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Le corps dominé par la douleur, je me réveille. J'ouvre les yeux et, sans réfléchir, je tente à nouveau de desserrer les liens qui me retiennent par les poignets et les chevilles aux tuyaux de plomberie, en vain. J'ignore tout du lieu où je suis et depuis combien de temps je m'y trouve, mais assez longtemps pour m'être rendue à l'évidence : jamais je ne sortirai d'ici.
Pas vivante.

Il fait si sombre ; si je peux discerner l'espace, c'est seulement grâce à l'épais faisceau de lumière qui traverse la pièce – cette cave vide – via une toute petite fenêtre carrée et les rayons provenant de la porte.
Il m'est strictement impossible de hurler, à cause du gros scotch noir qui me recouvre la totalité de la bouche.

Il a l'intention de me tuer, j'en suis sûre. M'ouvrir la chaire petit à petit. Blessure après blessure. Son objectif premier n'est pas de me voir mourir – du moins, pas si vite –, non, ni même d'abuser de moi, autrement, il l'aurait déjà fait : sa seule volonté, c'est de me voir souffrir. Mais pourquoi ? C'est ce que je me demande sans cesse.
Je me répète en boucle : Garde les yeux ouverts, garde les yeux ouverts. Il faut que je trouve un moyen de sortir d'ici. Si je m'évanouis cette fois-ci, c'est terminé...

Comme si cela allait me sauver la vie.

Malgré la chaleur étouffante qui se fait sentir dans ma prison, une sueur froide recouvre mon corps nu. Je tremblote, je suis gelée. Je me sens comme malade. Des traînées de sang séché ont imprégné le béton du sol sous mes pieds : j'en ai déduit que je ne suis pas la première à être tombée au cœur de ce piège sinistre. Y penser ne fait que renforcer mon sentiment d'horreur.
L'idée même de mourir me glace d'effroi. À la pensée d'une mort imminente, une émotion nouvelle monte en moi. Ce n'est ni de la panique, ni du désespoir, ni de la peur. Rien de tout cela.
Un sentiment encore inconnu.
L'homme dont je n'ai jamais vu le visage est parti. La porte restait toujours close jusqu'à son retour. Il revenait toujours, dans le seul but d'y exercer ses sévices.

Un rire carnassier que je connais comme ma poche se fait entendre derrière cette même porte. J'entends le bruit de son trousseau de clés, puis je vois la porte qui s'ouvre doucement devant lui. Il a cette longue et fine lame bien aiguisée dans une main, et un gros couteau de cuisine que je n'ai encore jamais vu dans l'autre.
L'homme ricane en s'approchant de moi. Il prend toujours son temps, avec moi. J'ai envie de le supplier de me laisser partir mais je ne peux pas. Je n'y parviens pas. Je n'en trouve pas la force.
Il est habillé tout en noir. Il ne quitte jamais sa cagoule qui dissimule sa tête en permanence. Je ne peux m'empêcher de me dire qu'il ressemble à un corbeau. Un mauvais présage. Un présage de mort.
Je n'ai pas le temps de réagir ; je m'entends hurler de douleur. Je sens cette lame si familière me transpercer les moindres recoins de mon corps.

LE SANG DES ROSESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant