Le premier match venait tout juste de débuter et une grande partie de notre petit groupe encourageait Sani. La plupart tentaient de crier des simples "Allez Sani" et autres phrases motivantes tandis que je me contentais des pires obscénités.
— Bouge ton cul Sani ! hurlai-je.
Lucine me donna un coup de coude, juste pour me taquiner, et immédiatement, nous rîmes en chœur et ma tête se posa naturellement sur son épaule. Il nous en fallait peu pour nous amuser.
Puis mon regard se posa sur Hikaru qui semblait fixer intensément Sani. Je me détachai alors de Lucine pour attirer l'attention de la japonaise.
— Hey ! Alors, j'ai peut-être dit que j'étais pas très douée pour les conseils "amour", mais je vois bien que tu y penses encore. Tu es sûre que tu ne veux pas que j'essaie de lui parler ?
— Ça va être cramé !
— Même si mes talents sont assez inexistants dans ce domaine, je peux tenter d'aborder le sujet et voir ce qu'il pense de toi, lui proposai-je en haussant les sourcils.
— Je doute que ça marche... Et je ne pense pas qu'il s'intéresserait à une fille comme moi.
— Il est bien ami avec la pire catastrophe au monde, aka moi, plaisantai-je. T'as pas de soucis à te faire.
Elle fronça ses sourcils et grimaça un bref instant avant de reprendre :
— Je ne suis pas sûre que ce ne soit pas très rassurant.
— Ok. Je viens de prouver encore une fois que je ne suis pas douée en communication... Mais on s'en fiche. Ce que je voulais dire, c'est que tu es une fille super Hikaru et tu sais mettre en confiance les gens, tu l'as bien fait avec moi à mon arrivée. Et si je continue la liste de tes qualités, je vais probablement te gêner...
J'avais bien remarqué qu'elle avait commencé à rougir et je ne voulais pas la mettre mal à l'aise, quand bien même je trouvais cette femme formidable.
— Bon... D'accord ! Tu peux essayer d'aller lui parler ! Mais si ça tourne mal, je n'existe plus !
— Je te promets que tout ira bien et si ce n'est pas le cas, je vais tout réparer, lui assurai-je en levant ma paume en signe de bonne foi.
Soudainement, la foule s'excita et s'écria de plus belle. L'équipe de notre école venait de marquer un but. De nouveau, on encouragea notre ami et de mon côté, je recommençai mes obscénités.
Et pendant le bref temps de pause sur le terrain, mon regard croisa celui de Damon. Il y avait de la haine dans le sien. Malheureusement, je savais que c'était le signe qu'il viendrait me parler après le match, que je le veuille ou non. Peut-être valait-il mieux que j'y mette un terme avant lui.
Dès la fin du match, j'irai le voir. C'était contre mes derniers principes. J'aurais mieux fait de l'ignorer. Mais s'il voulait de la confrontation, j'étais capable de lui en donner. Tous mes membres tremblaient rien qu'à cette idée. Heureusement, je savais d'ores et maintenant que ce ne serait que de courte durée...
*
À la fin du match, j'avais prévenu quelques personnes du groupe de ce que je comptais faire. Lucine et Hikaru me proposèrent de m'accompagner ou, du moins, de rester en arrière-plan, au cas où.
Alors qu'on descendit les gradins, Rachel nous interrompit, courant pour nous attendre.
— Diana !
— Tu veux nous rejoindre finalement ? lui demandai-je automatiquement.
— Non. Surtout pas. Mais tu disais qu'on devait l'ignorer... Pourquoi tu fais ça ? Ce n'est pas cohérent !
— Peut-être parce que j'enfreins toutes les règles, même les miennes, ironisai-je.
Mes sarcasmes n'avaient pas l'air de lui plaire. Après tout, je n'aurais pas non plus apprécié à sa place.
— D'accord, ce n'est pas cohérent, je dois l'admettre. Mais je ne peux pas rester sans rien faire... Ça n'a jamais été dans ma manière de faire et ça ne le sera jamais. Je suis obligée d'ouvrir ma gueule... même si je me foutrais de la sienne... même si je ne lui montrerais que de l'indifférence. Mais toi, tu n'es pas obligée de faire comme moi... Au contraire, suis ce que je t'ai dit. C'est ce qui marchera probablement dans la plupart des cas.
— Diana... Tu veux foncer droit dans le mur où ça se passe comment ? me demanda-t-elle sérieusement.
— Pardon ?
— C'est un peu l'impression que j'ai. Et j'arrive pas à croire que je suis la seule à te le faire remarquer.
Je la fixai, sans dire un mot. J'avais un peu de mal à assimiler ce qu'elle venait de me dire. Elle s'inquiétait sincèrement pour moi et j'avais rarement vu cette émotion dans le regard de quelqu'un. Il était peut-être temps que je me pose pour y réfléchir sérieusement.
— Peut-être que je vais me tromper sur ce que je vais te dire... Parce que, après tout, on ne se connaît pas vraiment... Et on a passé plus de temps à se détester qu'à s'apprécier.
Elle reprit une brève inspiration, comme si elle peinait à chercher ses mots. En tout cas, cette discussion serait douloureuse pour chacune de nous deux.
— Je te voyais avant comme la traînée du lycée, celle qui sautait tout ce qui bouge. Je t'insultais autant que les autres sans m'être intéressée à toi. Mais maintenant, je commence à voir les choses autrement. Je vois que tu es le genre de personnes qui s'autodétruisent très facilement et qui savent que c'est la merde et vont quand même y aller. Et je me demande si ce n'est pas parce que c'est tout ce que tu connais, parce qu'on ne t'a jamais donné l'occasion de faire autrement. Que ce soit avec ta famille... ou encore avec Damon...
Je l'écoutais et je n'étais plus capable de prononcer le moindre mot. Je ne savais même plus comment je devais réagir à de tels propos.
— Si j'ai réfléchi à tout ça, c'est parce que je me demandais comment j'ai pu me faire avoir par Damon. Mais ma famille et mon entourage m'ont appris à être contrôlée, à subir, mais d'une autre manière que toi. Damon me contrôlait et il savait que j'allais facilement plonger dedans... Et toi, on t'a appris à souffrir et à l'accepter.
Je baissai mon regard un instant. J'aurais espéré trouver des mots aussi justes que les siens et au lieu de ça, je me contentai d'un simple "Wow", ce qui était assez lamentable par rapport à ce qu'elle venait de me dire.
— Mais ça te vient d'où tout ça ? demandai-je maladroitement.
— Depuis peu de temps... Et j'y ai un peu réfléchi pendant le match. Je me disais qu'on n'était pas si différentes tous les deux dans le fond...
— Ouais... Peut-être qu'on n'a pas qu'un connard en commun toutes les deux, plaisantai-je pour masquer ma gêne.
Elle m'adressa un timide sourire.
— Donc je suppose que le plan est annulé ? demanda Hikaru en nous regardant à tour de rôle.
— J'espère pour toi, me lança ma copine d'un air un peu trop sévère.
— D'accord ! Le plan est annulé ! Totalement annulé ! Et on va rester sur la première option : on l'ignore. Mais s'il tente de nous parler, est-ce que je peux le tabasser ?
— On va avoir des problèmes si tu fais ça, m'avertit Hikaru.
On s'échangea toute un regard complice. Hikaru et Lucine rejoignirent les gradins alors que j'avais demandé à Rachel de rester un peu avec moi.
— De quoi tu veux me parler ? s'enquit-elle. Tu veux reparler de ce que je t'ai dit ?
— Je me disais qu'un câlin nous ferait du bien à toutes les deux... Enfin, si tu le veux.
— Pourquoi pas.
Elle me tendit ses bras et je me jetai vers elle. Toute la haine qu'on avait l'une envers l'autre n'existait désormais plus, aussi surprenant soit-il. Je ne pensais pas qu'un jour on se retrouve dans une telle position. Encore une fois, le destin m'étonnait. Je ne pouvais vraiment plus me fier à rien... Mais ce n'était pas plus mal ainsi.
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Le Spleen du Cygne
Teen FictionLe quotidien de Diana Kane alterne entre les querelles avec les professeurs - pour lesquelles elle n'est jamais punies - et les autres élèves du lycée qui ne se gênent pas pour juger le moindre de ses faits et gestes. Pour la plupart, Diana est une...