Lettre du 15 décembre 1937

91 18 83
                                    


[Hello, hello, oui un petit mot avant de débuter la lecture parce que, hé, au bout de deux mois vous ne devez plus vous souvenirs de grand chose. Bref dans la lettre précédente rien de très folichon, Sean y parle des guerres, de son inquiétudes pour Louise, de Claus et de son nouvel ami. Il semble avoir trouvé en Clayton un espèce de journal intime, même s'il dit ne pas envoyer les lettres.]


15 décembre 1937,


Clayton,

Depuis quand ne t'ai-je pas écrit ?

La dernière fois il pleuvait, aujourd'hui la neige tombe. La dernière fois les feuilles commençaient à chuter, aujourd'hui elles ornent toutes le sol. La dernière fois, tu me manquais sans que je n'ose me l'avouer, aujourd'hui, tu me manques, et j'ose enfin l'écrire.

Pour t'oublier, j'ai été doué.

Je t'oubliais tout le temps.

Tu n'étais jamais dans mes pensées.

Et parfois tu les envahissais.

Sans prévenir.

Tu débarquais.

Tu ne devrais pas faire cela, tu sais ? Frappe au moins avant d'entrer. Ne me prends pas par surprise, comme ça. Au théâtre, j'étais bien, envahi par la pièce, et te voilà qui chois sur le fauteuil d'à coté. Chez moi, en train de donner des cours d'anglais à Claus et Hégésippe, encore toi, qui t'effondre entre eux deux sans crier gare et qui me regarde en souriant. En écrivant, arrachant mes vers d'une actualité trop cruelle, que fais-tu là, penché sur moi ?

Aurore.

Toi.

Sur mon lit.

Midi.

Toi.

Sur le pavé.

Soirée.

Toi.

Sur mon chemin.

Nuit.

Toi.

Sur mon cœur, mon âme, ma vie.

N'en as-tu pas assez ?

De tous les piétiner ?

Et ce matin.

C'était ce genre de matin, trop doux pour le rester.

Il faisait beau. Derrière mon vasistas le ciel était d'une infinité de bleu, paré d'or aux endroits où le soleil pointait. Il faisait froid, je le savais, mais dans mon chez-moi, la chaleur régnait. Vite, j'ai couru chercher le journal, vite, je suis remonté. Je me suis attablé, mon bol rempli de café au lait, mon pain recouvert de miel, le visage baigné de vapeur et de douceur.

J'étais bien.

Et puis j'ai ouvert le journal.

Même pas.

Cela aurait créé un effet des plus dramatiques.

Moi ouvrant le journal en grand et tombant sur une horrible nouvelle qui aurait fait s'écarquiller mes yeux et s'ouvrir ma bouche.

Hymne à nos masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant