Chapitre 76

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Assit dans son rocking-chair, Emilio nous parle avec enthousiasme de ce que repésente El dia de los muertos à ses yeux. Et c'est avec beaucoup de sagesse qu'il nous raconte que cela signifie qu'on se rappelle l'amour et l'amitié sous toutes ses formes. Les offrandes disposées sur les autels sont pour se souvenir et pour montrer qu'on oublie pas, qu'on oublie jamais. Ainsi, grâce aux offrandes, les défunts sont accueillis dans ce monde avec les meilleurs sentiments et repartent dans les meilleurs conditions, emportant avec eux nos souvenirs heureux. De temps en temps, je jette un regard discret vers Alec qui a l'air déconcerté parce qu'il raconte. Emilio se tourne vers Alec et le regarde dans les yeux; "C'est pas une mort amère, quelque chose qui doit nous rendre triste, c'est une douce continuation du cycle de la vie et il faut l'accepter sinon ils ne seront jamais heureux dans l'après monde." Alec fronce les sourcils et détourne le regard, l'air emprisonné dans un sentiment qu'il ne semble pas comprendre lui même et je me sens mal de le voir ainsi. 

-La saudade, dit Emilio en plongeant son regard cette fois-ci dans le mien.

Je me redresse alors qu'une sueur froide parcours mon corps tout entier. Je déglutis et réfléchis longuement avant de lui demander ce que cela signifiait. Il sourit légèrement et se pousse doucement avec son pied pour se balancer sur son fauteuil. La Saudade, a-t-il dit, c'est un sentiment d'impuissance, de chagrin, et d'un manque indéfinissable causé par l'absence de ceux qui sont loin ou qui ont disparus de nos vies. Il a dit que c'était intraduisible dans une autre langue. Involontairement, des images de mes parents reviennent à la surface, alors que je ne le voulais pas. Une larme allait couler quand soudainement Alec frappe dans la lampe sur la petite table en bois à coté du canapé, qui s'éclate contre le sol dans un lourd fracas. Je sursaute et pose instinctivement ma main sur ma poitrine.

-C'est des putains de conneries, dit-il avant de quitter brusquement la maison en claquant la porte à en faire trembler les murs.

Finalement, la larme coule et finit son chemin le long de mon cou. Je me lève et me tourne vers Emilio pour m'excuser mais il me sourit et me fait signe de me calmer de la main.

-Je savais qu'il réagirait ainsi, je ne lui en veux pas, c'est à cause de sa peine.

Sa petite voix tremblotante me rend curieuse, mais au lieu de lui demander ce qu'il voulait dire par là, mon corps m'attire vers Alec comme un aimant. Je le rejoins à l'extérieur et le cherche du regard pendant quelques secondes jusqu'à ce que je l'aperçoive assit sur le muret derrière la maison, sous un saule pleureur. Je prend une grande inspiration et avance lentement vers lui. Il me regarde, sa clope entre les lèvres et son air nonchalant, la brise s'engouffrant entre chacune de ses boucles. Je me pince les lèvres et m'assois silencieusement à coté de lui.

-Pourquoi tu ne m'a pas dit pour ta mère et ton oncle ? Demandais-je timidement.

Je fixe mes pieds, tapant les talons de mes baskets l'un contre l'autre.

-Quelle importance ? Dit-il en tirant sur sa cigarette avant de la jeter d'une pichenette.

Sa clope s'éteint dans les graviers à quelques centimètres de mes pieds et je soupire, ne sachant pas exactement quoi lui dire. Il a l'air si perdu et moi je me perds en cherchant mes mots. Alors  d'une voix la plus douce et basse possible, je prend mon courage à deux mains.

-Il faut que tu arrêtes de penser qu'elle est morte à cause de toi Alec. 

Il lève la main pour me stopper net, ce qui me surprend.

-Ne commence pas, dit-il fermement. Je ne veux pas parler de ça avec toi, et encore moins quand tu prends ta putain de voix mielleuse pour essayer de m'attendrir.

INCANDESCENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant