#Chapitre 15

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Je resserre la queue haute qui retient mes cheveux avant de me mettre en position, prête à partir. J'inspire de grandes goulées d'air afin de préparer mon mental et ma concentration. Je souffle doucement alors que les bruits caractéristiques de la course de Valentin dans mon dos se font de plus en plus distincts. J'ose un regard ; encore une trentaine de mètres nous sépare. Je secoue la tête pour chasser la pression, tends mon bras en arrière dans l'attente de son signal de départ. Je souffle. Décidément, je donne trop d'importance à cette course de relai. En même temps, le désir brûlant de faire mes preuves me pousse à vouloir me déchirer sur ce parcours du combattant concocté par les différents profs de sport de l'île.

La semaine annuelle du raid des Neuf Muses a été inaugurée ce matin même. Pour l'occasion, les cours sont annulés et toute la vie lycéenne est orienté vers le sport, le travail d'équipe et surtout « le dépassement de soi-même » pour reprendre les termes de M.Hartmann lors de son discours d'ouverture. Dans sa bouche, ses mots ont une connotation menaçante, je trouve. Les conversations ne tournent qu'autour des épreuves, des trinômes qui font sensations et de la soirée organisée pour clôturer cette semaine de compétitions.

Et ce matin, me voilà dès le réveil ou presque, contrainte à disputer une course de relai sur parcours du combattant comme première épreuve. Comme me l'a expliqué Valentin, elle sert à établir dès le début un classement et éliminer les « équipes vouées à perdre ». Cela ne m'étonne pas vraiment, l'Ecole n'accepte que difficilement la médiocrité...

Tendue comme un piquet, je fais rouler mes épaules pour éliminer la tension. Presque au même moment, Valentin frappe dans ma main. Il m'accompagne sur quelques pas avant de s'arrêter alors que j'accélère brutalement jusqu'à trouver ma foulée. Je m'oblige à une respiration sereine pour ne pas me retrouver freiner par un point de côté. J'allonge le pas pour adopter un rythme soutenu que je pourrais tenir tout le long. Très vite, j'atteins le premier obstacle. Sans me laisser le temps d'hésiter, je me jette au sol avant de me mettre à ramper sous le cordage qui me prive de me redresser. Un léger tiraillement sur mes paumes m'indique que je me suis écorchée dans ma chute mais je n'y prête pas attention. Je me redresse aussitôt la fin du cordage et reprends ma course. Mon souffle est devenu haché. A bon rythme, je m'avance jusqu'au prochain atelier que je franchis sans difficulté aucune, alternant un pied dans chaque pneu.

Grâce à mon grand-père qui prenait soin de me garder en forme, j'ai acquis une certaine endurance et une musculature relativement développée. Il m'obligeait à plusieurs séances physiques par semaine, tantôt il me faisait courir des heures sur un tapis de course, tantôt il me demandait de nager des kilomètres dans l'eau glacée, tantôt il me contraignait à tendre la voile détachée lorsque la force du vent était conséquente... Aujourd'hui, je me dis que cet entraînement n'était peut-être pas tout à fait innocent. Peut-être connaissait-il les Neuf Muses et avait-il conscience de la menace qui planait, ce qui l'aurait amené à m'obliger à travailler jour après jour ma force physique ?

Je franchis le saut de Tarzan, les sauts de haies, les trois barres de franchissement, le filet à escalader en me refusant de ralentir. Les deux tiers de ma portion de parcours avalés, la fatigue due à ma petite nuit se fait ressentir. Plusieurs coureurs m'ont déjà doublée mais je ne relâche pas mes efforts. Je prends mon élan avant de bondir et de me suspendre à l'échelle. Je me balance barreau après barreau m'interdisant de mettre pied à terre sous peine de devoir recommencer. Je me jette de la dernière barre avec soulagement et n'attends pas de toucher le sol avant de me remettre à courir. Plus que deux épreuves. Sans coup férir, je saute sur le parcours d'équilibre que je traverse avec une vitesse et une facilité déconcertante. Je me précipite sur le dernier obstacle où bon nombre de mes concurrents sont coincés ou fortement ralenti. Je souris ; comme je le pensais, je n'aurais aucun mal à rattraper mon retard. Toute en confiance, je saisis la corde à laquelle je me hisse jusqu'au sommet. Le bateau a au moins un avantage sur le plan physique : ça aide bien à avoir de la force dans les bras. Je bascule de l'autre côté du mur avant de me laisser glisser le long de la barre verticale prévue à cet effet. Je puise dans mes dernières forces pour piquer un sprint ultime jusqu'à Adam qui terminera notre course. Je me jette presque sur lui pour lui taper la main. Il ne lui en faut pas plus pour partir à toute vitesse vers son premier obstacle et à la fin, la ligne d'arrivée.

L'Ecole des Neuf Muses [TERMINE]Where stories live. Discover now