Chapitre 20 - Camila

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Je penses sincèrement que quelque chose ne tourne pas rond chez moi. Je ne peux pas croire avoir eu le courage de poser cette question. Elle me brûlait les lèvres, elle ne pouvait plus rester enfoui en moi, je n'ai pas pu résister. Et je n'ai pas menti, cette envie de poser mes lèvres sur les siennes est encore plus puissante que celle que j'avais ressenti pour la prendre dans mes bras.

J’avais déjà eu envie d'embrasser une personne, c'est naturel, mais jamais je n'avais autant désiré quelqu'un. Mon attirance envers Lauren ne se résume pas à ses lèvres charnues et colorées, elle s'étend à ses yeux verts, à son corps parfait, à sa façon de rire, de parler, à ses gestes attentionnés, à sa voix, à sa gentillesse, son honnêteté, sa présence unique. Je suis attirée par Lauren de son sourire jusqu'à la pointe de ses cheveux.

Mais je ne peux pas l'embrasser. Je ne sais pas ce que nous risquons si jamais je venais à prendre possession de ses lèvres. Lauren, avec un baiser sur la joue, me fait déjà craquer complètement. Quelques jours plus tôt, lorsque nous étions allongées dans mon canapé Lauren a déposé ses lèvres sur ma nuque. À cet instant j'ai cru que je rêvais. La douceur de ses lèvres, la tendresse de son geste, c'était comme si la réalité avait disparu. Mais le plus incroyable ce fut cette puissance de chaleur qui s'est répandue à une vitesse incroyable dans mon corps. Si un simple baiser dans mon cou déclenche cette réaction dans mon corps j'ai peur qu’un vrai baiser nous tue sur le coup.

Je regarde encore mon amie qui semble perdue. À une telle question j'aurais eu peur moi aussi. Mais c'est à mon plus grand étonnement qu'elle m'annonce une réponse négative, d'une voix à peine audible. Sa réponse me fait plaisir, ce que je ressens semble réciproque. Mais les réactions de mon corps auprès de Lauren sont imprévisibles, je ne prendrais pas le risque tant que tout ne sera pas clair et net.

Je me détourne de son corps à contre cœur, lâchant son pull. À l'expression de son visage je comprends que j'ai bien fait. Elle avait tout autant peur que moi de ce baiser qui aurait pu arriver. Malgré mon envie plus qu’atroce qui me tiraille encore le ventre je me force à récupérer les pizzas dans le four en luttant. Je sens que, derrière moi, Lauren est aussi confuse que moi mais bien soulagée que rien ne ce soit passé. Je ne regrette pas de m'être détournée, c'est le mieux que j'avais à faire.

Nous n’en reparlons plus. Lauren attrape un couteau et s'active à couper les pizzas. Je suis touchée qu'elle s'occupe de moi de cette façon, et je n'ai pas l'impression d'être une enfant pour qui on a pitié, au contraire, elle veut simplement que je me sente bien. Et avec sa simple présence mon cœur ne me fait plus mal. Je ne sais pas comment j'ai pu vivre sans elle jusqu'ici, Lauren est la seule personne avec qui je me sens en sécurité. Quand je suis près d'elle plus rien ne compte, il y a juste elle et moi. Elle arrive à me rassurer, je me sens protégée, unique. Et grâce à elle j’ose pleurer, j'ose la laisser me consoler lorsque plus rien ne semble compter pour moi, elle m'aide à me laisser aller, à craquer sans pour autant me sentir faible.

Je dispose les deux assiettes et les pizzas coupées sur l’îlot de la cuisine. Lauren se hisse difficilement sur une chaise et je prends place à ses côtés. Je salive déjà devant les pizzas qui ont l'air si bonnes. Je suis ravie que Lauren sache à quel point j'aime ce plat, et le fait qu'elle me le prépare ce soir me fait énormément plaisir. Elle sait comment me faire sourire sans même me connaître plus que ça. Lauren a réussi à me faire quitter la chambre et à me faire sourire alors que j’étais certaine d'en être incapable. Elle est merveilleuse.

Je sais que je ne vais pas bien, que depuis deux jours je ne vis plus. L'état de ma sœur me fait tellement peur que je n'ose pas me permettre de vivre si elle ne le peut pas. Ma petite sœur est la personne qui compte le plus pour moi, je donnerai ma vie pour la sienne. Elle est malade, personne ne sait ce qu'elle a et personne ne peut rien faire. Quand elle a crié cette nuit là, dans sa chambre, j'ai sentie mon cœur se déchirer. J’avais mal, très mal. Entendre ma petite sœur hurler de douleur m'a pétrifié.

Désormais elle est entre de bonnes mains à l'hôpital mais sa santé se dégrade, je le sais. Mais personne ne me dit rien, mes parents veulent me protéger mais la réalité ne me quittera jamais. J'ai peur et ce à chaque instant depuis deux longs jours atroces.

Sa main chaude se pose sur ma hanche et son bras touche mon dos, m’enveloppant entre ses bras dans une douce étreinte. Je ne peux pas répondre à son geste, je n’en ait pas la force. J'aimerais m'accrocher à elle, elle m'aide à oublier, mais ma peur est si forte que rien ne peut me faire quitter ce monde. La réalité est dure, trop dure. Ma tête se pose d'elle-même sur son épaule, je suis envahie par son parfum vanillé. Ses doigts font pression sur ma hanche. Mon débardeur se lève et ses doigts se glissent sur ma peau. Ce n'est plus la peine de décrire ce que je ressens. Lauren m’apaise avec ce simple geste. Je parviens à respirer normalement, à cligner des yeux, à ne plus bloquer sur ce vide infini.

« Ne pleure pas sur mes pizzas, je ne les ai pas faites pour rien. » me dit Lauren d'une voix extrêmement douce.

Je ne peux pas m'empêcher de rire. Même dans les pires situations elle parvient à me changer les idées. J'ai une chance incroyable de l'avoir dans ma vie. J'arrive à me redresser pour passer ma main dans son dos et la poser sur sa hanche, tout comme elle l'a fait pour moi. Je la serre légèrement, avec le peu de force que mon corps possède encore après deux jours sans nourritures ni eau. C'est si rare que je ne mange pas, je grignote même beaucoup entre les repas et ne pas avaler quoi que ce soit en deux jours a brouillé mon organisme. J'ai la chance de pouvoir compter sur Lauren.

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