Chapitre 27

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Klein finit de me déshabiller et jette ce qu'il reste de mes vêtements par terre. Il descend ensuite son caleçon jusqu'à son pantalon encore entortillé autour de ses genoux, et s'agenouille devant moi. Ses mains tremblantes se posent contre mes cuisses et remontent doucement au fur et à mesure qu'il s'étend sur moi.

Et la voix! la voix dans ma tête essaie de me secouer, de me faire réagir. Elle hurle, elle rue, si elle pouvait frapper elle le ferait ; mais elle est emprisonnée. Je ne suis que passagère dans mon propre corps. Je vois sans pouvoir agir, j'ai beau me battre, je sais que je ne peux pas me soustraire à son emprise. Je ne pourrai pas l'en empêcher. Et est-ce que je veux vraiment l'en empêcher ? N'est-ce pas la récompense de ma soumission ?

Klein passe ses mains sous mes cuisseset me soulève légèrement en m'attirant vers lui. Je ne crie pas, je ne dis rien, je ne fais aucun bruit. Deux larmes glissent le long de mes tempes et se perdent dans les draps juste à temps pour qu'il ne puisse pas les voir ; je ravale les suivantes pour ne pas le mettre en colère.

Je le sens bouger mais je ne suis plus là. Je ne ferme pas les yeux, je me concentre sur les fissures au plafond pour oublier la sensation de son visage enfoui dans mon cou, son souffle chaud contre ma peau, ses doigts glacés enfoncés dans ma chair.

Je me mords les lèvres pour ne pas pleurer, j'ai trop peur de ce qu'il pourrait faire s'il me voyait fondre en larmes. L'humiliation dure plusieurs minutes, plusieurs longues minutes qui me paraissent des heures. Après avoir touché chaque parcelle de mon corps, Klein finit en éructant un grognement plus sourd que les autres.

Je ne bouge pas quand il se retire en ahanant bruyamment. Je ne bouge pas quand il s'allonge sur le dos à côté de moi. J'ai juste assez de force pour garder les yeux grand ouverts. Maintenant que l'ordre est réalisé, je ne tremble plus que d'une envie : m'échapper. Mais ce qui est insupportable, c'est de me souvenir que, contrainte, je devais le laisser faire.

« Va dans ta chambre maintenant, Aloïse », ordonne Klein d'une voix déjà endormie. Je me lève du lit, me rhabille silencieusement et sors de la chambre. La porte était complètement ouverte. Je la ferme derrière moi.

En remontant le couloir dans le sens inverse, je passe devant la chambre du docteur Moore. J'hésite à m'arrêter, puis finalement, je renonce. Ce qui m'arrive n'est pas son problème. Je rejoins ma chambre par la cour que je traverse dans le noir. Carrie n'y est plus mais une flaque sombre de sang s'imprègne lentement de poussière là où elle était étendue quelques instants plus tôt. Je presse le pas.

Je ne vais pas au lit tout de suite : assise contre la paroi de la douche, les genoux remontés jusqu'à mon menton et mes bras enroulés autour des jambes, je laisse l'eau chaude dégringoler le long de ma peau. Le savon ne suffit pas à me nettoyer ; j'ai beau gratter avec mes ongles, sa marque sur moi est toujours là.

Alors je m'assieds et j'attends. Je ne pense à rien, je regarde l'eau tourner avant d'être engloutie dans la bonde. Je ne pleure plus.

Il me faut toute ma force pour sortir de la douche, plus encore pour m'habiller et entrer dans ma chambre. J'appuie sur la sonnette d'alarme pour mon infirmier et je lui demande un médicament pour dormir. Sans se douter de rien, ou peut-être fait-il semblant, il m'en trouve un que j'avale immédiatement avant de me mettre au lit. Je n'aurais pas pu m'endormir sans.

Les jours qui suivent sont d'inlassables répétitions de celui-ci. Klein ne veut plus que Carrie et moi soyons amies, alors il nous force à nous affronter jusqu'à ce que l'une d'entre nous s'effondre sans plus pouvoir se relever. La perdante est transportée dans sa chambre et guérit pour être prête à recommencer.

Au début, j'ai systématiquement fait exprès de perdre, parce que je me suis rendue compte que pour aider la guérison, Klein me laissait tranquille. Quand il l'a réalisé, il m'a faite comprendre que je n'avais pas intérêt à continuer.

CerberusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant