Malédiction Sommet [Matoine]

XXXII. Tempête à l'horizon

Vendredi 17 janvier.
Antoine et Mathieu avaient passé la nuit à parler. Comment Mathieu pouvait-il être redevenu humain ? Comment aurait-il pu posséder à nouveau une enveloppe corporelle ? Il était mort il y avait 112 ans. Pourquoi la malédiction lui aurait-elle permis d'être à nouveau humain ?
Ils eurent beau en parler toute la nuit, ils ne trouvèrent pas de réponses à cela. Mathieu avait tout d'un être humain: il pouvait être vu et entendu par tous, il n'arrivait plus à passer à travers les murs, à faire léviter les objets... pour résumer, ses capacités d'esprit avaient disparu. Un humain banal. Comme les autres.
Il ne lui restait que ses yeux, qui continuaient d'émettre une faible lumière, que ce soit de nuit ou en plein jour.
La question qui demeurait était: pour combien de temps ? Combien de temps Mathieu resterait-il sous une forme humaine ?
Désormais, le petit homme au chapeau devait se méfier: les parents d'Antoine ne devaient pas le remarquer, les voisins non plus, au risque qu'ils posent des questions. En fait, Mathieu devait essayer de rester autant invisible qu'il l'avait été.

Antoine informa bien vite Liz de la nouvelle. Elle non plus n'avait pas de réponses pour expliquer ce phénomène.

– Comment est-ce possible qu'un esprit crée une enveloppe corporelle ? Rien ne se crée ! C'est totalement contraire aux lois de la physique...

– Bon, Antoine... sourit ironiquement Liz. Un esprit même est contraire aux lois de la physique. Et depuis quand tu utilises la science pour résoudre tes problèmes ?

– Depuis que je n'ai pas de réponses à mes questions !

– "S'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème"... philosopha la jeune fille.

L'enseignant s'arrêta dans une phrase et les fixa quelques secondes pour qu'ils se taisent. Ils étaient en cours de mathématiques et en profitaient pour discuter des récents événements. Depuis que tout le monde était en mesure de voir Mathieu, ce dernier ne pouvait plus accompagner son petit ami jusqu'au lycée. Il resterait cloitré dans la chambre jusqu'à nouvel ordre.

– Tout ça explique pourquoi Nyo vous a vu ensemble l'autre jour... chuchota Liz.

– Oui... en espérant qu'il ne le répète pas à tout le quartier...

Ils se turent en voyant le professeur passer dans les rangs. La brune reprit, à voix basse:

– Il faudra que tu lui parles. J'espère qu'il comprendra... Nyo peut se montrer vraiment borné quand il veut...

Antoine hocha doucement la tête et son amie poursuivit:

– Ah, d'ailleurs... Comment ça s'est passé, hier, avec tes amis de Crocher ? Tu m'as dit qu'ils avaient aperçu Mathieu, mais sinon...

– À part cet incident, c'était sympa de les revoir. J'avoue que quelques fois le lycée de Crocher me manque...

– N'aie pas peur de le dire, rit doucement Liz, moi, ce qui me manque, c'est mon ancienne classe ! On était beaucoup plus unis... Cette année, je ne connais même pas leurs noms... Entre la bande de Franck et ces personnes sans aucun intérêt comme Capucine...

– Elle s'appelle Églantine. Ce n'est pas la première fois que tu-

– Oui, bon, c'est pareil... Capucine, Églantine, Grenadine... Qui a idée d'appeler ses enfants comme ça ?