Chapitre 1

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Alors que le soleil se couchait sur Ivraska, Keret observait sa fille dormir dans les bras de celle qu'il aimait. La petite avait sept mois et elle faisait tomber de bonheur ses parents, le couple royal de l'île. Elle restait cachée au peuple, seules les personnes qui travaillaient au château connaissaient son existence. Son père s'approcha et caressa sa joue, puis poussa un soupir en levant les yeux. Depuis quelque temps, des rumeurs se faisaient entendre, ce qui l'angoissait un peu malgré son air détaché. On disait que les Sans-Pouvoir voulaient destituer les Scintillants, des sorciers puissants dont faisait partie la famille royale.

A vrai dire, Keret n'y croyait pas vraiment. Toutefois, sa femme avait préféré cacher sa grossesse. Si les Sans-Pouvoir parvenaient à briser leur pierre, cette fameuse pierre qui leur permettait de posséder leur pouvoir, la magie qui coulait dans les veines des Scintillants disparaîtrait. Si cela venait à arriver, seul un sang royal pouvait réparer la roche merveilleuse, et leur enfant serait donc le dernier espoir pour les sorciers.

Un mois plus tard, alors que la petite grandissait à vue d'oeil, les rumeurs qui circulaient depuis tant de temps se concrétisèrent. Lorsque la nuit tomba sur l'île, des Sans-Pouvoir firent irruption dans le château, brisant toutes ses défenses. Ils étaient bien trop pour que les sorciers puissent lutter contre eux. Des centaines. Ils arrivaient, encore et encore, armés jusqu'aux dents avec des dagues et épées en tout genre. Sans qu'aucun Scintillant ne s'y attende, ils envahirent le palais, passant à la fois par les souterrains et en escaladant les murailles qui protégeaient les jardins. 

Les gardes royaux luttaient contre eux tout en se demandant comment cela était possible. En réalité, le plan des Sans-Pouvoir était si simple que c'en était déroutant. Les sous-sols n'étaient que très peu protégés. Seuls deux soldats se tenaient à leur sortie, une plaque d'égout qui paraissait banale à première vue, à quelques dizaines de mètres de l'entrée qui se situait au château. Keret avait toujours préféré réduire les effectifs pour la garder, car rien d'intéressant ne séjournait en dessous d'eux. Mais ce qu'il avait oublié, c'était que même si la porte était fermée à clé en arrivant dans le palais, une armée de Sans-Pouvoir pouvait la détruire en une fraction de seconde.

Tout s'était si bien déroulé pour ses ennemis. Après une entrée fracassante et organisée, ils s'attaquèrent à la pierre. Les soldats royaux tentaient de la protéger comme ils le pouvaient, mais Keret sut que cela ne durerait pas. Il prit donc sa fille dans ses bras et courut jusqu'aux appartements de sa plus fidèle servante. Il frappa à sa porte, la suppliant d'ouvrir; ce qu'elle fit après une courte hésitation. Elle apparut dans une robe de chambre bleuâtre, les cheveux en batailles et les yeux injectés de sang en raison du manque de sommeil.

— Yla ! Je vous en prie, il faut que vous nous aidiez ! Prenez Keryna, vite, partez avec elle. Je ne suis pas certain de survivre à cette nuit, les Sans-Pouvoir se sont attaqués à la pierre. Ils vont réussir à la briser. Si je meurs, la petite sera la seule restante de la famille royale, alors protégez-là. J'espère vous revoir demain Yla, avec les Sans-Pouvoir pendus aux portes du château, mais je crains que cela soit plus compliqué qu'on le voudrait, lui murmura-t-il en lui tendant l'enfant et une bourse remplie d'argent.

C'est alors que le souverain se sentit soudainement très faible et il sut instantanément que ses pires angoisses venaient de se réaliser. Il se hasarda tout de même à se servir de ses pouvoirs, pourtant rien n'y faisait. Sa vue embuée par les larmes, il embrassa son enfant en sentant son cœur se serrer. Keryna le regardait de ses yeux verts avec une mine enjouée, ce qui lui fit encore plus de mal. Cette dernière image d'elle resterait ce qu'il avait vu de plus beau en cette nuit tragique.

— Vite, passez par les sous-sols ! Je vais tenter de les retenir le plus longtemps possible, s'écria-t-il, avec un ultime regard pour sa fille.

Il repartit ensuite en courant, essayant de ne penser qu'à protéger son peuple de ces rebelles. Mais alors qu'il entrait dans la salle principale, seul un silence glacial se faisait entendre et l'odeur du sang planait dans la pièce. Keret sentit son estomac se retourner devant cette scène macabre. Les cadavres de ses gardes s'amoncelaient sur le sol, et les Sans-Pouvoir avaient déjà gagné les jardins. Il s'élança avec rage vers eux et découvrit sa femme qui se battait, épée à la main. Elle croisait le fer avec son adversaire, mais elle était bien loin d'avoir l'avantage. Puis la lame de ce dernier transperça la poitrine de la reine. Son corps tomba tel un pantin désarticulé, s'écrasant  sur la terre humide sans la grâce qu'elle avait en temps normal.  Keret venait de voir sa vie s'effondrer devant lui.

Sans sa femme, il n'était rien. Tout l'amour qu'il ressentait pour elle se transforma en une souffrance insupportable. C'était un mélange de fureur, de désespoir et de tristesse infinie qui le faisait devenir fou. Ses genoux lâchèrent ensuite et il s'écroula sur le sol, la tête entre les mains. La bataille faisait rage autour de lui, pourtant il n'entendait plus rien. La lèvre tremblante, il tentait d'effacer de sa mémoire cette image épouvantable qu'était le corps sans vie de sa tendre épouse. Étonnement, ses larmes ne coulaient pas, il n'arrivait pas à réaliser ce qui venait de se passer.

Puis alors qu'il restait à terre, un Sans-Pouvoir l'acheva, réduisant à néant le couple royal. 

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Hello tout le monde! Comment allez vous? 

Voici donc le prologue des Déchus, qu'est-ce que vous pensez? N'hésitez pas à me faire part de vos impressions! 

Diadème de cendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant