chapitre 3

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Août 2016, Wimereux.

« L'inconnu est le témoin que personne ne voit et que personne ne verra jamais. »

- Mon cœur tu es prête ?

Sam regardait sa fille qui finissait de préparer ses affaires. Elle avait le regard vide et son visage témoignait de sa tristesse.

Après qu'elle eut digéré l'annonce du retour de son oncle, elle était revenue à la maison silencieuse. Elle était frigorifiée, à cause des deux heures passées à rêvasser sur la digue, face à la mer déchaînée qui continuait de se cogner contre les brise-lames.

Elle n'avait pas eu faim.

- Je suis simplement fatiguée, avait-elle déclaré.

Ses parents continuaient de veiller sur elle, en profitant des derniers moments passés avant son départ. Pas une seule fois le sujet « retour de Yann » avait été remis sur le tapis. Anna avait passé un accord avec lui : il ne viendrait uniquement après le départ de Chloé.

Chloé se redressa et prit son sac à dos. Son téléphone et ses écouteurs à sa main, elle prit une grande inspiration et quitta la chambre sans la ranger.

Le lit n'était pas fait, des vêtements étaient éparpillés, de vieux jouets étaient étalés sur le sol et des cahiers recouvraient entièrement la table qui servait à Chloé de bureau.

Elle arriva dans le salon, qui avait été témoin de tant d'horreurs.

Elle passa sa valise à son père et alla voir sa mère dans la cuisine. Elle avait un verre d'eau à la main, un teint pâle et la mine déconfite. Des cernes bleus se creusaient sous ses yeux bruns qui eurent été magnifiques avant la mort de sa fille. Quelques larmes coulaient le long de ses joues, lentement ; trop longtemps retenues par la triste femme, elles s'étaient enfuies.

Mais Chloé savait. Elle savait que c'était faux. Elle savait que quand elle serait partie, sa mère s'empresserait de ranger sa chambre pour accueillir Yann. C'était son frère, il ne fallait pas l'oublier.

Sa mère avait toujours été comme ça ; même si des membres de sa famille commettaient l'irréparable, elle leur pardonnait, bêtement.

Chloé fit demi-tour, elle n'avait pas le courage d'embrasser sa mère. Elle sortit de la maison, traversa la petite cour, et au bout de l'allée, retrouva son père.

La jeune fille s'en allait désormais. Elle quittait le cocon familial, elle était jetée dehors. On l'avait jetée dehors, sans même qu'elle ne résiste, sans même qu'elle ne s'en rende compte.

***

Son apparence était trompeuse ; elle était manipulatrice. Plus jeune, elle s'était trouvé un talent pour que les garçons s'amourachent d'elle et lui donnent tant et tant de cadeaux qu'elle eût pu souhaiter.

Plus jeune, elle était mignonne, adorable même. Avec ses prunelles brunes et ses longs cheveux bruns, ses parents la prenaient pour leur princesse. Yann n'était qu'un plus, qu'une erreur.

Physiquement, elle était faible. Elle était petite, avait un regard profond ; mais elle était beaucoup trop faible, à cause de son jeune âge. Elle avait des mains gracieuses, un visage angélique. Son regard vous perçait et vous happait comme aucun enfant n'aurait pu le faire.

Mais mentalement, elle vous détruisait à vous en faire ronger les ongles ; elle était capable de briser la confiance qu'une personne pouvait avoir pour elle-même en quelques paroles.

Apparence trompeuse, existence fausse. Les roses ont des épines ; mais cette jeune fille-là n'avait pas besoin d'être une rose : à elle seule, elle rassemblait une armée de sang.

Tu as tué Claire Where stories live. Discover now