◊ Chapitre 1 ◊

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La politique établie par le Fondateur était une merveille que personne ne pouvait contester. Ses ancêtres nous avaient libérés d'un mal qui rongeait les populations il y a de cela plusieurs centaines d'années. L'agonie qui infectait notre Terre avait été soignée par leurs actions, apportant à nouveau joie, bonheur et couleur à ce monde déchu. Depuis, c'était le fils de la famille qui avait pris la relève à la mort de son père. La cérémonie d'attribution avait, d'après les dires et documents, été grandiose.

Leur lignée était particulièrement puissante et vénérée au sein de notre société et nous leur devions la vie. Nous leur devions la survie de l'humanité toute entière. Oui, sans eux, nous n'étions rien, un amas de poussières fumantes sous le chaos des méandres planétaires.

Euclenia, capitale des cités héritage du Nouveau Monde, avait offert une réhabilitation de nombreuses terres. Des avancées technologiques majeures avaient été faites, ce qui permit au monde de mieux se porter, et la sécurité avait été considérablement augmentée pour créer une ville où régnaient paix et harmonie. Il n'y avait plus de crimes, de guerres ou encore de différences entre les peuples : nous étions tous égaux et vivions dans un équilibre parfait, sans comparaison, sans jugement d'autrui. Le Fondateur avait bâti une société à son image, une utopie soignant notre planète des méfaits de l'ancienne civilisation.

— Je crois qu'il revient à lui. Il a arrêté son discours machinal.

— Où, où suis-je ? prononçai-je avec confusion.
Ma bouche était pâteuse, et mes membres engourdis.

— Tu es dans une des voitures automatisées de la ville, on te ramène chez toi petit. Tu te sens bien récemment ? Ce que tu nous as fait est anormal.

Divaguant sur les interrogations, je rétorquai :

— Quel jour sommes-nous ?

— Eh bien, (il sembla pris de court), eh bien nous sommes le 24 avril 268 enfin. Tu savais ça, n'est-ce pas ? s'inquiéta le garde, son grain de voix déconcerté par la situation.

— Oui, bien sûr Officier, je voulais en être certain... merci.

Dix ans déjà... Voilà maintenant une décennie que ma grande sœur, Cassie, m'avait été enlevée. Dix ans que la maladie infectieuse sommeillant dans son génome s'était déclarée soudainement. Dès lors que le diagnostic tomba, la contagion était le risque qui bouleversa les autorités, mit de la crainte dans le cœur des habitants et dévasta notre famille.
Elle était nettement plus âgée que moi et avait disparu à l'orée de ses seize ans. Aujourd'hui, je n'avais plus qu'une vague trace d'elle. Les traits de son visage s'estompaient petit à petit de ma mémoire, remplacés par des souvenirs plus récents et j'en étais désolé. Je ne voulais pas perdre le peu d'images qu'il me restait d'elle, je ne pouvais pas me le permettre, mais je demeurais impuissant.

C'était une personne dont j'étais particulièrement proche et, quand elle fut enlevée, à ma famille et moi-même, le choc m'avait renfermé sur mon être. Je m'étais créé une bulle où plus rien ne pouvait m'atteindre, où aucune émotion ne passerait, où plus rien ni personne ne serait capable de me faire du mal.

Ce virus mortel, bien qu'il eut été à sa première phase, lui provoquait des troubles du comportement, des délires et de fortes fièvres. La voir dans cette condition nous avait laissé, à tous, des marques indélébiles. Le gouvernement nous avait annoncé qu'ils allaient tout faire pour essayer de la soigner au moment où ils étaient venus l'arracher à nos bras dépités. Mais lorsque le stade dix avait été atteint et que toute l'équipe médicale avait été réduite à l'état de cadavre par ses mains, tout était trop tard. Cassie était la plus douce et bienveillante, et cette bactérie l'avait dénaturée. Elle avait donc subi la Renaissance, processus qui lui permettrait de réintégrer un nouveau corps, lui donner une seconde chance dans la vie. Malgré cela, j'avais perdu une sœur, la Renaissance ne laissait pas passer les souvenirs d'une ancienne enveloppe.

- Les Éveillés - I. La PromotionWhere stories live. Discover now