Chapitre 9 : Une vraie famille

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(Musique : Rebel and a Basketcase - Today)


Lucine me guida jusqu'au salon et m'invita à m'asseoir. D'habitude, je ne manquais jamais d'assurance et je savais toujours ce que je faisais, mais cette fois-ci, c'était différent. Jamais je ne m'étais senti aussi mal à l'aise. Je ne me fichais même pas de ce que pourrait penser sa famille à mon propos. Allaient-ils juger ma couleur de cheveux ? Allaient-ils juger mon piercing au nez ? Et voir quelques idoles accrochées sur les murs ne me rassurait pas. Et j'avais beau me dire que ce n'étaient que des préjugés, j'étais anxieuse, pour une raison que j'ignorais totalement.

Lucine me rassura en me souriant et je tentais de lui rendre son sourire, mais il devait paraître si faux. Un jeune homme entra dans la pièce, s'installa à table et se présenta à moi comme Vosgan, le frère de Lucine.

— Enchantée, je suis Diana, rétorquai-je timidement.

Les parents de Lucine arrivèrent à leur tour et furent ravis de faire ma connaissance. D'après leurs dires, Lucine ne ramenait jamais personne à la maison, n'ayant que peu d'amis. Puis vint le moment de manger assez rapidement.

Les parents de Lucine, Adour et Sibyl, me posèrent quelques questions sur le lycée, voulant s'assurer que c'était un lieu sûr. Évidemment, j'avais enjolivé la vérité :

— Il y a toujours quelques élèves qui veulent foutre le bordel et s'attaquent aux autres, mais il y en a d'autres qui sont vraiment sympas. Il y a un peu de tout, comme partout, expliquai-je calmement.

Ils étaient assez curieux sur le fonctionnement du lycée et la manière de gérer les conflits. Lucine paraissait assez gênée par toutes les questions qu'ils me posaient, mais peut-être que ce n'était que moi qui surinterpréter les évènements. En tout cas, elle y mit rapidement fin en prenant la parole :

— Samedi, un ami organise une fête et on voulait y aller à deux, finit par annoncer Lucine, la voix tremblante.

Voilà que le moment fatidique venait d'arriver. Étant donné leur comportement jusqu'alors, ils allaient sûrement me poser des questions pour mieux comprendre ce que sous-entendait cette fête et je ne m'étais pas trompée. Cette fois-ci, j'assumais totalement mon mensonge, prétendant que ce n'était qu'une modeste fête entre lycéens et qu'il n'y aurait rien d'illégal. Je n'allais certainement pas leur dire que la fête contiendrait moult bouteilles d'alcool. D'ailleurs, je proposai l'idée que Lucine vienne dormir chez moi s'ils ne pouvaient pas la récupérer. Comme toujours, j'avais exposé tout ceci avec calme et sérieux, comme si je présentais une solution professionnelle. J'avais toujours des tas de manières différentes de m'exprimer, ce qui en étonnait toujours plus d'un.

— Eh bien pourquoi pas, lâcha Sibyl après mon argumentaire.

Lucine et moi échangeâmes un sourire victorieux et je n'avais aucune idée pourquoi ça me réjouissait à ce point. D'ailleurs, ses parents paraissaient de plus en plus rassurés au fur et à mesure que le dîner avançait. Pendant un instant, j'enviai Lucine. Elle avait une vraie famille et des parents qui s'inquiétaient pour elle. Ça n'avait rien à voir avec mon père qui avait pris le large et ma mère qui le faisait juste pour se donner bonne conscience sans s'intéresser réellement à mes sentiments. D'habitude, j'aimais l'anarchie, mais pas dans ma famille...

Vosgan s'amusa à me lancer quelques blagues et aucune d'entre elles ne se moquait d'une minorité. Du moins, je n'en avais pas l'impression et peut-être que je me trompais complètement sur ce point. En tout cas, les vidéos que Lucine m'avait montrées m'avaient fait douter sur mon comportement, mais j'étais prête à en apprendre davantage pour ne plus blesser quiconque.

Le repas toucha rapidement à sa fin. J'aurais voulu qu'il dure bien plus longtemps. Cette illusion de famille commençait à me plaire. Malheureusement, il fallait bien que ça arrive. Le père de Lucine me proposa de me conduire chez moi. Cette proposition me paraissait bien trop généreuse et après qu'il ait insisté, craignant que je sois dehors à cette heure-là, j'acceptai.

Rapidement, on embarqua dans sa petite voiture et Lucine nous accompagna, s'installant à mes côtés sur la banquette arrière. Je guidais Adour tout le long du trajet et on arriva à destination assez facilement. Tous deux semblèrent assez étonnés de l'ampleur de ma maison.

— C'est une très belle maison, remarqua-t-il.

Leur maison était si petite par rapport à la mienne, et pourtant, ça n'avait aucune importance.

— Merci, répliquai-je d'une voix sourde.

Je n'avais clairement pas envie d'exposer toute ma vie, j'aurais l'impression de les mettre mal à l'aise. Après tout, à quoi bon dire que cette maison était celle de ma mère ? qu'elle était productrice de musiciens connus ? Ils s'en fichaient. Il n'y avait que ma mère qui voulait exposer son CV à n'importe qui.

— Ça a été un plaisir de te rencontrer Diana, annonça Adour alors que j'ouvris la portière.

— C'était un plaisir partagé, rétorquai-je mécaniquement.

Je fermai la portière et les saluai alors qu'ils s'éloignaient. Cette soirée avait été assez ressourçante, mais maintenant que j'étais chez moi, ce n'était plus la même chose. Dès que je franchis le seuil de la porte, ma mère m'attendait d'un pied ferme dans le salon. J'étais sur le point de me faufiler jusqu'à ma chambre, sauf qu'elle m'intercepta et m'attrapa par le bras.

— Où étais-tu ? me demanda-t-elle fermement.

— Je t'ai envoyé un message, répondis-je sans me laisser déstabiliser par son regard assassin.

— Tu crois que je vais me contenter de ça ?

— T'es jamais là... Ne prétends pas que tu veux t'occuper de moi ! Je ne suis pas idiote non plus, je ne suis pas une gamine ! Alors fous-moi la paix, merde !

Face à la violence de mes mots, elle lâcha mon bras et c'était comme si je l'avais vraiment blessée. Je n'avais pas été douce, je n'avais plus la force de l'être avec ma mère. Comme toujours, j'attendais son prochain déplacement pour enfin être seule...

Et après ce long moment silencieux où l'on se regardait sans rien oser dire, je montai l'étage pour attendre ma chambre. Cette fois-ci, elle n'insista pas et ne frappa pas à ma porte. C'était d'autant plus blessant. J'aurais cru qu'elle aurait pris ça au sérieux, mais comme toujours, seul son ego serait blessé. Alors, je me mis à sangloter et les larmes coulèrent d'elles-mêmes sur mes joues... Parce qu'encore une fois, le fait qu'elle ne fasse rien était bien douloureux.

Le Spleen du CygneWhere stories live. Discover now