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30 mars 2012

Antoine devait en être à son dixième shooter, et son cerveau était trop anesthésié pour lui commander d'arrêter. Il avait tellement rêvé du retour inopiné de Mélanie, de réentendre sa voix perchée, son caractère explosif qui contrastait avec le sien, de ressentir le goût de ses lèvres sur les siennes. Seulement, il avait arrêté de se ressasser le départ de sa bien-aimée dès que Kiara avait fait irruption dans sa vie. Sans le savoir, elle l'avait fait renaître et reléguer ses blessures dans un coin de sa tête. Et voir Mélanie ressurgir rendait tout confus dans sa tête, et l'alcool qui embrumait son cerveau n'aidait pas le moins du monde.

Le salon des garçons tanguait dangereusement mais aussi intoxiqué qu'il fut, il comprit : il n'avait jamais vraiment fait le deuil de sa relation avec Mélanie. Parce qu'elle n'avait jamais été finie. Il avait sur la langue cette saveur amère, c'était le goût qu'avait l'inachevé. Et il ne l'aurait plus pour longtemps à la bouche.

*

Le trajet à pied jusqu'à l'ancien studio de Mélanie avait permis à Antoine de dessaouler suffisamment pour pouvoir la confronter en pleine possession de ses moyens. Elle lui avait envoyé par SMS l'adresse qu'il connaissait bien, et il se dirigea sans problème au troisième étage jusqu'à sa porte d'entrée. Il toqua, décidé à pouvoir laisser son passé derrière lui.

- Entrez ! cria-t-elle depuis la salle de bain. Elle arriva dans le salon vêtue d'un pijama léger en tissu. T'as mis longtemps à venir ! elle s'approcha comme pour le prendre dans ses bras mais le blond fit un geste de recul.

- Je suis à pied, se justifia-t-il. Il se sentit comme un étranger tout à coup.

- Vas-y assieds-toi ! reprit-elle en montrant le canapé. Je te sers quoi, thé à la menthe comme d'habitude ? Il acquiesça, flatté qu'elle se rappelle de ce genre de détails.

- Tu étais où pendant plus de 6 mois ?

- Droit au but, sourit Mélanie en soupirant. A Londres, chez une cousine. J'avais besoin...de prendre l'air.

- Et de rayer les gens qui t'aiment de ta vie au passage, ajouta Antoine sèchement, déçu de la réponse.

- C'est pas ça, c'est juste, j'avais 23 ans et je rentrais dans une routine, j'ai eu peur de ce que je devenais. Mais si je suis revenue, c'est parce qu'au fond de moi je savais que j'avais laissé quelqu'un de bien trop important pour moi. La main manucurée de Mélanie se posa sur le cou d'Antoine. Il reçut le contact comme une décharge. Il avait rêvé de ces mots, laissé des centaines de messages, interrogé toutes ses connaissances pour pouvoir l'entendre dire qu'il avait de l'importance à ses yeux. Il n'en avait plus besoin de ces mots, et soudainement il ne savait plus ce qu'il faisait ici et pas aux côté de sa brune.

Elle se rapprocha encore de quelques centimètres, avant de déposer un baiser au coin de la bouche du rappeur puis de finalement l'embrasser. Mais aliéné par le contact, il garda les yeux ouverts, et heureusement son regard se posa sur la table derrière lui où un téléphone  était posé en équilibre face à eux. Il repoussa immédiatement Mélanie pour se lever voir l'objet qui le tracassait : le portable était bel et bien en train de filmer. 

- Je peux savoir ce que tu comptais faire ? il fulminait.

- Je vois pas de quoi tu parles, la caméra a du s'allumer toute seule, je suis désolée...tenta-t-elle d'expliquer en tendant le bras pour reprendre le mobile, mais c'était trop tard, il avait appuyé sur la touche d'accueil et le fond d'écran affichait Mélanie et une rousse qu'il ne portait pas dans son coeur, Olivia, si sa mémoire de lui faisait pas défaut. Ecoute, Liv avait toujours en travers que tu l'aies trompée avec Kiara et...

- C'est ce qu'elle t'as raconté ? cria-t-il en prenant sa tête dans ses mains. Antoine était émotionnellement épuisé et commençait à perdre son calme. Tu te crois dans un épisode de Gossip Girl ? Tu t'ennuyais donc tu t'es dis pourquoi pas ruiner la vie de mon ex ? 

- Non, ça c'est ce que Liv y gagnait, moi je voulais simplement te revoir..ñ

- Ah oui, tout s'explique mieux ! il tapa dans un mur à l'idée d'avoir pu perdre sa brune à cause de quelqu'un d'aussi vicieux. Et tu pensais sérieusement que je t'accueillerais à bras ouverts et qu'on continuerait là où on s'était arrêtés ? Comme si je m'étais pas levé un matin et que le lit était vide à côté de moi, hein ? sa voix craqua. Il ne se reconnaissait pas, à éprouver tant de colère.

- Tu l'as pas refusé ce baiser, ni celui de la soirée d'ailleurs. Je sais que tu as encore des sentiments pour moi, renchérit-elle, en posant une main sur le torse haletant d'Antoine. Et je vais pas m'arrêter à un non.

- J'aurais tout donné pour toi, mais plus maintenant, il rit nerveusement. Rien n'avait jamais été aussi clair. T'as peut-être du mal à y croire, mais je suis pas un chien à qui on claque des doigts pour qu'il revienne. Tu peux jouer toutes tes cartes, le coup des vieilles habitudes, l'espèce de nuisette, les plans foireux d'ado de 15 ans, mais tu m'auras pas. D'ailleurs tu me voulais seulement parce que mon coeur appartient à quelqu'un d'autre. Et c'est bas, même pour toi. 

Il reprit sa veste et l'enfila. C'était une erreur de vouloir des explications. Il la regarda une dernière fois avant d'ouvrir la porte qui lui permettrait d'enfin tourner la page et d'accepter ses sentiments pour Kiara. 

- Tu me dégoûtes.

Il claqua la porte, prêt à écrire un nouveau chapitre de sa vie. Mais dans tout récit, il y a des péripéties, et Antoine avait déjà sa petite idée du premier obstacle : la rédemption.

You're messing with my head
Girl that's what you do best
Saying there's nothing you won't do
To get me to say yes
You're impossible to resist
But I wouldn't bet your heart on it
It's like I'm finally awake
And you're just a beautiful mistake

EQUATION ft. FonkyFlavOù les histoires vivent. Découvrez maintenant