J'ai le droit aussi (Songfic Aynet)

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Le jeune professeur de musique laissait son regard bleu sévère passer sur ses élèves, chantant. Sa petite chorale s'entraînait avec celle du collège voisin en prévision du spectacle de fin d'année. Le chant, un peu faux, des élèves le dérangeait, aussi s'apprêtait-il à les reprendre quand sa collègue le fit à sa place. Il approuva rapidement, se qui fit glousser la pauvre vieille femme.

« Vous voyez, M. Pierre et moi on est pas mariés mais on est toujours d'accord ! »

Le professeur serra les dents face à l'enthousiasme et aux avances évidentes de sa collègue. Il attrapa tendrement la main du guitariste qui, installé juste à côté, fusillait sa collègue du regard. Il ne dit rien, ne fit rien de plus. La relâcha rapidement, avant que les élèves ne les voient. Mais ça avait réussi à rassurer Baptiste, et ils reprirent.

Le midi ils mangèrent ensembles, ainsi qu'avec sa collègue Clémence, qui ne cessait de le coller. Au bout d'un moment il céda et la repoussa brutalement, se rapprochant à peine de Baptiste et saisissant sa main sous la table, s'accrochant à son amant.

Il tourna son chaud regard caramel vers lui, et, immédiatement, l'aîné se senti mieux. Il résista difficilement à la tentation de l'embrasser.
Puis il recommença à manger, le plus éloigné possible de l'autre professeur.
Et ils continuèrent ainsi de se préparer tout l'après-midi, entre la drague lourde de sa collègue plus âgé et la possessivité voilée de son secret amant.

Alors que la répétition se finissait, ils unirent leur voix, tandis que leurs doigts frappaient les touches ou grattaient les cordes. C'était une demande de ses élèves de le voir chanter, alors quand Baptiste lui avait proposé un duo avec son enthousiasme habituel il n'avait eu le cœur de le lui refuser.

Le professeur de musique avait un peu de mal à suivre, ses doigts dérapant sur les touches du clavier tandis qu'il se concentrait trop sur sa voix. Il n'avait pas eu le temps de finaliser comme il le souhaitait, débordé de boulot. Il promis alors à son amant de passer le voir, avant dix-huit heure, pour voir les derniers ajustements à effectuer sur les chansons qu'ils présentaient le soir même aux parents d'élèves.

Rapidement ils rentrèrent au collège en bus où il put libérer les collégiens. Puis, dès qu'il en eu la possibilité, il fonça à sa voiture et roula rapidement jusqu'au petit appartement en centre ville de son copain. Il entra vivement, l'embrassa chastement et s'installa a son piano. Un sourire heureux jouait sur ses lèvres tandis qu'il profitait de l'instrument de son amant, il était beau. Pendant les heures qu'ils leurs restaient encore avant le petit spectacle, ils répétèrent, encore et encore. Finalement, il attrapa sa main, couvrant doucement de baiser les doigts abîmés à force de gratter les cordes. Son regard se perdait dans celui caramel de son vis à vis tandis qu'il lui recommandait encore d'utiliser un mediator, ce à quoi Baptiste s'opposait. Le jeune musicien riait devant son insistance, cette discussion ils l'avaient déjà eu trop de fois, mais toujours il refusait. Ça lui importait beaucoup de toucher directement les cordes.

Ils quittèrent finalement l'appartement, mains dans la main. Rapidement ils arrivèrent ensembles au collège où ils devaient faire cette petite représentation, mais entrèrent à quelques minutes d'intervalles. Le professeur s'occupa rapidement de calmer les élèves, en coulisse, puis alla prendre place sur la scène devant les parents. A côté de lui Clèmence, sa délicieuse collègue, faisait un long discours remerciant parents et enfants, ainsi que les directions de leurs deux établissements, le petit journal régional qui s'était déplacé, le musicien professionnel qui avait accepté leur invitation : son Baptiste, et enfin lui. Elle n'hésita pas à agrémenter son discours de trait d'humour qui tirèrent des rires gênés au public et à lui même, et finalement ils purent commencer. L'enthousiasme des élèves ainsi que de Baptiste le fit sourire, tout comme les applaudissements ravis et fières des parents. Cette soirée était peut-être parfaite songea-t-il une fois son ennuyante collègue éloignée du micro, tandis qu'il échangeait un regard avec Baptiste.

Arriva presque trop vite la dernière chanson, celle où ils devraient une ultime fois unir leurs voix.

Doucement, le plus jeune commença, au son des accords, à faire entendre sa voix mélodieuse, arrachant un tendre sourire à son aîné :

« Que dira mon père
J'en ai marre de faire semblant
Que dira ma mère
M'aimera-t-elle toujours autant...

Aymeric enchaîna :

Je ne suis pas mieux qu'un autre
Je n'suis pas pire non plus
J'ai le droit de vivre heureux
J'ai le droit aussi
Le droit de l'aimer lui
J'ai le droit d'être amoureux... finit il en fixant son Baptiste, qui reprit, des larmes de joie aux yeux.

Que diront les gens
Il plaindront mes pauvres parents
Que dire à ces gens
Qui me trouvent trop différent...

Ils unirent enfin leurs voix, criant au monde qu'eux aussi avaient ce droit, quoi qu'on puisse leur dire.

Je ne suis pas mieux qu'un autre !
Je n'suis pas pire non plus !
J'ai le droit de vivre heureux !
J'ai le droit aussi
Le droit de l'aimer lui
J'ai le droit d'être amoureux »

L'aîné se tut, submergé par les yeux ambrés de son Baptiste... Il criait presque, mais sans jamais que ça ne gâche la chanson, se jetant simplement entièrement dans son art, corps et âme... Cependant, heurtant légèrement son aplomb, il y avait ces commentaires qui lui parvenaient du public. Les parents choqués que l'on apprenne cela à leurs enfants, les remarques sur sa sexualité, les « vous croyez que » et les « mais quelle horreur » qui le tiraillaient.

« Tant pis si ça choque !
Je ne veux plus avoir peur !
Un homme est un homme !
Peu importe où va son cœur !
J'ai le droit aussi !
Le droit d'être avec lui !
J'ai le droit de vivre heureux !
J'ai le droit aussi !
Le droit de l'aimer lui !
J'ai le droit d'être amoureux ! »

Inconsciemment, il avait arrêter de jouer, trop perturbé. Et doucement, la main de son amant qui chantais désormais à capela, caressait sa joue.

« J'ai le droit de vivre heureux... »

Les dernières paroles furent à peine murmurées dans le micro.

« Tant pis si ça choque...
Je ne veut plus avoir peur...
J'ai le droit...
Le droit de t'aimer toi...
Le droit d'être amoureux... » finit-il presque contre ses lèvres, avant de les sceller tendrement alors qu'il s'accrochait aux cheveux de son amant, choqué. Il répondis à peine.

Puis il s'éloigna, perturbé. Les larmes dégringolant sous les insultes. Baptiste était resté sur scène, les bras ballants. Sans comprendre. Puis il lui courut après, dans la nuit froide. Il trouva son amant sur le parking, éclairé par la lune, les étoiles se reflétant dans ses yeux luisant de larmes. Par derrière il l'enlaça, embrassa son épaule.

« Aymeric ?

— Quoi encore ?

— Qu'est-ce qui t'arrive ..?

— Quoi, Baptiste ? Tu me demandes vraiment pourquoi j'ai refusé de te rouler une pelle devant des parents d'élèves ? Merde à la fin ! Comment tu as pu croire que j'accepterais ça, aussi ? J'ai déjà beaucoup hésité à faire cette chanson avec toi, parce que c'est ma vie privée et que mes élèves n'ont pas besoin de savoir. J'ai accepté parce que ça te tenais à cœur, et toi tu as voulu... sans même t'assurer que je sois d'accord... »

Il n'eu même pas le temps de finir que le guitariste le retournait et l'embrassait fougueusement, passant une main derrière sa nuque et l'autre sa taille, le pressant tendrement contre lui.

« Tant pis si ça choque...
Je ne veux plus avoir peur...
J'ai le droit aussi... »

Mes OSWhere stories live. Discover now