Chapitre 22 : Encore | Partie 3

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Le premier match venait  tout juste de débuter et une grande partie de notre petit groupe  encourageait Sani. La plupart tentaient de crier des simples "Allez  Sani" et autres phrases motivantes tandis que je me contentais des pires  obscénités.

— Bouge ton cul Sani ! hurlai-je.

Lucine me donna un coup  de coude, juste pour me taquiner, et immédiatement, nous rîmes en chœur  et ma tête se posa naturellement sur son épaule. Il nous en fallait peu  pour nous amuser.

Puis mon regard se posa  sur Hikaru qui semblait fixer intensément Sani. Je me détachai alors de  Lucine pour attirer l'attention de la japonaise.

— Hey ! Alors, j'ai  peut-être dit que j'étais pas très douée pour les conseils "amour", mais  je vois bien que tu y penses encore. Tu es sûre que tu ne veux pas que  j'essaie de lui parler ?

— Ça va être cramé !

— Même si mes talents  sont assez inexistants dans ce domaine, je peux tenter d'aborder le  sujet et voir ce qu'il pense de toi, lui proposai-je en haussant les  sourcils.

— Je doute que ça marche... Et je ne pense pas qu'il s'intéresserait à une fille comme moi.

— Il est bien ami avec la pire catastrophe au monde, aka moi, plaisantai-je. T'as pas de soucis à te faire.

Elle fronça ses sourcils et grimaça un bref instant avant de reprendre :

— Je ne suis pas sûre que ce ne soit pas très rassurant.

— Ok. Je viens de  prouver encore une fois que je ne suis pas douée en communication...  Mais on s'en fiche. Ce que je voulais dire, c'est que tu es une fille  super Hikaru et tu sais mettre en confiance les gens, tu l'as bien fait  avec moi à mon arrivée. Et si je continue la liste de tes qualités, je  vais probablement te gêner...

J'avais bien remarqué  qu'elle avait commencé à rougir et je ne voulais pas la mettre mal à  l'aise, quand bien même je trouvais cette femme formidable.

— Bon... D'accord ! Tu peux essayer d'aller lui parler ! Mais si ça tourne mal, je n'existe plus !

— Je te promets que tout  ira bien et si ce n'est pas le cas, je vais tout réparer, lui  assurai-je en levant ma paume en signe de bonne foi.

Soudainement, la foule  s'excita et s'écria de plus belle. L'équipe de notre école venait de  marquer un but. De nouveau, on encouragea notre ami et de mon côté, je  recommençai mes obscénités.

Et pendant le bref temps  de pause sur le terrain, mon regard croisa celui de Damon. Il y avait  de la haine dans le sien. Malheureusement, je savais que c'était le  signe qu'il viendrait me parler après le match, que je le veuille ou  non. Peut-être valait-il mieux que j'y mette un terme avant lui.

Dès la fin du match,  j'irai le voir. C'était contre mes derniers principes. J'aurais mieux  fait de l'ignorer. Mais s'il voulait de la confrontation, j'étais  capable de lui en donner. Tous mes membres tremblaient rien qu'à cette  idée. Heureusement, je savais d'ores et maintenant que ce ne serait que  de courte durée...

*

À la fin du match,  j'avais prévenu quelques personnes du groupe de ce que je comptais  faire. Lucine et Hikaru me proposèrent de m'accompagner ou, du moins, de  rester en arrière-plan, au cas où.

Alors qu'on descendit les gradins, Rachel nous interrompit, courant pour nous attendre.

— Diana !

— Tu veux nous rejoindre finalement ? lui demandai-je automatiquement.

— Non. Surtout pas. Mais tu disais qu'on devait l'ignorer... Pourquoi tu fais ça ? Ce n'est pas cohérent !

— Peut-être parce que j'enfreins toutes les règles, même les miennes, ironisai-je.

Mes sarcasmes n'avaient pas l'air de lui plaire. Après tout, je n'aurais pas non plus apprécié à sa place.

— D'accord, ce n'est pas  cohérent, je dois l'admettre. Mais je ne peux pas rester sans rien  faire... Ça n'a jamais été dans ma manière de faire et ça ne le sera  jamais. Je suis obligée d'ouvrir ma gueule... même si je me foutrais de  la sienne... même si je ne lui montrerais que de l'indifférence. Mais  toi, tu n'es pas obligée de faire comme moi... Au contraire, suis ce que  je t'ai dit. C'est ce qui marchera probablement dans la plupart des  cas.

