Chapitre 6: Demyan.

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Le lendemain matin, je fus réveillé par des coups brefs frappés à la porte. Je me levai d'une démarche lasse, les yeux bouffis par le manque de sommeil. L'homme que j'avais rencontré hier se trouvait sur le seuil, et toute notre discussion me revint à l'instant en mémoire. Le poids sur ma poitrine refit son apparition. Je fus tenté de lui fracasser la porte au nez, mais je préférai prendre une grande inspiration et me comporter correctement.

— Un dirigeable est dehors, votre père vous attend.

Il partit alors et j'allais me préparer. Quelques minutes plus tard, j'arrivai donc sur la petite place aux graviers ocre. Elle était entourée par de modestes maisons à deux étages, toutes collées les unes aux autres, et des rues sombres et étroites s'étalaient aux quatre coins. J'embarquai ensuite après avoir salué le chauffeur d'un hochement de tête. Puis j'observai par la fenêtre la terre s'éloigner de moi, me rendant nauséeux. J'avais beau prendre ce transport depuis ma plus tendre enfance, je ne m'y habituais pas. J'essayais de faire bonne figure, néanmoins mon visage livide en disait long.  Et pourtant la vue de ma ville du ciel était fort agréable à regarder, les toits aux couleurs jaunes paraissaient sillonner les pavés jusqu'à former un labyrinthe.

Arrivé au château, dans la place principale, je me sentis un peu mieux. Le fait d'être enfin chez moi y jouait beaucoup, même si je devais voir mon père. Peut-être aurais-je le temps de parler avec ma sœur, pensai-je. Je gravis alors les trois immenses marches de marbre et accédai à la porte de bois aux gravures dorées. Puis les gardes royaux me laissèrent entrer sans plus de question. De toute évidence, ils étaient au courant de mon arrivée. 

Je traversai ensuite le vaste hall, puis bifurquai jusqu'au bureau de mon père, où il passait le plus clair de son temps. Après une hésitation sur le seuil, j'inspirai un grand coup et frappais. Puis en entrant dans cette pièce, je me sentis encore moins bien que dans le dirigeable; si c'était possible. Les murs étaient sombres et les volets presque fermés, ne laissant passer qu'un mince filet lumineux. Mon père, installé dans un fauteuil au long dossier, me regardait avec insistance. Je déglutis difficilement.

— Demyan, heureux de te voir. Vraiment. Tu as maigri non? me demanda-t-il en jouant avec la plume qu'il tenait entre les mains.

— Je ne crois pas, père.

Il observa alors le plafond avec l'air d'être ailleurs, comme s'il avait oublié ma présence. Je mis mes mains dans mes poches afin de les occuper, étant de plus en plus mal à l'aise. Je désirai sortir le plus vite possible, pourtant je savais que c'était lui qui menait la danse, comme toujours. Je n'étais pas libre de partir. Je l'observai alors et remarquai que ses cheveux gris étaient encore plus hirsutes qu'en temps normal. Puis il se concentra de nouveau sur moi en s'avachissant davantage dans son fauteuil, comme si son corps trop grand ne pouvait pas trouver de place en son sein.

— Alors, prêt à aller sur Tawy?

— Je ne veux pas. Je vous en prie, envoyez quelqu'un d'autre, le suppliai-je en tentant de rester digne.

— Tu me supplies, vraiment ? Je ne pensais pas que les Vosris étaient capables de cela. Tu m'apprends quelque chose fiston.

Raide comme un piquet au centre de la pièce, je n'osais pas répondre. Je sentis mes mains me crisper davantage et je me félicitai de les avoir rangées dans mes poches.

— Désolé, mais tu n'as pas le choix. Je l'ai décidé et tu dois m'obéir, c'est ainsi. Alors tu partiras demain matin, à l'aube. L'homme que tu as vu hier t'a dit qu'il fallait faire un rapport, mais c'est en réalité plus complexe que cela. Tu dois détruire une partie des réserves des Scintillants, déclara-t-il sans états d'âme.

Diadème de cendresWhere stories live. Discover now