L'incendie

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« Dimanche 21 mars 1867, 18 h 30 :

Je suis bientôt arrivée au Mans ! Enfin ! 7 h 30 de route, cela aura été très dur. Cependant, je vais dans moins d'une heure pouvoir me restaurer et surtout me reposer.

Je sens mes paupières qui se ferment toutes seules, je vais m'endormir sur ma bicyclette, non ! Il faut que je continue, je suis presque à destination. Et mes yeux s'éteignent à nouveau... Aïe ! Je suis tombée en m'étant assoupie alors que je roulais. Je crois que je saigne de mon coude, ça fait drôlement mal ! J'ai vraiment besoin de repos, ce voyage est exténuant, si j'avais su qu'un jour je pédalerai comme ça.

Est-ce-cela le prix de la liberté, est-ce donc cela de se sentir vivant ?

Je n'avais jamais ressentis cela, j'ai l'impression d'avoir déjà plus appris en un jour et demi qu'en plusieurs années. J'ai appris à... Réfléchir par moi-même, à être, trouver des solutions seule, à avoir mal, à être fatiguée, à être heureuse d'un maigre confort, j'ai appris à pardonner, à aller dans une auberge, je vis la vraie vie en fait !

Malgré ma fatigue, je ne dois surtout pas me plaindre comme la Jeanne que j'étais avant. Il en est hors de question. Si je chantais un peu pour me redonner courage avant d'arriver ? Cela fait toujours du bien. »

J'entrais ainsi au Mans, à demi endormie, et je choisis la première auberge que je rencontrais. Je n'eus pas la force de manger, et me voyant donné une chambre, je m'y rendis sans plus attendre. Une fois à l'intérieure de celle-ci, je me souviens que je m'écroulais sur le lit et que je trouvais le sommeil aussitôt.

Le matin suivant, je dormais encore que quelque chose d'inconfortable m'éveilla.

« Lundi 22 mars 1867, midi :

Quelle est donc cette odeur désagréable ? J'ouvre un œil pour essayer de deviner d'où elle vient, et je remarque qu'il est déjà midi, et que je vais être en retard sur mon itinéraire. Je ne comprends pas pourquoi je ne me suis pas réveillée, puis enfin je fais attention à la chambre. Je distingue entre une épaisse fumée qui encombre et la pièce et mes poumons des longues flammes rougeoyantes.

Que se passe-t-il donc ? J'entends du bas de l'auberge des cris, des pleurs, des appels : « A l'incendie ! A l'aide ! ». Et soudain je prends conscience qu'effectivement il y a un incendie et je me trouve en plein milieu de celui-ci ! C'est la panique en moi. Il faut que je me calme en premier lieu. Un incendie ! Il faut absolument que je sorte de cet endroit.

C'est avec la force de la survie que je cours entre la fumée et les flammes, attrape en passant mon sac, jette un coup d'œil dans les autres chambres pour voir si personne d'autre n'est resté bloqué, puis rassurée sur ce point là court jusqu'à l'extérieur avec une chance inouïe de m'en sortir avec seulement quelques légères brûlures et une respiration suffocante. Le soir, j'avais laissé ma bicyclette l'extérieur, je la récupère et j'ai le temps de constater l'inquiétude, peur et tristesse sur tous les visages. Je demande autour de moi si effectivement personne n'est resté dans ce qu'on peut maintenant apparenter à un gigantesque brasier. La réponse me rassure grandement : L'aubergiste a pris son registre, un appel a été fait et j'étais la dernière à sortir.

Cependant, je ne peux rester à cet endroit plus longtemps. Un tel événement attire du monde et je ne veux pas me risquer à être reconnue. C'est à contrecœur que je pars en cachette vers Rennes, encore fébrile de mon aventure. »

Pourquoi l'incendie a-t-il eu lieu ? Ne restait-il vraiment personne dans l'auberge ? Comment vont faire le couple qui la tenait pour tout reconstruire ? Je n'aurais pas du partir. J'aurais voulu rester pour les aider. Il n'était pas dans mon intention de partir comme un brigand, mais j'ai bien trop peur d'être vue et dénoncée. Cependant, toutes ces questions qui ont peuplé mon esprit jusqu'à Rennes m'on noué le ventre d'une nouvelle culpabilité, en plus de celle de t'avoir laissé seule, Elise. Et c'est sombre que je continuais ma route.

Je pédalais depuis déjà bien plus de huit heures, encore plus qu'hier, et encore dans mes pensées, j'entendis un son étrange :


Le vélo, c'est bon pour la santé!Where stories live. Discover now