29. Mon enfant...

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Après de longues heures à me tordre sur la couche, maintenue par Geoffroy, rafraichie par Lison, et encouragée par Agnès, cette dernière finit par déclarer d'une voix émue :

« - Je le vois, mademoiselle. Il va falloir m'écouter, et pousser lorsque je vous le dirai. »

A bout de forces, écrasée par la fatigue et la terreur, je réagis à peine. Les yeux fermés, bercée par mon frère, je tentais de tout oublier. Je ne voulais plus souffrir...

A travers la brume de mon découragement, je l'entendis soudain qui s'exclamait :

« - Allez-y, poussez ! »

Sans que je ne le contrôle, je sentis mes muscles se bander, et me contractai de toutes mes forces. Un gémissement de douleur mourut dans ma gorge alors que j'ouvrais les yeux en me redressant. Geoffroy serra ma main dans la sienne, me laissant agripper ses doigts pour les broyer dans une étreinte douloureuse. De l'autre côté, Lison me soutenait le bas du dos, et me rafraichissait la nuque.

A bout de souffle, mon corps se détendit de lui-même, à l'instant même où Agnès secouait la tête :

« - Arrêtez. »

Son ton était froid, mais elle tempéra par un regard satisfait :

« - Vous vous en sortez très bien, mademoiselle. Une vraie reine. »

A ces mots, mon cœur s'emballa, et je crispai mes doigts sur ceux de Geoffroy. Louis n'était pas là, je n'avais pas eu de nouvelles du messager qui était allé lui transmettre le message. Aussitôt, mon frère embrassa ma tempe :

« - Respire, Lottie. Il est sûrement en route, je le sais. »

J'acquiesçai, comme détachée de mon corps. Je ne savais plus ce que je voulais, où j'étais, ni qui était avec moi. Encore une fois, j'étais repartie dans les brumes de l'épuisement. Ma tête bascula en arrière, tandis que je fermais les yeux. Les voix de Lison, de Geoffroy et d'Agnès me parvenaient comme assourdies.

Plusieurs fois encore, mon corps se contracta de lui-même, m'arrachant des cris de douleur et des sanglots lassés. Et à chaque fois, je retombais après dans une sorte de demi-sommeil vide de tout. Je ne sais combien de temps passa. Je ne voulais pas le savoir. Je voulais juste que tout s'arrête, que je cesse enfin de souffrir.

Soudain, alors que j'étais en train de me contracter en gémissant de douleur, je sentis quelque chose glisser hors de moi. Un dernier cri m'échappa, avant que je ne m'écroule sur les oreillers, dans les bras de Geoffroy, vidée de forces.

Mais en entendant un cri, je me sentis poussée par un vif instinct de conservation. Je repoussai à tâtons mon frère pour me redresser, le cœur battant, les cheveux trempés de sueur et retombant devant mes yeux. Et mon cœur se gonfla d'un brusque amour lorsque j'aperçus un petit être braillant dans les bras d'Agnès.

Celle-ci était occupée à couper une sorte de cordon qui était relié au ventre de mon enfant. Lorsque ce fut fait, elle s'empressa de l'essuyer avec des draps, faisant preuve d'une douceur qui provoqua en moi une brusque et surprenante jalousie. Sans pouvoir me contrôler, je tendis les bras vers mon enfant, le cœur battant, et murmurai d'une voix rendue rauque par mes cris répétés depuis des heures :

« - Mon... Mon enfant... »

Aussitôt, l'accoucheuse tendit prudemment l'enfant, devenu silencieux et enveloppé dans un linge propre, à Lison, avant de venir vers moi. Des larmes me montèrent aux yeux, et je bredouillai :

« - Mon bébé...

- Patientez juste quelques instants, mademoiselle. Je vais vous retirer votre chemise. »

Deux sœurs pour un roi (Tome 2) ✅Where stories live. Discover now