20. L'Ile de la Désolation (Partie 2)

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Quelques longues minutes plus tard, ils étaient tous les trois assis, serrés les uns contre les autres, devant un maigre feu de camp. Roxane s'était ressaisie et avait calmé ses pleurs, mais elle tremblait toujours de peur.

-Il venait vers nous, murmura-t-elle dans un souffle à peine audible. Il allait tout droit dans notre direction. Il sait qu'on est là. Il nous a entendus entrer. Il va venir. Il va entrer et...

-Calme-toi, dit Alexandre d'un ton qui se voulait à la fois ferme et rassurant. Peu importe de quoi il s'agit, cette créature ne pourra pas entrer, on a barricadé la porte...

Il n'était pas du tout convaincu par ses propres mots mais ne voulait pas paniquer davantage. Il savait que Roxane avait raison, lui aussi avait compris que la chose se dirigeait droit vers eux. N'ayant pas exploré la maison, rien ne lui prouvait qu'on ne pouvait pas y entrer aisément. Et vu l'état des autres, celle-ci devait être ouverte aux quatre vents et la créature n'aurait qu'à trouver un chemin pas trop encombré pour les rejoindre.

S'ils devaient faire face à cette chose – car il y avait de grandes chances que ce soit le cas – autant le faire en pleine lumière. Avec un peu de chance, la créature aurait peur du feu et se tiendrait à distance tant que les flammes danseraient, peut-être jusqu'à ce que le jour se lève. Mais le jour se levait-il vraiment sur l'Ile de la Désolation ? Ou peut-être encore que la chose était en réalité un Ange et qu'elle les poursuivait afin de leur remettre la prophétie ? Non, Alexandre n'avait pas besoin de se leurrer, il savait pertinemment que les Anges avaient un repère qu'ils ne quittaient jamais.

Eyron, quant à lui, essayait d'analyser l'endroit où ils se trouvaient. La pièce n'était pas très grande et les restes d'une décoration et d'un ameublement antiques la tapissaient. Une petite salle à manger sans doute. Les années passées pesaient lourdement sur le mobilier, et Eyron était certain que tout partirait en poussière s'il ne faisait que l'effleurer. C'était un miracle que tout tienne encore.

Il y avait une toile attachée au mur, du moins, certains pans de la toile subsistaient encore, mais le temps avait effacé toute trace d'encre, ne laissant que des taches brunes par endroits. Les meubles étaient brutes, ornés d'aucune fioriture : ils n'étaient pas là pour faire beau, seulement pour leur usage. Une table, trois chaises et ce qui ressemblait étrangement à un berceau. Oui, un berceau, au fond duquel reposaient les restes en lambeaux de draps blancs brodés, magnifiquement décorés. Et sur la table, des verres et des assiettes en pierre, encore sales malgré le temps passé, et un os blanchi en travers d'un grand plat. Les habitants avaient dû quitter leur maison à la hâte, sans prendre le temps de finir leur repas, et n'étaient jamais revenu. Que s'était-il passé ici ? Pourquoi l'île était-elle maudite ? Les habitants de l'île étaient certainement morts des millénaires auparavant. Personne ne saurait donc jamais quel était le secret de cet endroit...

-Si nous sortons vivants de cette ruine, se promit Eyron, je demanderai aux Anges ce qu'il en est. Eux doivent savoir.

Un courant d'air souleva les rideaux miteux quasi inexistants encadrant une fenêtre détruite et à nouveau, le cri plaintif et terrifiant de la créature se fit entendre. Juste sous la fenêtre.

Alexandre fut plus rapide que Roxane et se jeta sur elle, la bâillonnant avant qu'elle n'ait pu laisser échapper le moindre son. Eyron se resserra un peu plus contre eux et chuchota, tremblant :

-Et maintenant qu'il nous a retrouvés, qu'est-ce qu'on fait ?

-On se tait et on attend, répondit Alexandre tandis qu'il relâchait sa prise sur Roxane. J'espère seulement qu'il va passer par la porte et non la fenêtre, car dans ce cas-là, le feu ne pourrait pas lui faire obstacle.

2. Le chemin des dieux [Version non corrigée]Where stories live. Discover now