L'épopée de Sol

Chapitre 32

« La hiérarchie du pouvoir Eopien est divisée en quatre paliers d'influence : la Royauté, la Seigneurie, les Duchés et la Noblesse Bourgeoise. Le Roi, détenteur du pouvoir suprême, commande l'intégralité du Royaume ; les quatre Seigneurs, en charge des quatre continents, gèrent l'activité des différentes régions qui les composent, chacune surveillée par un Duc soumis aux ordres de son Seigneur ; les Ducs sont alors responsables du bon fonctionnement de leurs régions respectives et délèguent une partie de leurs pouvoirs aux Nobles Bourgeois, maîtres particuliers des villes et des villages. »

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       Le mot « invité » fit tomber un lourd silence. Les hommes qui encerclaient Sol s'entre-regardèrent avec gêne puis reculèrent lentement, baissant les yeux lorsque le rouquin tendit chaleureusement la main à la demoiselle.

— Je m'excuse pour la qualité de l'accueil, déclara-t-il avec un sourire en coin, mais nous ne vous attendions pas de sitôt...

       La Mahonienne, le séant collé à terre par un impensable mélange de soulagement et d'angoisse, resta coite un long moment, le regard bloqué sur le visage carré de son interlocuteur. Ce dernier, face au mutisme de la jeune femme, haussa un sourcil avant de réaliser bêtement son impolitesse.

— Pardonnez-moi, j'en oublie les bonnes manières ! ricana-t-il en l'attrapant par les aisselles pour la redresser rudement. Vous êtes l'accompagnatrice de l'Ambassadeur, n'est-ce pas ? Content que vous ayez réussi à venir !

       Peinant à remettre ses pensées dans le bon ordre, la demoiselle hocha lentement la tête. Elle ignorait totalement si ce fut une bonne idée, à vrai dire elle n'y pensa même pas, sur le coup : le choc d'avoir évité la mort deux fois d'affilée chamboulait complètement la hiérarchie de ses priorités... Jusqu'à ce que la voix rocailleuse de l'homme albinos qu'il l'avait tiré de sa barque retentisse derrière elle.

— Chef, il est inconscient ! J'crois qu'il est blessé !

       Un vent glacial souffla sur les joues de Sol lorsque les hommes qui l'encerclaient se précipitèrent vers Win. La fraîcheur fut l'électrochoc dont elle avant besoin pour sortir de sa torpeur : elle sursauta une première fois en apercevant le corps que l'on s'affairait à tirer de l'embarcation, puis une fois de plus lorsque la main du grand roux se posa sur son épaule. Le bonhomme lui posa son bâton de marche dans la paume d'un air inquiet, les yeux rivés sur le sauvetage du blond déguisé.

— Nous allons vous guider immédiatement au château, annonça-t-il alors. Ne vous préoccupez de rien, nous veillons sur vous.

       À ces mots, une civière de fortune atterrit sur la rive puis le blessé, porté avec une étonnante délicatesse par cinq hommes aux larges épaules, y fut soigneusement attaché. Deux grands gaillards s'occupèrent ensuite de charger les affaires des fugitifs sur leurs dos et le convois – du moins ceci y ressemblait-il grandement – s'éloigna du fleuve pour emprunter une étroite route boueuse. Un dernier, plus tardivement, offrit enfin son avant-bras pour guider l'accompagnatrice.

       Ils longèrent un village de petites chaumières en pierre, grossièrement délimité par un réseau de piquets de bois et de corde, puis s'enfoncèrent dans l'obscurité en direction d'une lointaine grappe de lumières vacillantes. Petit à petit, la nature de leur destination se fit plus nette : aux scintillements lumineux s'ajoutèrent les reflets humides de la pierre, puis la silhouette imposante de quelques remparts et d'une haute tour. Était-ce le château de Win ? Sol avait du mal à en juger... Car même si le jeune homme lui avait expliqué que sa demeure bordait l'Ist, rien ne certifiait qu'il ne s'agissait pas là d'un tout autre palais. Eoptys était réputé pour ses nombreuses forteresses, il ne fallait pas l'oublier.