Chapitre 57: Oubli

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Média: Figures - Jessie Reyez


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C'est quand même un sacré concept, Noël à la SESED. C'est vrai, quoi. C'est pas l'genre de lieu pour accueillir une fête censée rendre heureux. Ça contraste trop avec l'ambiance habituelle. Et puis personne ne peut s'offrir de cadeaux. Du moins, pas ceux qu'on achète en boutique.

Alors à quoi bon le fêter, tu m'diras? Pour faire semblant d'être heureux, justement. Avoir l'impression qu'on vit normalement, et qu'on n'est pas enfermés dans c'bahut pendant trois putains d'années. Si y avait nos parents avec nous, on pourrait presque y croire. Mais à ce stade de l'année, y avait presque plus qu'les Secondes qui recevaient encore des lettres de leur famille.

Sacha en faisait partie. Mais ça n'lui faisait pas plaisir pour autant. Ses parents s'obstinaient à l'appeler Apolline, dans leurs lettres, et à lui dire qu'ils espéraient qu'elle était revenue à la raison. Autant te dire qu'il n'appréciait pas. Il s'donnait même pas la peine de répondre.

En fait, la plupart des élèves à la SESED finissent par arrêter d'répondre, tôt ou tard. Soit parce qu'ils sont morts. Soit parce qu'ils n'arrivent plus à mentir. Tu nous vois vraiment écrire à notre famille "Ici tout va bien aussi, à part qu'on risque de crever à chaque instant, mais sinon c'est cool"? Nan, évidemment. Parce qu'au mieux, ils le prendraient comme une mauvaise blague. Au pire, ils paniqueraient. Dans les deux cas, on se serait fait censurer et tuer avant.

Mais revenons-en à Noël. Pour le repas du soir, ils avaient fait un effort. Enfin, ils nous avaient donné les traditionnels Pères Noël en chocolat emballés dans du papier qui s'effrite trop facilement. Même le goût n'est pas terrible. Pourtant, on était contents. Y compris ceux qui ne fêtaient pas Noël en temps normal.

T'façon, ces derniers avaient bien compris depuis longtemps qu'il fallait s'adapter à la SESED, même pour les croyances. Ça serait pas passé, si l'un d'entre eux avait refusé de fêter l'réveillon. Il aurait pu faire un séjour dans la Pièce Blanche. Ici, y a pas d'religion qui passe avant la SESED.

Enfin, y a des p'tites exceptions. Parce que c'lycée a beau s'revendiquer laïc, on continue d'faire les fêtes chrétiennes et d'bouffer du poisson le vendredi. Comme dans la plupart des bahuts, tu m'diras.

Enfin bref, après avoir fini nos Pères Noël, on a quitté la cantine pour aller au dortoir de Sacha, histoire de passer la soirée tranquilles. Parce que même s'il avait réussi à m'faire sourire et à m'changer les idées, j'continuais d'soupirer en pensant à Roxanne, et à prendre sur moi pour refouler mes larmes.

Si j'avais été un peu attentive, j'aurais pu voir en déposant mon plateau que, contrairement à d'habitude, y avait pas Maëlle et Baptiste pour nous surveiller. Et si j'avais été un peu moins dans la lune, j'aurais pu m'douter qu'il y avait un truc pas net, et qu'il valait mieux rester sur nos gardes.

Mais comme j'avais rien vu, j'ai quitté la cantine avec Sacha, continuant notre discussion. En plus, pour une fois, y avait quasiment personne à l'extérieur, vu qu'tout l'monde profitait du repas de Noël, et qu'il faisait froid dehors. Y avait pas d'raison qu'on puisse avoir des problèmes, pas vrai..?

Hé bah si. Parce que sur l'chemin pour aller au dortoir, on a eu une p'tite surprise. Pas agréable, la surprise. Maëlle, Baptiste et Marius adossés contre l'un des bâtiments. Et oui, ils nous attendaient. Après tout, tu croyais quoi? Evidemment qu'il y allait avoir un problème, avec ces putains d'cachets.

𝐒𝐄𝐒𝐄𝐃 // 𝐀𝐧𝐜𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞 𝐯𝐞𝐫𝐬𝐢𝐨𝐧Where stories live. Discover now