Chapitre VI - L'échange

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Une acclamation l'accueillit. Il était au centre d'un grand demi-cercle, un verre de Champagne à la main. Nancy l'avait introduit dans la salle en demandant un instant de silence à voix haute. Les invités avaient été ravis de le voir. Armand avait ressenti une sorte de vibration chaleureuse, un bloc bourdonnant de joie de vivre et de l'envie de s'amuser.

Il leva le verre gaiement vers son public en disant «à nous, à la fête et à nos foutues vies.» Un éclat de rire souleva la foule. Suzanne le guida ensuite vers une table dans un coin de la salle pendant que Nancy organisait la ligne d'attente.

Assit, il attendit le début du défilé le stylo plume prêt à la tâche. Il y avait une cinquantaine d'invités pressés de le rencontrer. Les signatures allaient être épuisantes.

Une main d'ébène lui servit un verre d'eau. Sa respiration s'arrêta net. Il leva les yeux et croisa le regard malicieux de Maureen. Elle était serveuse. Elle lui dit d'un ton sec «auriez vous besoin d'autre chose?» Il avait du mal à parler. Suzanne le regarda avec intérêt. «Non merci, pas pour le moment. Un petit casse-croute ne me ferait pas de mal. Je suis végétarien» réussi-t-il à dire. Maureen tourna le regard vers Suzanne qui acquiesça. «Je vais voir ce que je peux faire» lui répondit elle. Elle lui tourna le dos sans plus se préoccuper de lui feignant de se diriger avec empressement vers un invité qui lui faisait signe.

Armand avait chaud. Le pouls rapide, il avait du mal à parler. Le premier invité était une vieille connaissance. Simon, un négociant en vin qui fournissait des fonds et un soutien logistique inestimable à la résistance tout en faisant le commerce de vins de luxe avec les Aigles.

«Votre éloge aux Aigles était un chef d'oeuvre cher Armand. Un véritable acte d'amour» lui dit-il le sourire au lèvres en le sondant du regard, pendant que sa femme Aliza accaparait Suzanne. Armand acquiesça en signant une image en noir et blanc que lui tendait Simon. Le signe était là sur le coin de la carte. La micro fiche devait être livrée là, tout de suite.

Armand sourit, s'étira, fit mine de se ré-enrouler les manches et se saisit de la micro carte. «La haine me coûte trop en vieillissant. Faisons l'Amour, pas la guerre» répondit-il d'un ton léger. Simon rit, lui tapota l'épaule amicalement et lui serra la main en guise de remerciement. L'échange se fit alors sans faux pas au creux de leurs paumes, en toute cordialité.

Maureen s'était tenue non loin d'eux le regard attentif. Elle faisait mine d'attendre à l'écart le départ de Simon pour servir quelques amuse-bouche végétariens à Armand. Simon la gratifia à peine d'un coup d'oeil et s'empressa de rejoindre sa femme et Suzanne qui riaient de bon coeur avec quelques invités dans la file d'attente.

Rapide elle se pencha alors vers lui prétextant le service et lui dit « on va essayer de t'extraire ce soir. » Armand voulu protester, lui interdire de se mettre en danger et de risquer son réseau pour une tentative vouée à l'échec mais elle ne lui en laissa pas le temps et s'éloigna d'un pas vif sans se retourner.

Armand poussa un soupir. La livraison était faite, il allait pouvoir s'amuser aux dépends de «l'équipe» et trouver le moyen de déjouer le plan de Maureen. Il jeta un coup d'oeil rapide à la file d'attente et reconnu des figures de proue de le République. Il fit signe à un serveur qui passait avec un plateau de flutes de Champagne et saisit deux verres. Il lui fallait boire pour rendre sa prostitution plus supportable. Le spectacle ne venait que de commencer. Le premier acte battait son plein.

Une mort annoncéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant