Qu'une illusion

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Il est tard.
Quelle heure ? Tard.
Je suis là allongée sur mon lit, de la même position que je serais dans mon cercueil. Mais je ne suis pas sous ma couette, non je suis inerte. Je me lève subitement pour ressentir cette sensation de tournis, pour une fois qu'elle peut être justifiée, et je me dirige vers mon miroir. Aussi grand soit-il, il ne reflète absolument pas mon égo. Je ne sais même pas pourquoi j'en ai un, je ne me regarde jamais. Sauf pour me maquiller, et encore, j'ai le regard rivé sur mes cils. Et lorsque je croise mon reflet tout entier, mon cœur s'effrite.
C'est donc à ça que je ressemble, pensais-je tout bas, comme si quelqu'un pouvait entendre mes pensées les plus profondes.
J'essaye tellement de retenir mes larmes que mes yeux me brûlent, j'ai chaud aux yeux.
Je ne savais même pas que c'était possible.
Mais quelques larmes parviennent à s'échapper, comme toujours.
Je reste figée, presque abattue face à ce reflet que je ne reconnais plus.
Mon teint est morne, mes yeux bouffis, mes cernes plus marquées qu'elles ne l'ont jamais été et mon visage est éteint.
C'est ça. Éteint.
Je continue à me regarder et je ne sais toujours pas qui je suis. J'ai oublié qui j'étais et j'angoisse de savoir qui je serais demain.
J'essaye de sourire comme pour me dire, c'est rien, tout ira bien, mais comme pour me contredire, mes larmes s'intensifient ainsi que leur température.
Elles me brûlent la peau, elles sont remplies d'amertume et de mélancolie.
Je ne sais pas qui j'aperçois, quoi penser ou quoi faire alors je détourne le regard.
Puis, je me suis dirigé vers la fenêtre et avec l'obscurité de la nuit je me suis vu à nouveau, et cette fois-ci j'ai vu une personne tellement brisée, que j'ai senti les morceaux de son cœur voler en éclat, et j'ai eu terriblement mal, mais sûrement déjà moins qu'elle.
Son regard cherchait désespérément quelque chose où quelqu'un à qui s'accrocher mais chaque personne qu'elle rencontrait, détournait le regard.
Personne n'était prêt à affronter une telle tristesse, un désespoir si grand qu'on ne le mesurait plus.
Elle voulait, elle avait besoin de s'accrocher, d'avoir un point d'ancrage.
Moi-même quand j'ai plongé mon regard dans le sien, j'ai fermé les yeux.
J'avais ressenti toutes ses émotions les plus profondes. En un instant elles m'avaient submergé.
Puis elle a souri, comme pour s'excuser, comme pour nier ce malheur et prouver qu'elle était capable de ressentir autre chose que de la douleur.
Elle savait si bien sourire que j'aurais pu croire lire du bonheur sur elle.
Elle était loin de là, mais elle connaissait la joie. Elle ne demandait que ça.
Puis à force de la décrypter, elle s'est cachée, pour enfouir tout ça, et le jour s'est levé.
J'ai pris sa place.
Je me suis habillée et maquillée et je suis allée saluer ma mère.
Un "je t'aime", seulement pour lui rendre et je suis partie le sourire aux lèvres, mais ce n'était que du miel, un peu de miel pour moi, mais surtout pour les autres.
J'ai réussi à les berner d'illusions comme chaque jour, et je crois que c'est bien mon seul talent, ma vocation.
Être illusionniste.

Déferlement d'émotions حيث تعيش القصص. اكتشف الآن