3 - Exposition

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- Louis -

La chaleur commence à cogner dans ce camping, Juin est arrivé et il se remplit de touristes. Ce caravaning est agréable, il y a une piscine, des restaurants, et la ville est toute proche.

Mes jambes sont croisées sur la table en plastique fêlée, empruntée au bungalow vide d'à côté, et je profite de l'ombrage de notre tenture en regardant mon téléphone. On ne capte que dalle ici et ça me désespère.

— Lou, arrête. Tu te fais du mal.

Je lève mon majeur déplié en direction de la porte ouverte, et j'entends son soupir agacé quand il repart.

Du mal, je m'en fais si je veux.

Mon pouce fait défiler les réseaux sociaux et comme chaque jour, je vérifie si par hasard elle n'aurait pas posté de nouvelles photos, ou si Lucas l'aurait fait, ou si des amis l'auraient tagguée, ou quels commentaires elle aurait donné sur quoi.

C'est pas très glorieux, je le conçois, mais je suis obligé de le faire, car autrefois je savais tout ce qu'elle faisait, tout le temps, je m'intéressais à la moindre de ses paroles et ses envies. Mais maintenant nous parlons à peine, alors je fais de mon mieux pour suivre.

Aujourd'hui, j'observe les photos des préparatifs de son exposition, et je suis triste. J'ai toujours assisté aux évènements importants de sa vie, je n'en manquais aucun.

— Mais vas-y putain, me gronde Harry en tirant la chaise contre moi.

— Non, je vais rater le taff du lendemain soir sinon. Je t'ai déjà dit que je ne prenais plus le boulot à la légère.

— Si tu prends l'avion tu le rateras pas.

— Mais ça me coutera un bras, et tu vas encore râler.

— C'est si tu t'y pointe pas à cette foutue expo que je vais râler, crois-moi.

Nos regards s'accrochent et je lis qu'il est sérieux. J'hésite, ses sourcils bruns se froncent, alors un sourire m'apparait et mon cœur accélère.

Trois heures d'avion, un bus et un sandwich vraiment douteux plus tard, je marche dans la capitale en suivant les directions que m'indique mon téléphone.

L'endroit est un peu craignos, mais friqué malgré tout, c'est très paradoxal. Je tourne sur moi-même et bien vite je le reconnais le bâtiment, c'est un ancien hôtel tout tagué depuis lequel retentit de la musique techno tribale.

J'approche et traverse la rue. A l'entrée il y a des gens aux look originaux qui fument, le genre hippie new âge. Je me dirige vers la large porte et déjà le couloir n'est qu'une œuvre d'art géante : graffitis, objets insolites suspendus et sol couvert de faux billets de banque , du moins je l'espère. Un homme chauve avec un bouc teint en vert, assis derrière un guichet, me demande de payer l'entrée, je donne le billet de dix réclamé et je pénètre dans le hall.

C'est pour le moins... fascinant. Tout est ultra coloré avec des œuvres exposées de partout, c'est agressif, dérangeant, perturbant, étonnant.

Chaque artiste semble garder son coin. Le hall est partagé entre une femme qui entrepose des centaines de poupons massacrés et gribouillés au marqueur noir, un homme dans la cinquantaine avec un chapeau de cow boy entouré par des tableaux en vitraux brisés, et un jeune gars avec des sculptures en CD.

J'observe tout en avançant avec les autres visiteurs, je me penche et tente de percer les messages. C'est difficile parfois.

Dans l'escalier, des gens remplissent les marches de messages avec des feutres acryliques, je dois en enjamber deux pour monter. Le premier étage est encore un assemblage d'artistes. Je passe devant une femme qui jette de la couleur sur des toiles posées à plat puis souffle dessus avec un sèche-cheveux. Plus loin sont entreposés des animaux empaillés déguisés en dictateurs qui déclament des messages contre la propagande.

No Rules ║ Feel Real - T2Where stories live. Discover now