Chapitre 10

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Les mots d'Alrek continuaient de le hanter. Il n'était pas si surpris que cela que Nicklas soit un espion de son maître. Ce qui l'étonnait, c'était le fait que le roi ait besoin d'espionner son propre fils qui vivait sous le même toit et dormait à quelques portes de lui. Cette partie n'avait aucun sens. En tout cas, à ses yeux, ça n'avait aucun sens.

La vie à la cour en tant que knähund était routinière et d'un ennui mortel. La plupart du temps, le prince partait dans des pièces avec son père et les conseillers et Vestar se retrouvait obligé d'attendre devant la porte qu'il sorte. Parfois, Alrek acceptait qu'il aille passer le temps à la bibliothèque ou qu'il reste dans leurs quartiers. Cependant, une fois qu'il avait choisi un endroit où passer le temps, il ne pouvait plus en bouger.

C'était monotone et fatiguant dans un sens négatif. Ce n'était pas cette fatigue du corps et de l'esprit qui suivait une journée bien remplie, un entraînement intensif. C'était une fatigue engendrée par l'inactivité, celle qui amenait la paresse. Il avait envie de chevaucher, de s'entraîner... Juste de se dépenser. Même nettoyer les écuries le satisferait s'il pouvait évacuer cette énergie qui bourdonnait en lui.

Il réajusta sa position, étendant ses jambes devant lui pour les détendre un peu. Rester assis sur le sol glacé n'était pas facile et encore moins agréable. Le garde qui le surveillait lui jeta un regard froid qui signifiait clairement « tu ne bouges pas ». Vestar soupira et appuya son crâne contre le mur. Si, au moins, il pouvait dormir le temps passerait plus vite. Au lieu de ça, il se retrouvait à compter les briques.

Il releva la tête lorsque le garde se redressa.

- Capitaine, dit-il.

- Va-t-en, répondit simplement Hardan.

Le garde hésita mais céda à l'ordre de son supérieur. Vestar ne prit pas la peine de se relever. Il jeta un regard dédaigneux au capitaine et l'ignora. Il ne savait pas pourquoi le capitaine débarquait, les bottes crottées et maculées de sciure. Il était si sale qu'il devait revenir d'un entraînement.

- C'était quoi ?

- De quoi est-ce que tu parles ?

- Mon point faible. Ce qui t'a permis de gagner. C'était quoi ?

Vestar leva les yeux vers lui, ouvertement désintéressé. Hardan serrait les poings, tremblant de retenue et d'agacement. Ça devait lui coûter de venir lui parler. Lui poser cette question, c'était admettre que Vestar lui était supérieur. Sa fierté devait en prendre un sacré coût. Vestar n'aurait pas cru qu'il parviendrait à dépasser la blessure de son ego pour venir lui demander comment s'améliorer. En tout cas, pas aussi vite.

- Pourquoi devrais-je te le dire ?

- Tu m'as humilié devant toute la cour. Nous savons tous les deux pourquoi Sa Seigneurie m'a choisi comme adversaire, pour toi. Lui aussi connaît mes faiblesses. Si je veux mieux le servir, je dois les connaître. Tu as été un soldat, tu dois connaître ce sentiment.

Il ne répondit pas et se hissa sur ses jambes pour faire face au capitaine.

- Justement. Je suis un soldat de Ceramos. Je n'ai aucune raison de t'aider à mieux défendre mon ennemi.

- Un ennemi dont tu as sauvé la vie.

- Je n'ai pas eu le choix. S'il meurt, je meurs.

Vestar n'évoqua pas la princesse. Hardan était au courant. Il devait bien se douter qu'il était majoritairement question d'elle plutôt que de sa propre vie. Des risques qu'elle encourait si jamais le prince mourait.

- Si je suis capable de protéger Sa Seigneurie seul, tu n'auras plus à intervenir.

- Tu ne seras jamais capable de le protéger. Surtout si ceux qui en ont après sa vie sont vraiment de Ceramos. Crois-moi, tu ne pourras pas le protéger. Tes faiblesses vont au-delà du corps à corps. La preuve en est que tu n'as pas senti la menace alors qu'elle était bien présente. Tes lacunes sont trop nombreuses pour que tu puisses les combler sans des mois de travail et de discipline.

DeceitWhere stories live. Discover now