2. Le chemin des dieux [Version non corrigée]

28. Tous les livres d'histoire

Roxane se pencha en avant, appuyée contre le bastingage de la trirème commerçante dont les voiles gonflées par les vents marins chargés d'iode étaient peintes aux couleurs du Sénat. Des blocs de glace blanche de taille variables scintillaient sous le soleil d'hiver, se laissant nonchalamment porter par le courant. La proue du navire fendait l'eau bleu glacier à sa vitesse de croisière mais ne tarderait pas à ralentir.

-Huit nœuds ! hurla le timonier. Le Petit Continent se rapproche ! préparez-vous à replier les voiles !

Le Petit Continent ! Roxane n'en revenait pas : elle allait enfin tenir sa promesse et retrouver Rubis.

Leur expédition dans le port marchand avait été un échec total. Certes, elle ne pouvait nier les bienfaits prodigués par l'auberge dans laquelle ils avaient passé la semaine, attendant le départ du prochain navire vers le continent de glace. Dormir sous un toit, entouré par quatre murs, dans un lit sommaire pourvu d'un matelas, d'un drap, d'une fourrure et d'un oreiller près d'un âtre crépitant avec un véritable repas dans le ventre était un luxe que le trio s'était rarement vu offrir lors de leur périple.

La jeune fille avait aussi pu profiter de sanitaires rudimentaires mais bienvenus. La sédentaire qu'elle avait été tout au long de sa vie avait encore du mal à s'adapter à ce mode de vie nomade et ce qu'il impliquait.

Le premier jour dans le port, après une bonne nuit de sommeil dans une chambre miteuse dont la fenêtre mal isolée laissait pénétrer des odeurs de sel marin et de poisson mêlées au cri strident des mouettes et des goélands qui se joignait au chœur cacophonique émanant du marché aux crustacés installé non loin, ils avaient tenté de retrouver Merlin. Eyron les avait conduits jusque dans la ruelle sinistre aux échoppes barricadées om il avait rencontré le magicien mais ils y avaient trouvé sa boutique entièrement retournée et vidée de tout objet de valeur. La boule de cristal, brisée, gisait au milieu de coussins éventrés sur un tapis de plumes d'oie grises.

–On dirait que ton Merlin a plié bagage, avait soufflé Alexandre. Nous ne trouverons pas la moindre information ici... Tout a été saccagé... Arthur avait raison, il a toujours répété que cet enchanteur était un charlatan et un incapable dont on ne pouvait rien tirer. Un diseur de bonne aventure qui s'était acoquiné avec des puissances supérieures afin de se faire bien voir.

–Arthur ? s'était ébahie Roxane. Comme dans le roi Arthur ? Avec Excalibur et les chevaliers de la table ronde et leur quête du Graal ?

–Mais oui, lui-même. Il réside actuellement à la Maison des Héros Disparus. Il prétend avoir trouvé le Graal mais de toutes ses aventures chevaleresques, c'est la seule qu'il refuse de conter, à qui que ce soit. Et je te garantis que bien des curieux se sont essayés à lui extorquer la vérité mais il n'a encore jamais cédé. Il prétend que l'expérience a été traumatisante et qu'il est tenu au secret par un serment inviolable. Il assure aussi que l'objet a été détruit après avoir accompli son œuvre. Bien entendu, aucun autre chevalier de ladite table ronde n'est encore en vie pour témoigner. Seul Merlin aurait survécu, grâce à ses amis « puissants ».

–Alors il faudra que nous rendions une petite visite à ton ancien colocataire lorsque notre expédition sera terminée, avait affirmé Eyron.

–Regardez ce que j'ai trouvé ! s'était écriée Roxane qui avait continué d'explorer les lieux tout en prêtant une oreille attentive au récit de son ami. Venez voir dans la cour !

Alexandre et Eyron s'étaient précipités dans sa direction pour découvrir leurs chevaux attachés à une mangeoire près un abreuvoir. Une petite lettre pendant au cou de l'un d'eux.

« Eyron. J'ai dû partir dans la précipitation rejoindre Merlin pour une affaire urgente, le magasin est retourné de mon fait. Je te rends tes chevaux, rassure-toi, j'en ai pris grand soin. Prend bien garde à l'amulette et ne la montre à personne, pas même à tes amis. »