chemin jusqu'en Ecosse pour le renseigner. Lorsqu'il passa la porte du manoir sans même prendre la peine de signaler la présence, Viktor l'attendait déjà dans le fauteuil de son salon, et il lui montra les crocs. C'était une petite plaisanterie qu'ils avaient eu au fil du temps.

Entre nos crocsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant