La Quête de Nal Tender

Chapitre 5

     Le sifflement des projectiles vrillait l'air. Suivi du bruit mat quand ceux-ci venaient se planter dans les troncs ou le sol. Les quatre aventuriers s'étaient jeté au sol. Un véritable déluge de plumes et de fer s'abattait sur la clairière.

Aldus s'était jeté au sol après avoir sauvé la vie de son ami. Le côté droit de son visage était collé contre la terre, mais il arrivait à discerner dans les fourrés environnant les mouvements de leurs agresseurs. Il avait jeté dans sa chute son bâton à quelques mètres de lui. Il devait le récupérer, car même si c'était manifestement de bien piètres tireurs, n'ayant pas réussi encore à les toucher, les archers qui les attaquaient finiraient bien par les toucher, même pas hasard. Sans doute des brigands. Il ferma les yeux et projeta son esprit vers le morceau de bois.

Un bâton de sorcier était un objet étrange. De formes très variés, ces morceaux de bois taillés d'un seul tenant provenaient de forêts mystérieuses, loin au nord. Tous étaient anciens, et l'origine de leur pouvoir n'était plus connue que par quelques initiés. D'aucuns disaient que c'étaient les dieux qui leur donnaient leur force, d'autres évoquaient des rituels ancestraux de peuplades inconnues venues des glaces. Souvent, le bout des bâtons était orné d'une pierre d'une très grande valeur. Rubis, émeraude, améthyste, voire même diamants venaient ainsi compléter les ouvrages en bois sculpté. A ce sujet là encore, les interprétations allaient bon train. Simples bijoux pour les sceptiques, une majorité de gens pensaient que le pouvoir du mage résidait à l'intérieur. Les mages aimaient à garder le secret à propos de ça, éludant les questions des braves qui osaient venir leur demander. Finalement, la seule certitude qu'avait le petit peuple au sujet des bâtons de sorciers, c'était qu'il s'agissait probablement de l'arme la plus dangereuse qui puisse exister.

D'un coup, le bâton fut comme attiré, mû par une force invisible, jusque dans la main de son maître. Aussitôt, un grand bruit résonna dans la clairière. C'était comme si mille éclairs venaient de frapper le sol dans un grand fracas. C'était peut-être même ce qui s'était passé, au vu de l'épaisse fumée qui s'élevait maintenant de là où se trouvait Aldus. Quand elle se dissipa, les flèches ne partaient plus, et tous les bruits de la forêt s'étaient tus. Un calme olympien régnait maintenant au fond des bois. Un calme surnaturel, annonçant une tempête d'une rare violence.

Aldus était maintenant debout, appuyé sur son bâton et défiant du regard les fourrés. Il donna un coup sur le sol avec son arme, et la pierre d'améthyste qui était accrochée brilla d'une très forte intensité pendant un temps infime. Alors s'éleva du bois une plainte, de plus en plus forte, une plainte gémissante qui semblait venir du fond de la terre. Une bourrasque de vent vint faire plier les arbres et les hommes, plus rapide qu'un cheval au galop. Des fourrés sortirent alors leurs assaillants.

Leurs habits étaient couverts de sang, leurs arcs pendaient brisés dans leurs mains sans force. Ce n'était pas des brigands. Antoine reconnut directement l'uniforme de la Garde Royale. Que diable pouvait elle bien faire ici ?

Aldus leva alors solennellement son bâton, et tous les soldats s'effondrèrent.

"Tu n'étais pas obligé de les tuer, lui fit remarquer le moine.

- Ils n'étaient pas obligés de nous attaquer, répliqua le mage.

- Tout le monde va bien ?" demanda Antoine, ignorant cette remarque.

Tous les aventuriers s'étaient relevés, et se tenaient prêts au milieu des bois les armes à la main, au cas où de nouveaux attaquants arrivaient. Un gémissement leur provint du centre de la clairière. Dans un même mouvement, le moine, le mage, le mercenaire et l'Elfe se tournèrent vers leur protégée. Celle-ci leur lança un regard désespéré. Une dizaine de flèches étaient plantées dans son ventre.