|| Chapitre 6: Maël ||

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Laura me fixai depuis un moment, les sourcils froncés en signe d'incompréhension. Soudain, elle bougea la tête, semblant vouloir trouver quelqu'un dans la foule lycéenne.

- Je peux savoir ce que tu cherches avec tant d'assiduité? l'apostrophai-je, interpellé par son petit manège.

Elle avança vers moi avec un sourire narquois au coin de ses lèvres  bombés:

- La personne qui compte.

- Hein?

- Deux stupid boy. Comme tu sembles vouloir battre des records d'immobilité, j'en ai conclus que tu jouais à un, deux, trois soleil.

Je pouffai. C'était vrai que j'étais planté en plein milieu de la cours depuis cinq longues minutes déjà, en quête d'une personne avec qui rentrer.

J'avais voulu rejoindre Ethann et Clara mais avais abandonné en constatant qu'ils étaient très occupés. Baptiste était à son entraînement de foot, Solène à la boxe et Abel - qui avait pris option art plastique pour les beaux yeux de la prof – ne sortirait pas avant deux heures du lycée. J'étais forcé de rentrer tout seul.

Semblant se rendre compte de ce qui me tourmentait, Laura eut un sourire provoquant et s'excusa de ne pas pouvoir m'accompagner : ses cours d'éloquence n'attendant plus qu'elle.

Je soupirai une nouvelle fois et me forçai un passage dans la foule des élèves surexcités ou totalement amorphes qui voulaient atteindre à tous prix la sortie. De nouveau, un soupir d'exaspération franchit mes lèvres quand j'entendis une cinquième criant à son amie qui venait de me bousculer  C'est bon Cynthia, il t'a forcément remarquée vu comment tu viens de le bouler !

Quelqu'un pourrait-il m'expliquer un jour pourquoi autant de filles voulaient m'avoir ? J'  avais pourtant énormément de défauts mais elle ne semblait pas le remarquer. A commencer par l'énorme tâche de naissance sur mon bassin, mes cheveux beaucoup trop épais, des yeux que je trouvais trop proches, une oreille légèrement asymétrique, des genoux étranges... Et niveau du caractère, rien ne s'arrangeait : j'étais très têtu mais l'archétype du petit garçon sage, un mélange pas très intéressant en somme. Ma mère me le faisait bien comprendre. 

A peine délivré de cette masse grouillante qu'un bras m'attrapa par le col de mon sweat et je fus emmener de force dans une rue. Sous le coup de la surprise, - et très bêtement - je ne cherchai pas à me défendre.

- Excuse moi de te déranger le bellâtre, mais il faut qu'on mette les choses au clair toi et moi !

J'eus du mal à retenir un éclat de rire. Ce kidnapping, pas des moins surprenants, était donc l'oeuvre du cerveau tordu de Samuel ?

Mais le rire mourut très vite dans ma gorge lorsque je vis le rejoindre deux espèces de gorilles bodybuildés, qui semblait avoir dépassé    les doses recommandées de testostérone. Je n'aurais pas été surpris que leurs cerveaux en prennent un sacré coup au passage.

Cependant, il était clair qu'ils n'étaient là que pour jouer les gros bras : leurs neurones n'auraient pas à être trop éprouvées. Samuel était le cerveau de la mission. Cela promettait un joli divertissement, le seul bémol étant que j'en devais être la victime.

- Tu vois dans cette histoire Maël, je passe pour le méchant. Seulement c'est toi qui fais souffrir Laura depuis des années! Donc si tu pouvais dégager pendant quelques semaines de la circulation, ça arrangerait la progression de mon projet, m'apprit-Samuel.

- Le seul problème chéri, c'est que si je ne compte pas contrecarrer tes plans, louper plusieurs semaines de cours me paraît assez impossible...

J'accompagnai ma tirade d'un sourire contrit, qui me paraissait assez convaincant.

Mais mon air insolent disparut vite quand les deux Hulks s'avancèrent vers moi, d'un pas pesant et menaçant. Je comprenai enfin ce que voulait dire le blond par dégager quelques semaines de la circulation. Et quelque chose me disait que je les passerai dans un lit d'hôpital, salement amoché.

- Tu as peur Maël ? Allez bats-toi si t'es un homme, m'ordonna le boutonneux.

- Parce que pour toi, un homme a forcément besoin de se noyer dans la testostérone pour prouver sa virilité ? Bravo les vieux clichés!

