Nephtys la gladiatrice

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- Comment tu fais ?
- Pourquoi ?
- Pour supporter tout cela.
- Je ne comprends pas.

- Depuis l'Égypte tu te bats, on te jette dans une arène et tu te bats, tu tues des hommes que tu ne connais pas, tu vois se faire tuer des hommes que tu connais, que tu aimes. Comment peux-tu endurer tout cela ? Je veux dire sans perdre la raison, demandé-je à Chian tandis que nous patientons.

- Je ne sais pas, je n'ai pas eu le choix tu sais. Chéchi et moi sommes orphelins, nous avons grandi dans l'arène de Djaa, nous nous sommes toujours battus pour divertir et ce n'était pas trop désagréable, enfin jusqu'à ce que Djaa pousse le divertissement un peu trop loin, achève t-il en baissant la voix. Tu as peur ?

- Non.

- Ne mens pas ! J'ai vu ton regard lorsque le soldat a donné les binômes. Tu crois que je n'ai pas lu la crainte dans tes yeux ?! La crainte de te retrouver avec un boiteux pour partenaire pour défendre ta vie dans l'arène !

- Chian j'ai confiance en toi.

- En effet c'est en ma force que tu n'as pas confiance !

- Arrête ! Tu m'as tout enseigné, c'est grâce à ton enseignement que j'ai survécu la deuxième fois dans l'arène et tu penses que j'oserais mettre en doute ta force ?!

- Tu as du respect pour moi, je le sens, mais tu aurais préféré un autre partenaire.

- De tous les gladiateurs du Colisée si j'avais pu choisir c'est toi que j'aurai choisi. Je n'ai pas peur parce que tu es boiteux, j'ai peur Chian. J'ai peur parce que j'ai 17 ans, que je suis une fille, une fille qui plus est une égyptienne à Rome qui va devoir se battre contre des hommes de loin beaucoup plus forts qu'elle et que je me sens faible. Horriblement faible et que j'ignore comment tu fais pour être si fort.

Nous étions dos à dos dans l'antichambre sombre dont la grille allait bientôt s'ouvrir sur l'arène du Colisée. En entendant mes mots il se retourne, m'attrape par les épaules, me secoue vigoureusement et me dit :

- Nephtys, tu te sens faible parce que toute ta vie on t'a répété que les hommes étaient plus forts, plus vigoureux, plus braves que les femmes. Oublies tout cela. Dans l'arène peu importe ce qu'on dit des femmes et des hommes, peu importe une stupide opinion sur ce qui sied aux hommes et ce qui sied aux femmes. Très peu d'hommes peuvent se vanter d'avoir survécu à l'arène aux lions, je connais une femme qui le peut, suis son exemple.

J'acquiesce en posant ma main sur son épaule en signe de remerciement. Nous nous tournons face à la grille qui commence à s'ouvrir et nous élançons vers l'entrée.

Aujourd'hui c'est le combat des gladiateurs par binôme, 6 binômes, un binôme vainqueur. Cette épreuve d'ordinaire réservée aux hommes a pour la première fois un participant spécial : une femme : moi. Pourquoi ? Parce qu'un gladiateur a eu le malheur de mourir d'un mal inconnu la veille de l'épreuve. J'ai donc l'immense "honneur" d'être la première femme à combattre dans cette épreuve et j'ai eu le grand plaisir quelques minutes avant l'épreuve d'apprendre par un autre gladiateur que la plupart des gens pariaient sur ma mort dans les premières secondes du combat ce qui évidemment me rassure au plus haut point.

En courant vers la lumière je répète sans arrêt ces mots dans ma tête "Je ne veux pas mourir." Une fois la course achevée, il n'y a plus de temps pour cela, je ne dois plus penser qu'au combat. La lumière du Colisée m'aveugle, et il y a toujours ces mêmes colombes, ces mêmes colombes qui s'envolent vers la liberté, vers mon Egypte. Comment se fait-il qu'il soit plus simple pour les Romains d'affranchir une nuée de volatiles blancs que des hommes et des femmes de chair et de sang ? C'est la réflexion que je me fais avant que ma tête ne cogne contre le sol, Chian me redresse :

Nephtys et Commode : Entre Memphis et RomeWhere stories live. Discover now