Chapitre 17: Encre

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Avec Marius, on a évité d'manger avec les autres, le soir-même. On avait pas envie d'supporter leurs sourires, leurs lectures, leurs enveloppes. En gros, tout ce qu'ils avaient eux, et pas nous. C'était pas forcément bon, vu qu'ça nous mettait à l'écart. Mais rester avec eux, et montrer nos faiblesses, ça aurait été pire.

Même avec Mona, quand on est revenues dans la chambre, j'suis restée distante. Elle, elle était ravie et soulagée d'avoir des nouvelles de sa famille, et d'son grand frère. Moi, j'étais soulagée quand elle a fini par arrêter d'parler. Elle s'était lassée d'mon manque d'enthousiasme, et semblait un peu vexée. J'la comprenais. Mais j'voulais pas faire d'effort pour autant.

Le lendemain, y avait une certaine distance, entre nous. Au sens propre, comme au figuré. Dans les vestiaires, elle s'était mise près d'Alizée. J'avais pas relevé, puisque Clémentine avait mis ses affaires près d'moi. D'ailleurs, cette dernière mettait du temps pour enlever ses vêtements. Elle s'rhabillait rapidement, mais pour découvrir sa peau, c'était plus difficile.

Les souvenirs, encore une fois. A chaque tissu enlevé, c'était un nouveau flash. Une nouvelle photo. Une nouvelle remarque dégradante. Les autres filles n'y prêtaient pas attention. Elles discutaient entre elles, repoussant l'moment où il faudrait sortir du vestiaire.

Ainsi, on n'était pas les dernières à sortir, avec Clémentine. La prof nous a quand même jeté un regard agacé, avant de débuter son cours. Encore une fois, elle nous a fait dépenser jusqu'à ce qu'on puisse à peine marcher. J'suis restée avec Clémentine et Marius pendant la séance, puisque les deux avaient du mal à courir. L'une à cause de l'asthme, l'autre à cause des blessures. On serait pas les meilleurs, dans cette matière.

L'heure du déjeuner nous a sauvés. Là encore, on est restés tous les trois pour manger, puis pour aller en cours de français. Depuis la fois où le prof avait lu nos messages sur papier, j'essayais d'me faire la plus discrète possible. Pourtant, quand il a donné les devoirs à faire pour l'cours suivant, j'ai pas caché mon manque d'enthousiasme.

En gros, on étudiait un extrait de pièce, et il voulait qu'on écrive la suite pour dans deux jours. Ça devait tenir sur une copie double, pas plus, pas moins, avec un nombre minimal de mots imposés. Autant te dire qu'on était dégoûtés, même les plus littéraires d'entre nous.

Le soir, on est restés pas mal de temps à la bibliothèque pour essayer d'avancer ce devoir. Jusqu'à c'que je reçoive un message de Roxanne, en fait.


De Roxanne Alvarez

"Hey, ça te dirait de venir ce soir? On s'est pas vues depuis dimanche, donc ça commence à faire un peu long ^^"


J'ai réprimé un sourire, alors que Marius me jetait un regard en coin.


"C'est qui?

-Quelqu'un."


On avait beau avoir sympathisé, j'avais pas envie d'lui raconter toute ma vie. J'ai renvoyé un message à Roxanne en lui disant que j'pouvais pas, à cause de cette rédaction à rendre. J'ai rangé mon portable dans ma poche, avant d'me reconcentrer sur ma feuille, qui restait désespérément vide.

Y avait beau avoir Marius et Clémentine à côté d'moi, j'me sentais seule face à ces lignes vierges de toute écriture. Evidemment, on pouvait pas tricher en recopiant la fin originale. Pourtant, ça m'a traversé l'esprit, je t'assure. Mais on savait pas quels sanctions on pouvait encourir, alors on a préféré rester honnêtes.

𝐒𝐄𝐒𝐄𝐃 // 𝐀𝐧𝐜𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞 𝐯𝐞𝐫𝐬𝐢𝐨𝐧Where stories live. Discover now