23. Au nom du père (Partie 1)

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L'homme à la peau de loup profita d'une éclaircie pour ressaisir sa prise. Escalader Yggdrasil n'était pas une chose aisée, le faire de nuit l'était encore moins. Avoir la tête couverte par la peau d'un loup mort ne lui facilitait pas non plus la tâche. Heureusement pour lui, ce soir-là, la lune était pleine, et son disque argenté faisait doucement briller les feuilles métallisées des grands arbres qui l'entouraient. A cette heure de la nuit, la grand place était totalement déserte, les Elfes les plus aisés participant à de grands banquets qui pouvaient durer jusque tard dans la nuit, et le bas peuple déjà endormi ou s'activant dans son atelier pour les artisans. Personne pour venir lui causer de problèmes.

Evidemment, escalader Yggdrasil était un sacrilège, crime d'autant plus grand qu'il n'appartenait pas à leur race. Mais il avait une mission et elle était bien plus importante que les mœurs de ce peuple arrogant. L'homme devait à tout prix rejoindre la Grand Prêtre des Elfes, qui logeait au plus haut parmi les feuillages, sachant d'avance que leur rencontre lui déplairait.

Il avait presque atteint le sommet et une vue panoramique incroyable sur la vaste forêt environnante s'offrait à lui. L'homme devait reconnaître que c'était bien la plus belle qu'il lui ait jamais été donnée de voir. Il resta ainsi quelques instants à contempler les éclats d'argent et d'or des arbres, parfois masqués furtivement par le passage d'un animal certainement tout aussi féérique que le décor qui l'entourait. Oui, il fallait dire que le cœur de la magie était resplendissant. Devant tant de beauté, Yggdrasil, la source même de la magie sur Galaxy, paraissait fade, bien qu'il surplombe, et de loin, les arbres déjà immenses qui composaient la forêt. L'arbre-monde avait une écorce brune et des feuilles d'un vert éclatant, pâle devant la luminosité irréelle du reste de Phloraa, mais il était d'une majesté sans égale et d'une simplicité imposante.

Nul, excepté le Grand Prêtre des Elfes, ne savait quels secrets recelaient ses immenses branchages ne laissant transparaître la lumière du soleil, Maa, qu'une fois tous les six cent soixante-six ans. Yggdrasil était une véritable entité, un géant de sève et d'écorce qui veillait sur ce monde depuis l'aube des temps, depuis la formation de la planète, source de savoir et de connaissances infinitésimales qui ne partageait sa science qu'avec un seul être. Et l'homme à la peau de loup n'allait pas tarder à le rencontrer.

Escaladant le dernier mètre qui le séparait de ce qu'il supposait être la cime de l'arbre, l'homme à la peau de loup reprit tranquillement son souffle, et se demanda comment il allait retrouver Akhtantra. Il eut un bref moment de panique. L'arbre était si vaste qu'il pouvait s'y perdre, y passer l'éternité sans jamais trouver le prêtre, ni la sortie, ni ce qu'il cherchait. Son angoisse fut de courte durée. Une haute et fine silhouette se découpa de l'ombre dans laquelle elle semblait l'avoir attendu.

L'Elfe s'avança jusqu'à lui, une lanterne semblant s'être allumée d'elle-même dans sa main.

– Vous avez blessé Yggdrasil, dit-il simplement de sa voix de vieil homme, tentant de deviner ses traits sous la peau qui lui masquait le visage.

L'étranger baissa le regard jusqu'à sa propre main qui tenait un poignard, dégoulinant de sève, dont il s'était aidé pour escalader l'arbre. Confus, il l'essuya sur sa tunique avant de le ranger prestement, bredouillant de plates excuses. L'Elfe ne releva pas et l'invita, d'un mouvement du menton, à le suivre parmi les branchages. Sans ajouter un mot, car il se savait criminel, l'homme à la peau de loup le suivit, essayant d'apercevoir sur son passage un détail d'un quelconque intérêt.

Dans ce domaine, l'homme se savait vulnérable, et, pour l'une des rares fois dans sa vie, il n'était pas le maître de jeu et ne pouvait se soumettre qu'à la volonté du Prêtre.

2. Le chemin des dieux [Version non corrigée]Where stories live. Discover now