— Diana... Tu veux foncer droit dans le mur où ça se passe comment ? me demanda-t-elle sérieusement.

— Pardon ?

— C'est un peu l'impression que j'ai. Et j'arrive pas à croire que je suis la seule à te le faire remarquer.

Je la fixai, sans dire  un mot. J'avais un peu de mal à assimiler ce qu'elle venait de me dire.  Elle s'inquiétait sincèrement pour moi et j'avais rarement vu cette  émotion dans le regard de quelqu'un. Il était peut-être temps que je me  pose pour y réfléchir sérieusement.

— Peut-être que je vais  me tromper sur ce que je vais te dire... Parce que, après tout, on ne se  connaît pas vraiment... Et on a passé plus de temps à se détester qu'à  s'apprécier.

Elle reprit une brève  inspiration, comme si elle peinait à chercher ses mots. En tout cas,  cette discussion serait douloureuse pour chacune de nous deux.

— Je te voyais avant  comme la traînée du lycée, celle qui sautait tout ce qui bouge. Je  t'insultais autant que les autres sans m'être intéressée à toi. Mais  maintenant, je commence à voir les choses autrement. Je vois que tu es  le genre de personnes qui s'autodétruisent très facilement et qui savent  que c'est la merde et vont quand même y aller. Et je me demande si ce  n'est pas parce que c'est tout ce que tu connais, parce qu'on ne t'a  jamais donné l'occasion de faire autrement. Que ce soit avec ta  famille... ou encore avec Damon...

Je l'écoutais et je  n'étais plus capable de prononcer le moindre mot. Je ne savais même plus  comment je devais réagir à de tels propos.

— Si j'ai réfléchi à  tout ça, c'est parce que je me demandais comment j'ai pu me faire avoir  par Damon. Mais ma famille et mon entourage m'ont appris à être  contrôlée, à subir, mais d'une autre manière que toi. Damon me  contrôlait et il savait que j'allais facilement plonger dedans... Et  toi, on t'a appris à souffrir et à l'accepter.

Je baissai mon regard un  instant. J'aurais espéré trouver des mots aussi justes que les siens et  au lieu de ça, je me contentai d'un simple "Wow", ce qui était assez  lamentable par rapport à ce qu'elle venait de me dire.

— Mais ça te vient d'où tout ça ? demandai-je maladroitement.

— Depuis peu de temps...  Et j'y ai un peu réfléchi pendant le match. Je me disais qu'on n'était  pas si différentes tous les deux dans le fond...

— Ouais... Peut-être qu'on n'a pas qu'un connard en commun toutes les deux, plaisantai-je pour masquer ma gêne.

Elle m'adressa un timide sourire.

— Donc je suppose que le plan est annulé ? demanda Hikaru en nous regardant à tour de rôle.

— J'espère pour toi, me lança ma copine d'un air un peu trop sévère.

— D'accord ! Le plan est  annulé ! Totalement annulé ! Et on va rester sur la première option :  on l'ignore. Mais s'il tente de nous parler, est-ce que je peux le  tabasser ?

— On va avoir des problèmes si tu fais ça, m'avertit Hikaru.

On s'échangea toute un  regard complice. Hikaru et Lucine rejoignirent les gradins alors que  j'avais demandé à Rachel de rester un peu avec moi.

— De quoi tu veux me parler ? s'enquit-elle. Tu veux reparler de ce que je t'ai dit ?

— Je me disais qu'un câlin nous ferait du bien à toutes les deux... Enfin, si tu le veux.

— Pourquoi pas.

Elle me tendit ses bras  et je me jetai vers elle. Toute la haine qu'on avait l'une envers  l'autre n'existait désormais plus, aussi surprenant soit-il. Je ne  pensais pas qu'un jour on se retrouve dans une telle position. Encore  une fois, le destin m'étonnait. Je ne pouvais vraiment plus me fier à  rien... Mais ce n'était pas plus mal ainsi.

Le Spleen du CygneWhere stories live. Discover now