Samuel mit quelques temps à comprendre ma phrase. Et quand il en eut saisi le sens, il resta coit, incapable de répliquer.  Ce mec me dégoûtait. Son attitude stupide et machiste ne venait que d'une éducation de merde. Son père l'avait élevé dans ce vieux principe qu'un homme ne devait pas pleurer, ni montrer ses sentiments. Que l'hétérosexualité était une obligation. Et que les femmes ne servaient qu'à assouvir leurs besoins sexuels et faire le ménage. Quant à leurs idéaux racistes, n'en parlons même pas!

Forcément le petit discours que je venais de prononcer devait avoir secouer en lui une part de raison, malheureusement vite étouffée par les propos qu'on lui avait servi toute son enfance. Alors il réagit de la seule façon qu'il connaissait : il me frappa à la mâchoire aussi fort qu'il le pouvait. Le coup me surprit et je restai interdit. Il enchaîna en tentant de faucher mes jambes d'une balayette.

Mais réveillé par l'uppercut, j'esquivais sans mal son coup et reculai de quelques pas. Les deux gorilles gardaient une expression neutre et stupide, bouchant avec leurs corps imposants, la vue de notre corps à corps. Les yeux de Samuel brillaient de rage. J'avais osé remettre en question les principes que son cher paternel avait bourriné dans son crâne, et j'allais, semblait-il, le payer cher.

Un cri m'échappa lorsque je mordis bêtement ma langue après un coup plus fort que les autres et qu'une giclée de sang se mélangea à ma salive.

Un cri qui attira la mauvaise personne. Ma frangine, passant -comme d'habitude - au mauvais endroit, au mauvais moment, arriva sur les lieux, et resta immobile quelques instants, stupéfaite.

- Bordel Aby, t'as vraiment le don de nous foutre encore plus dans la merde.., criai-je, Casse-toi, putain!

Semblant prendre conscience du danger qu'elle courrait, ma soeur fit un demi-tour brusque. Mais la peur lui faisant perdre ses moyens, l'un des gorilles n'eut aucun mal à attraper son poignet et le tordre. Elle poussa un gémissement de douleur qui dévia mon attention, ce que ne manqua pas de soulever Samuel:

- Oh l'amour fraternel, comme c'est adorable! J'ai pas que ça à foutre, donc désormais, si tu évites mes coups, ce sera elle qui les prendra à ta place, grogna-t-il, un sourire vicieux déformant sa bouche.

- Pourquoi? Tu es incapable de te battre contre moi? Ou tu as peur peut-être? Mais il faut pas mon Samininouchounet, c'est juste moi, tu sais ! Je ne te ferais aucun mal, sinon Laura
ne pourra plus se vanter d'avoir la main verte en te mettant des râteaux. Mais peut être qu'un jour elle se mettra à rouler des pelles, ça t'arrangerait...

Réagir comme un crétin provoquant n'est pas dans mes habitudes, mais la panique me fait vite perdre mes moyens et l'arrogance stupide reste mon seul recours dans ces cas-là. Malheureusement, voir ma soeur souffrir est l'une des choses que je supporte le moins.

Même s'il faut pour cela rabaisser un mec en l'insultant sur ses défaites amoureuses.

Moi aussi je peux être un vrai salaud...

Il ouvrit la bouche puis la referma, atteignant une ressemblance furieuse avec un poisson rouge amnésique atteint d'Alzheimer. Enfin, son corps lourd se mouva et il poussa un grognement bauvin en me décochant un coup à la mâchoire plus violent que prévu.

Suivant l'exemple de son chef, le gorille tordit encore un peu plus le poignet de ma soeur. Les larmes débordèrent à travers ses longs cils mais elle ne poussa pas un cri et garda la tête baissée dans une attitude très digne.

Samuel renouvela son coup m'envoyant rouler à terre. Il s'essaya à me lancer un coup de pied que j'esquivais dans un réflexe stupide, ce qui valût une torsion de plus sur le poignet fragile d'Aby.

Sous la violence de l'opération, mon t-shirt se souleva laissant apparaître la singulière tache de naissance en forme de vague qui orne mon aine et un bout de mon ventre. Une étincelle de je-ne-sais-quoi passa dans les yeux de Samuel quand il l'aperçût. Je paniquai: qu'est ce que cet imbécile pouvait bien me vouloir?

Kazukos 1. Prophétie (En Cours De Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant