#Chapitre 1

415 41 72
                                    

Je me faufile dans une petite ruelle entre deux maisons insalubres. Appuyée contre un mur sale et décrépi, je tente de reprendre mon souffle en dépit des battements frénétiques de mon cœur affolé. Des bruits de course me parviennent, une décharge d'adrénaline se déverse dans mes veines. Sans attendre, je repars de plus belle dans les rues de Piombino afin de les semer. Mes jambes me brûlent, j'ai l'impression de ne pas avancer. Un peu rouillée d'être restée aussi longtemps sur la Petit'Anick, j'ai perdu l'habitude de courir sur de longue distance. Mes poursuivants me rattrapent. Je m'arrête un bref instant pour me situer dans la petite ville côtière d'Italie avant de reprendre ma course effrénée.

J'ignore qui ils sont et ce qu'ils me veulent mais je ne vais pas prendre le temps de le leur demander. Mon instinct s'est réveillé tandis que j'assistais aux prémices de ce cauchemar, en train de me débattre contre les autorités italiennes. Sans que je comprenne vraiment l'ampleur de la situation, mon intuition m'a alertée de leur présence alors qu'un homme vêtu d'un costard chic mais chaussé de rangers m'observait attentivement. C'est ce détail, ses chaussures, qui m'a interpelé. Je me suis aussitôt enfuie. Et j'ai eu raison...

Je vire brusquement à droite sur un coup de tête. J'adopte un chemin totalement aléatoire, imprévisible, en espérant que cela suffise à les distancer. Au détour d'un virage, je bouscule quelqu'un et manque de peu de m'écraser lourdement sur le trottoir. Mes mains râpent contre le bitume qui me brûle les mains mais je n'y prête attention. Sans ralentir, je m'excuse vaguement sans prendre la peine d'adresser un regard à ma victime. Je cours encore et encore sur je-ne-sais-quelle distance avant de finalement me cacher derrière une poubelle. Je tente de calmer ma respiration autant que la terreur qui m'empêche de réfléchir posément. Ma tête me tourne et des tâches noires commencent à danser devant mes yeux. Je me retiens de recracher mon déjeuner. Un gémissement s'échappe de mes lèvres lorsqu'un commentaire prononcé dans un anglais parfait atteint mes oreilles :

I hate this nasty girl ! She will still run us for a long time ?! I've had enough ! (Je hais cette sale gamine ! Elle va nous faire courir encore longtemps comme ça ? Y en a marre !)

Instinctivement, je me penche légèrement pour apercevoir l'homme à travers le léger écart entre la poubelle et le mur contre lequel elle est appuyé. Il est grand, de type caucasien. Il arbore un visage agressif amplifié par le rictus de colère qu'il affiche et ses cheveux extrêmement courts, presque rasés. Le bras plié, la main contre son oreille, je devine qu'il communique avec une tierce personne au moyen d'une oreillette. Je remarque la trace d'une vieille cicatrice, comme une brûlure encore à vif, sur sa main. Je range ce détail dans un coin de mémoire quand les yeux bleu acier de l'homme aux rangers me transpercent. Je tressaille.

She's here ! (Elle est là !)

Je saute aussitôt sur mes pieds avant de m'élancer. Je me maudis lorsque que je comprends que la ruelle où je me dirige est une impasse. La panique menace tandis que des larmes de frustration voilent ma vision. Putain Will ! reste calme et trouve une solution, vite ! Désespérée, je bondis sur le grillage en métal qui bloque le passage. Sur le point de le franchir, une main me retient par le pied. Une décharge d'adrénaline galvanise mes muscles, me donne la force de m'agripper au métal. Je ne lâche pas prise. De mon autre pied, j'assène à mon agresseur un coup sur son oreillette qui émet un léger bourdonnement. Surpris et déséquilibré par la douleur, il me libère. Dans ma précipitation, mon jean s'accroche au sommet de la parcelle de grillage. Sans douceur, je le détache et bascule de l'autre côté. Par je-ne-sais-quel-miracle, j'atterris tout du même sur mes pieds et m'élance sans attendre de l'autre côté de la rue. Je zigzague entre les voitures et les maisons. Au bout de quelques minutes, je m'oblige à m'arrêter un instant pour étudier mon environnement. Je me suis déjà précipitée une fois et j'ai failli me retrouver coincée, autant ne pas réitérer.

L'Ecole des Neuf Muses [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant