Chapitre 14

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Je suis dans du coton. Ma poitrine est contractée d'un étau; tous mes sens sont engourdis. Je recule de quelques pas, faillant tomber par manque d'équilibre. Comme somnambule, je déambule dans les couloirs de la résidence jusqu'à ma chambre. J'y entre doucement, étrangère à mon propre corps. J'ai l'impression que mon âme est dissociée de mon enveloppe charnelle. 

Je m'assois sur le bout de mon lit, les genoux repliés contre ma poitrine. Je sens mes mains trembler. Le contact glacial de mon téléphone est comme un choc électrique. Un frisson me parcourt. Des larmes coulent sur mes joues, mon corps tout entier est secoué. Mon monde vient d'éclater. Que vais-je faire si Drew aussi pense cela ? Mes doigts parcourent seuls mes contacts. Rapidement, j'arrive au nom de mon copain. L'écran change. Comme si quelqu'un d'autre écrivait pour moi, un message à Drew s'envoie. Notre rendez-vous est annulé. 

Je m'allonge; quelques minutes peut-être, une demie-heure qui sait. Le plafond semble très intéressant désormais. Bip. Je garde mon regard fixé dans les airs. Bip. Il fait froid. Bip. Mes larmes sèchent et me laissent un goût salé sur les lèvres. Bip. Métallique aussi. Une douleur résonne dans ma lèvre inférieure. Bip. 

Ma voix intérieur me hurle de faire taire mon téléphone. Je l'agrippe, prête à le jeter par la fenêtre. Drew m'a envoyé une dizaine de messages. Mon coeur veut exploser. J'en ai assez. Pourquoi personne ne veut me laisser tranquille !

J'ai l'impression de revivre l'humiliation du cours de Mme Petrovska, mais en pire... 

De l'autre côté de la porte, la voix de Drew s'élève: "Tu crois que je devrais frapper ?"

Je ne parviens pas à saisir ce que son interlocuteur lui répond. 

La tête enfouie dans mon oreiller, je lui crie: "Drew, je ne me sens pas bien, c'est tout. Vas-t'en! on se verra plus tard."

Il ne me répond pas, mais je l'entend parler à nouveau à la personne qui l'accompagne: "Il faut intervenir. Il est évident qu'elle ne va pas bien ! C'est la voix qu'elle a quand elle pleure !" Il semble réellement inquiet. 

Cette fois, je saisis la réponse qu'il reçoit: "Drew, il ne faudrait pas empiéter sur sa bulle non plus... Elle a le droit de ne pas toujours être heureuse."

"Tu ne comprends pas Shawn ! Et si c'était grave !?"

C'est donc Sawn qui l'accompagne... Avec ces deux là, je n'ai aucune chance de m'en sortir sans confrontation.

«Foutez-moi la paix ! Dégagez !»

Je n'en peux plus d'entendre leur voix... Ils pourraient être en train de faire semblant, comme tous les autres...

«Je vais rester auprès d'elle, pars si tu veux Shawn.»

Un léger soupir se fait entendre, puis des pas qui s'éloignent et un frottement, le dos de Drew contre la porte.  J'ai toujours les épaules secouées de larmes.  

Comme un chuchotement, la douce voix de Drew s'élève lentement, tranquillement. 

«I knew I loved you then, but you'd never know»

C'est notre chanson. Celle du premier duo que l'on a dansé ensemble. À l'époque, elle avait peu de sens pour nous, mais avec le temps, elle est devenue importante à nos yeux. Enfin, aux miens. 

 «'Cause I played it cool when I was scared of letting go» 

On s'est créé plusieurs souvenirs avec celle-ci... Dans des «partys» ou simplement dans nos écouteurs, partagés collés-serrés dans un bus trop étroit pendant le long trajet vers une compétition. Ma poitrine se sert et je me lève tranquillement pour aller moi-aussi m'asseoir contre la porte.  

 «I know I needed you, but I never showed»

J'entends sa respiration. Elle est régulière, comme les battements de mon coeur le seraient s'il ne s'affolaient pas autant pour Drew. 

«But I wanna stay with you until we're grey and old»

Je murmure à mon tour...

«Just say you won't let go»

Chambranlante, je garde une main sur le cadre de porte et tourne la poignée. Drew, assit par terre, se relève aussitôt, passant une main dans ses cheveux en bataille. 

-Jayd, si tu ne veux pas sortir ce soir, tu n'as qu'à me le dire... 

-Tais-toi idiot.

Je l'agrippe par l'épaule et perds le contrôle. Nos lèvres se réunissent. Ma main glisse dans ses cheveux, je renverses la tête vers l'arrière. Telle une danse, nos mouvements sont parfaitement coordonnés, comme si nos corps avaient une volonté propre, savaient quoi faire par eux-même. Sa main empoigne mon dos, d'une forme de protection. Sa bouche dévore mon coup, mordille doucement mon oreille et tout d'un coup, il laisse un long baiser baveux sur ma joue. On éclate de rire et je le pousse sur le lit. Ses lèvres capturent mon front et, essoufflé, il chuchote:

-Je ne te laisserai pas, je te le jure. 

-Je t'aime tellement Drew... Je ne suis pas en colère contre toi, ne t'inquiète pas, mais si possible, est-ce qu'on peut simplement sortir et éviter d'en parler ? 

Il hoche la tête et m'attire dans une forte étreinte. Je me laisse aller contre lui et prends une profonde inspiration. Ça fait du bien d'être au calme. 

-Tu sais ce que je veux pour nous Drew? Je veux que l'on vive longtemps, ensemble.... I'll wake you up with some breakfast in bed, I'll bring you coffee with a kiss on your head. And I'll take the kids to school. Wave them goodbye. And I'll thank my lucky stars for that night.

Et je remercie ma bonne étoile, pour ce soir...

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⏰ Dernière mise à jour : May 10, 2018 ⏰

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