Chapitre 13 - La Fatalité des York

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En média : Sleeping at Last - Make You Fell My Love

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LUDOVIC

Lili a mis fin à sa vie. Lili est morte. Elle s'est tuée avec l'aide du grand-brûlé de la chambre 4. Ils sont tous les deux morts. Ils ont disparu ... elle a disparu.

Dans notre langage, lorsqu'un patient de Colombe décide d'en finir, lorsqu'il décide que ses souffrances doivent cesser, on dit qu'il « succombe à ses blessures ». C'est maintenant ce qu'ils disent pour Lili. On ne parle pas des blessures physiques, mais des blessures intérieures, émotionnelles. Lili devait avoir tellement de peine en elle qu'elle a décidé de succomber à ses blessures. Aujourd'hui est le jour où elle a décidé de mourir, aujourd'hui est le jour où Lili a décidé d'arrêter de se battre. L'accident, c'est la bombe et le suicide, ce sont ses éclats. A défaut de tuer, eux ne font qu'ouvrir des plaies qui ne s'effaceront jamais.

Colombe a appelé les parents de Lili au téléphone pour leur annoncer la terrible nouvelle ... ils leur ont dit par téléphone ... par téléphone, putain. Je n'ose même pas imaginer leur état, leur peur, leurs cris et leurs sanglots, leurs violences, leurs tempêtes et leurs hurlements. Je n'ose pas imaginer les voix éclatées à l'autre bout du fil, je n'ose pas imaginer le son de leur vie qui se brise au sol, le son de leur guerre intérieure et le bruit de ces explosions à répétition qui les détruisent, qui les tuent, qui les affament. Jamais je ne voudrai faire subir ça à ma mère ... jamais. Je m'en fais la promesse.

Je n'arrive pas à y croire. Même en l'ayant vu de mes propres yeux, je n'arrive pas à croire que sa vie a pu être du début à la fin aussi tragique.

Aucun message. Aucun mot. Rien. Lili pensait sûrement ne pas avoir à expliquer pourquoi. Justement elle n'avait pas à expliquer. Il fallait juste la regarder de haut en bas pour comprendre pourquoi elle a fait ça, pourquoi elle s'est tuée. Elle portait sur elle les causes de son suicide, marquées au fer rouge sur bras et jambes mortifiées. Elle était la seule personne qui me faisait me dire que tout n'était pas perdu, mais elle était aussi la seule personne qui avait réellement conscience que tout l'était.

J'ai demandé à Pascale, mon aide-soignante à domicile, de me mettre dans mon lit parce que j'avais besoin de m'isoler et de pleurer, peut-être. Je sais que ma mère est de l'autre côté de la porte, je la sens et je vois les ombres de ses deux pieds cloués dans le parquet. Elle doit sûrement hésiter à toquer, le poignet prêt à frapper, puis elle se résignera sûrement, par peur de gêner, comme d'habitude.

Je sens cette vilaine sensation me prendre dans les entrailles, celle qui vous poignarde par surprise et qui vous laisse avec ce vide béant dans votre ventre. La douleur dans mon corps me laisse deviner qu'Elle est là, qu'Elle est de retour. C'est étrange comme un malheur en entraîne inévitablement un autre. On dirait une sorte de règle naturelle et vicieuse. La tristesse, la peine et la culpabilité s'ajoutent à chaque coup de poignard. Je luttais contre Elle. J'ai lutté, peut-être trop, peut-être pas assez, comme Lili, mais j'aurais lutté longtemps. Le rideau terne se dépose sur mes yeux avec une allure saisonnière. La dépression tombe et reste au sol comme les feuilles d'un automne dépassé et s'agrippe férocement à mon corps.

NOS CORPS AMBULANTS [TERMINÉ]Where stories live. Discover now