Chapitre 3 : La Princesse

386 44 84
                                    

Kyoka sursauta, au point de lâcher la pêche qu'elle tenait entre ses mains, qui  tomba et roula un instant sur le parquet de sa chambre.

Ce n'était pas le vent.

Quelqu'un avait vraiment toqué à sa fenêtre.

Elle hésita. Ouvrir ou ne pas ouvrir ? On était au beau milieu de la nuit, tout de même ! Qui pourrait toquer à sa fenêtre à une heure pareille, à part un psychopathe ou...

"Non. Ça ne peut pas être elle."

Elle fit semblant de ne rien avoir entendu, pensant que la personne se découragerait d'elle-même devant le silence.

L'adolescente entendit trois autres coups contre la vitre, toujours avec la même douceur, comme si la personne dans son jardin lui demandait la permission d'entrer. Si cette personne lui voulait du mal, elle aurait préférée casser la vitre, au lieu d'attendre gentillement dehors, non ?

Peut-être qu'elle devait ouvrir ?

Peut-être que c'était elle, sa Muse ?

Kyoka sortit de son lit, s'approcha de sa fenêtre, mais elle ne vit personne. Elle l'ouvrit en grand, mais les seules choses que ses yeux percevaient étaient son jardin et le pêcher immense, qui semblait grandir un peu plus chaque jour, donnant l'impression qu'il voulait effleurer les étoiles.

Et là, alors que Kyoka pensait qu'il n'y avait personne, et qu'elle allait refermer sa fenêtre, dépitée, elle l'a vit.

Grande, pâle, avec de longs cheveux noirs détachés tombant sur son épaule, cachant une partie de son cou, elle ressemblait à une princesse.

Une princesse qui portait un petit kimono blanc, détaillé en de magnifiques arabesques argentées.

Une princesse qui était dans son jardin.

Une princesse qui lui chuchota ses mots avec un petit sourire :

- Merci pour ta musique et tes paroles.

Une princesse dont elle avait reconnu la voix.

Une princesse qu'elle avait embrassée, parce qu'elle avait fini par tomber amoureuse de cette voix.

- Merci pour ta voix et tes pêches.

Voilà ce qu'elle lui avait dit, après avoir un peu reculée sa tête, les joues roses, réalisant tout juste ce qu'elle venait de faire.

La fille au kimono lui adressa un sourire timide.

- Je pensais que tu ne voulais plus m'entendre, après cette nuit...

Kyoka comprit directement à quelle nuit elle faisait référence : celle où elle avait tentée d'étouffer sa voix, un oreiller sur la tête. Le lendemain de cette nuit, elle avait reçu le panier de pêches.

- Je voulais juste comprendre... expliqua t-elle. Que fais-tu ici ? Tu vis dans le coin ?

- Je vis... juste ici.

Elle montra le pêcher de ses doigts.

- Depuis que je t'ai vu arriver, il y a quelques années, j'ai espéré que les choses allaient... peut-être changer.

- Quelles choses ? questionna Kyoka, et... tu vis dans l'arbre ? Mais comment fais-tu pour te nourrir l'hiver ? Je ne t'ai jamais vu !

La princesse se tut un instant.

- Je ne sais pas si tu pourras comprendre...

- J'y arriverai, fit-elle, résolue et déterminée.

Dans un soupir, la jeune fille au kimono dégagea la partie de son cou caché par sa chevelure, dévoilant une large cicatrice tout le long de la jugulaire.

- Tu ne parles pas à une vivante.

Kyoka resta muette sous le choc, mais quand elle la vit partir, elle se reprit.

- Attends ! Je ne connais même pas ton nom !

La princesse ronronna :

- Tu le connais déjà... mais toi, je sais que tu t'appelles Kyoka, j'écoute chaque jour et nuit qui passe les bruits de la maison. Demain soir, on se reparlera, si tu le souhaite...

Et elle disparue sous ses yeux, tel un mirage de la nuit.

La musicienne mit du temps avant de comprendre ce qu'il venait de se produire. Elle avait réellement rencontrée sa Muse, et elle était une... fantôme ? Tout paraissait trop irréel pour elle, mais rien qu'en regardant le sol de sa chambre, elle sut que tout était vrai.

La pêche qu'elle avait faite tombée était toujours là, belle et superbe. Elle la ramassa.

"Il paraît que je connais déjà son nom..."

Momo.

Cela voulait dire "pêche", en japonais.

Kyoka, serrant le fruit contre son cœur, retourna à sa fenêtre voir son jardin, et le fameux pêcher qui y trônait, château d'écorces et de branches pour une certaine princesse.

- Momo, je t'aime, souffla t-elle dans la nuit.

Fantôme ou non, elle restait une magnifique princesse.

Elle sentit un baiser sur sa joue.

La Princesse des PêchesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant