12. Avant qu'il ne soit trop tard

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"J'ai peine à croire qu'en perdant ceux qu'on aime, on conserve son âme entière"

- George Sand -

On dit que le genre humain s'est enfermé dans une sorte de routine, un train-train quotidien ennuyeux. Plus rien de fou ne se fait. Aucune personne ne sort de l'ordinaire. Nous n'avons pratiquement plus rien à admirer. Nous avons constamment les yeux rivés sur nos écrans que ce soit dans un train, un bus, sur une terrasse de café, au restaurant, au cinéma. Constamment, les yeux en bas, zappant, oubliant d'un clic ce que le monde a à nous offrir.

Et puit vient la sentence. La punition. L'heure fatidique. Celle qui nous rappelle que l'on est passé à côté de quelque chose. Celle qui nous fait dire que nous avons vécu sans véritablement vivre.

Nous n'avons aucune histoire à raconter. Aucune anecdote folle à partager.

Nous n'avons rien fait. Rien n'accomplit.

On peut mourir demain. Comme ça, d'un claquement de doigts. On peut mourir dans la rue, à la maison, au boulot, partout. Tous les jours. Rien ne nous garantit, le soir quand nous nous endormons, que nous serons à même de nous réveiller le lendemain. Rien ne nous garantit qu'il n'y aura pas un chauffard qui viendra nous écraser sur le trottoir. Rien ne nous garantit qu'il n'y ait pas une fuite de gaz qui fasse sauter notre immeuble.

On peut mourir de bien des façons, des plus idiotes aux plus improbables.

Alors, on s'enferme dans cette routine du "métro-boulot-dodo" pour échapper à cette prise de conscience. Pour échapper à ce fait inéluctable qui nous pend au nez. On garde les yeux rivés vers le bas, marchant tout droit, en se disant que si nous ne remarquons pas la vie, alors cette dernière ne nous remarquera pas.

C'est un jeu de "cache-cache" véritablement que nous menons sur le plus ou moins long terme.

Et puis, une personne meurt. Un proche. Un parent. Un frère. Un ami.

Quelqu'un que l'on aimait. Que l'on appréciait. Quelqu'un que l'on avait l'habitude de côtoyer. Cette même personne que l'on croise tous les jours. Que l'on salue habituellement, ou à qui on envoie des messages régulièrement. Cette personne s'en va brutalement, sans prévenir et c'est là que vous vous dites : "Ça aurait pu être moi".

Oui, éventuellement ça aurait pu.

Mais ce n'est pas vous. Ni moi.

Ce n'est pas nous.

Certains vivent avec cette conscience pesante. On les reconnaît, ils vivent au jour le jour en disant qu'ils profitent de chaque jour comme si c'était le dernier.

Et puis, il y a tous les autres. Ceux qui essayent une fois de vivre une journée comme si c'était la dernière.

Et ils se rendent compte.

Ils se rendent compte qu'à la fin, quand l'heure vient, quand la nuit tombe, quand il est temps de rentrer, seul, chez soi...Il n'y a personne. Personne avec qui parler. Personne à qui raconter la folie de la journée. Personne à embrasser. À enlacer. Personne à qui dire "Tu m'as manqué".

Mais surtout, personne pour nous dire "Je t'aime".

On ne le dit pas assez souvent, pourtant c'est simple. On oublie. On n'y pense pas. On se dit qu'on aura tout le temps du monde pour le dire aux principaux intéressés.

Sauf que le temps, déjà, nous en manquons cruellement.

Le temps ne nous a pas attendus. Il a filé.

Et il vient happer cette personne que nous avons zappée. Celle à qui nous n'avons pas dit "je t'aime". Celle à qui nous n'avons pas dit ce que nous avions alors sur le cœur. Ce que l'on pensait d'elle. Ô combien elle était merveilleuse. Ô combien son arrivée dans notre vie l'avait changée. Transformée. Bouleversée.

Non. Nous n'avons rien dit.

Parce que nous pensions avoir le temps.

Et maintenant ? Maintenant on regrette.

On se dit qu'on donnerait tout pour retourner en arrière ou au moins avoir une "dernière fois". Un dernier rendez-vous. Une dernière sortie. Une dernière partie de rigolade. Un dernier échange complice.

On donnerait tout pour marquer ce dernier échange à jamais dans notre cœur. Graver un souvenir de cette personne tout comme on gravera ses initiales sur sa tombe.

Alors, prenez le temps. Maintenant. Pas tout à l'heure, pas plus tard. Maintenant.

Faites-le, c'est important.

Dites aux gens qui vous entourent ce que vous pensez d'eux. Dites à ces personnes que vous les aimez. Ne vous retenez pas.

Posez vos écrans, de temps à autre, et sortez. Profitez de la vie. Profitez de vos amis, votre famille. Profitez de la vie, car vous n'êtes jamais totalement à l'abri.

La mort, ça n'attend pas.

C'est déjà là. Tapis dans l'ombre.

Et patiemment elle attend. Elle attend le moment propice.

Celui que vous, quoiqu'il arrive, quoi qu'il advienne, vous ne verrez pas venir.

Vous serez juste là, avec vos regrets.

Vous serez juste là, accablé.

Un Zeste de CitronOù les histoires vivent. Découvrez maintenant